Avec le transfert de Richard Carapaz, l’éclosion d’Egan Bernal et celle, à un degré moindre, de Pavel Sivakov, l’équipe Ineos, déjà bodybuildée, devient pléthorique. En 2020, la répartition des rôles chez les Britanniques pourrait ressembler à une longue route embouteillée où les plans de carrière s’entrechoquent. Le statut de leader numéro un, lui, sera disputé.
Pavel Sivakov (22 ans) : L’élève surdoué
S’il y en a un qui a su tirer profit d’une concordance malheureuse au sein du Team Ineos à l’approche du dernier Giro, c’est bien Pavel Sivakov. Thomas et Bernal absents, le Franco-russe s’est retrouvé propulsé sur le devant de la scène, lui le natif de Vénétie. Co-leader avec le plus discret Tao Geoghegan Hart, il s’est vite habitué à un costume qui pouvait paraître un peu grand, au départ. Le garçon apprend vite et a fait mieux qu’assurer la permanence sur les routes transalpines. Pour son premier grand tour achevé, Sivakov, 22 ans, a signé une très prometteuse neuvième place au général, deux ans seulement après avoir gagné sa version espoir.
Si certains en doutaient, il confirma son incroyable potentiel. Dave Brailsford, son manager, s’est également réjoui de la précocité de son poulain. « Pavel dépasse nos attentes », assure-t-il. Mais malgré cette performance au mois de mai et des belles promesses accompagnées cette saison de trois victoires, Pavel Sivakov sera le moins expérimenté des cinq fantastiques d’Ineos en 2020. Un léger retard qui pourrait bien le condamner au rôle de gregario de luxe, le temps de grandir et de s’affirmer définitivement comme un leader incontestable.
Geraint Thomas (33 ans) : L’insaisissable leader
De son titre olympique sur piste en 2012 à son sacre sur le Tour de France en 2018, Geraint Thomas est passé d’un solide rouleur à un grimpeur redoutable. Mais après son sacre à Paris, véritable consécration d’une métamorphose fantastique, le Gallois s’exhibait déjà sur les critériums d’après Tour avec quelques kilos de trop sous son maillot jaune récemment acquis. « Trouver le bon poids de forme et le garder, c’est la clé de voûte de ma carrière et ça a toujours été le plus difficile », avouait-il à l’époque. Nous en doutions alors, mais “G” trouva la motivation suffisantes pour se soumettre de nouveau aux exigences terriblement restrictives d’une préparation.
Geraint Thomas avait encore faim et jouissait d’une légitimité suffisante pour imposer cette année son calendrier. L’impasse sur le Giro donc, initialement prévu par son équipe, et une seule mission : gagner le Tour. L’objectif était honnête, le résultat plus mitigé : aucune victoire, une préparation tronquée par les chutes et battu sur la Grande Boucle par son propre coéquipier, plus fort en montagne, par nature son point faible. Après cette saison blanche, Thomas se voit affaibli en interne. Il devra vite réaffirmer sa place de leader en démontrant qu’il peut une nouvelle fois se défaire de son gabarit naturellement imposant, pour se jouer des meilleurs grimpeurs sur trois semaines.
Richard Carapaz (26 ans) : Le jeune intrépide
Initialement second couteau de l’équipe Movistar sur le dernier Giro, c’est lui qui a finalement mis la concurrence à genoux. Richard Carapaz, 26 ans, a ramené le maillot rose à Vérone, à la surprise générale, offrant à l’Équateur son premier grand tour. Une victoire historique qui a fait croître ses ambitions et ses envies d’ailleurs. Convoité par la formation Ineos bien avant son succès retentissant sur les routes italiennes, l’ambitieux sud-américain n’a pas hésité longtemps avant de rejoindre l’armada britannique.
« Je vais pouvoir m’exprimer pleinement lors des prochaines saisons, glisse-t-il. Je veux remporter de grandes choses avec le Team Ineos » En 2020, il tentera de se faire une place au sein de cet effectif terriblement homogène. Mais dans cette quête de reconnaissance et de légitimité, son principal adversaire pourrait bien être le chronomètre. En effet, sa faiblesse avérée sur les chronos sera un handicap certain face aux grands leaders de sa future maison, une meute de redoutables rouleurs. Richard Carapaz devra donc rapidement rassurer son équipe dans l’exercice solitaire et confirmer ses très bonnes prestations en montagne pour espérer pouvoir prétendre au leadership, au risque d’être rapidement bousculé dans la hiérarchie.
Christopher Froome (34 ans) : L’emblématique chef de file
Il est tombé et tente aujourd’hui de se relever. À terre lors de la reconnaissance du contre-la-montre du Dauphiné, en juin dernier, Chris Froome panse aujourd’hui ses plaies. Convalescent, c’est donc prématurément que le septuple vainqueur de grands tours a mis un terme à sa saison, renonçant ainsi à la Grande Boucle. Mais le Britannique, fer de lance d’Ineos, espère retrouver dès l’an prochain sa tunique de leader pour tenter d’enlever enfin une cinquième couronne historique sur le Tour de France, sa plus grande motivation.
« Gagner un cinquième Tour en revenant d’une chute qui aurait pu mettre fin à ma carrière, ce serait encore plus grand », souligne-t-il. À 34 ans, “Froomey” devra néanmoins avoir les ressources nécessaires pour faire face à la concurrence interne. Pas évident pour celui qui, depuis plusieurs années maintenant, nous a habitué à des débuts de saisons timides. Le doute sur son état de forme subsiste généralement jusqu’au jour J, moment où il s’applique à nous rappeler qu’il est le patron. Un véritable métronome qui frappe peu, mais fort. En 2020, Chris Froome devrait donc aborder son premier gros objectif sans grandes références, ni garantie absolue, 21 mois après avoir bouclé sa dernière course de trois semaines.
Egan Bernal (22 ans) : Le petit prodige
Il n’osait l’imaginer, il l’a pourtant réalisé. Egan Bernal, un des bourreaux de Julian Alaphilippe sur les routes du dernier Tour de France, s’est paré de jaune presque malgré lui. Discours peu affirmé et assuré, le jeune prodige est avant tout un coéquipier sage, discipliné et honnête. « Je ne veux pas dire que je suis favori, Geraint Thomas sera notre leader et j’essaierai de l’aider. Je n’ai aucun problème avec ça » annonçait-il après sa retentissante victoire sur le Tour de Suisse, précédant le départ de la Grande Boucle. Mais sur les pentes alpestres en juillet, ses jambes ont parlé pour lui.
Tout simplement trop fort pour la concurrence, il a construit sa victoire presque sans contestation. À seulement 22 ans, il a offert à la Colombie le premier Tour de France de son histoire, ramenant à la maison, véritable terre de cyclisme, la tunique dorée tant convoitée par ses prédécesseurs. Capable de grimper, rouler, et même frotter au cœur des bordures malgré son gabarit peu imposant, le Colombien, désormais prophète en son pays, paraît aujourd’hui sans faille. Son seul point faible réside peut-être dans son caractère. Très réservé, Egan Bernal devra avoir les épaules solides pour assumer son nouveau statut d’incontournable leader et imposer ses choix, son calendrier, face aux ego et forts tempéraments de son équipe.
Bernal trop fort pour la concurrence ? Il n’était pas le plus fort avant la chute et l’abandon de Pinot. Quant à Carapaz, ça paraît amusant de signer chez Ineos en disant “je vais pouvoir m’exprimer pleinement et gagner des courses”, alors qu’il sera dans une équipe où il y a pléthore de leaders, où l’on a toujours donner la primauté aux anglais… En fait de gagner des courses, je le vois plutôt devenir le nouveau Wout Poels, voire l’antépénultième étage de la fusée avant Bernal et Froome !
Ne pas oublier que l’équipe a changé de sponsor. Que ça a une influence sur la politique sportive, notamment sur l’internationalisation de l’équipe.
Avant l’annonce de la reprise, Brailsford avait beaucoup insisté sur le contrat longue durée de Bernal pour appâter le chaland, il y avait eu pas mal de rumeurs sur un repreneur colombien d’ailleurs.
Rajouter à celà les investissements sportifs étrangers d’INEOS, la victoire du colombien sur le Tour et le recrutement de l’équatorien à prix d’or, on peut largement soupçonné une réorientation de la politique sportive.
Carapaz était en contact avec Ineos avant sa victoire sur le Giro.
Je ne pense pas que ça change quoi que ce soit. La structure n’a pas attendu Ineos pour recruter des Sud-Américains et plus globalement des étrangers. En 2013, il y avait Uran et Henao qui faisaient alors partis des 5 hommes de base et il n’y avait que 9 coureurs originaires des iles Britanniques soit autant qu’aujourd’hui. Kwiatkowski, Nieve, Landa, Poels arrivés par la suite n’étaient pas britanniques. Ils étaient surtout très forts.
Ils ont pris Bernal parce que c’était le meilleur espoir, pas qu’il avait la nationalité colombienne ou parce qu’il correspond à une logique de marché économique.
Ils sont beaucoup plus pragmatiques que cela : ils prennent les meilleurs et forcément si des Britanniques sont les meilleurs, ils seront pris en priorité. Quels autres britanniques, en dehors de Froome et Thomas sont intéressants sur le marché ? Il n’y a que les jumeaux Yates. Sont-ils accessibles ? Non. Donc plutôt que d’attendre plusieurs années, ils prennent les meilleurs jeunes, quelque soit leur nationalité.
Si on peut largement soupçonné Ineos d’une chose, c’est de chercher à recruter les meilleurs coureurs et là, il ne s’agit aucunement d’une réorientation de la politique sportive mais d’une continuité.
Il faut aussi tenir compte, dans cette équation, de la baisse de régime probable de Kyrienka, de Froome et même de Thomas, mais aussi des incertitudes autour de Kwiatkowski qui semble au bout du rouleau. Ineos sera-t-elle vraiment plus forte en 2020 ? J’ai des doutes, contrairement à Jumbo qui me semble passer plus nettement un palier.
Il n’est pas du tout certain que Froome revienne à son meilleur niveau. Quant à Carapaz il jouera les équipiers de luxe.
Froome, Thomas, Bernal, Carapaz 4 vrais leaders sans oublier ce que peut faire un Sivakov ou encore un Sosa. Ça fait beaucoup trop de leaders pour les GT et certains se verront être plus des coéquipiers de luxe que des leaders. C’est là que j’arrive pas a comprendre le choix d’un Carapaz d’aller chez Ineos où je pense qu’il deviendra un valet sur le Tour pour Froome, Thomas et Bernal comme Landa a du le faire quand il était chez Sky. En restant chez Movistar, il aurait été leader unique et avec une bonne équipe autour de lui. Sinon bientôt Ineos, ils iront bientôt avec 5 leaders sur chaque tour. Manquerait plus qu’ils aillent chercher un Pogacar ou un autre très bon coureur de GT l’année prochaine.
La stratégie d’Ineos s’inscrit bien dans la stratégie actuelle des grandes equipes de faire des grands tours avec 2 leader. Surtout apres leur Vuelta fantome.
Thomas et Carapaz/Bernal sur le Giro, Froome et Bernal/Carapaz sur le Tour, et que le meilleur gagne ca me parait pas deconnant surtout avec des eventuelles blessures/meformes. Ils ont réussit a le faire avec succés en 2018 et 2019 sans que l’un se sacrifie pour l’autre.
Idem pour Movistar en mai.
Sivakov apprendrai et ne serait pas contre je pense etre un super equipier de luxe, tel un Bernal 2018. Il n’a pas la caisse pour un podium encore.
Et Sosa et Tao n’ont pas fourni assez de garantie pour l’instant.
C est bien dommage avoir que des bons dans une équipe maintenant il faut trouver un leader à chaque course bon courage au directeur il est possiblen que certain voudrait la place ça peut faire la zizanie dans l équipe
L’ex Sky a souvent été comparée (avec plus ou moins de pertinence, d’ailleurs) à l’US Postal ces dernières années. Pour rester dans cette sulfureuse lignée bruyneelienne, je parie qu’on ne coupera pas lors de la prochaine Grande Boucle aux parallèles avec le Tour 2009 des Astana : le leader historique anglophone de l’équipe revient contester le leadership interne au fulgurant escaladeur ibérique qui a profité de son absence pour s’emparer du sceptre mondial… Et Geraint Thomas prendra soit le rôle de Klöden soit celui de Leipheimer.