Vous avez dit que Paris-Camembert était votre plus grande victoire. Est-ce supérieur au titre de champion du monde chez les espoirs ?
Non, ce n’est pas supérieur. Mais c’est ma plus belle victoire en professionnelle. Paris-Camembert est à mes yeux bien plus belle que le GP d’Isbergues (sa première victoire pro, en 2017, ndlr). Dans ma tête, j’étais encore dans les rangs amateurs jusqu’au Championnat du monde espoir, même si j’étais passé pro un mois et demi avant. Je ne voyais pas cette victoire comme un professionnel.
Cette victoire est-elle celle qui met un peu de côté votre titre mondial chez les espoirs, pour se concentrer sur le monde professionnel ?
C’est exactement ça. Déjà l’an passé, j’étais concentré sur la saison. J’avais mis mon titre mondial dans un coin de ma tête. J’en garde des super souvenirs mais j’étais déjà passé à autre chose. Même si je n’ai pas trouvé l’ouverture en 2018, je ne suis pas passé loin. Ça fait du bien de lever les bras. Je suis resté concentré pour essayer de gagner et ça m’a sourit, c’est parfait.
Est-ce un soulagement d’avoir décroché une victoire en tant que leader chez les professionnels ?
Ça fait du bien de montrer que je peux répondre présent. Après, à l’arrivée, certains ont compris que j’étais le leader de l’équipe. Mais je voulais dire que j’étais un des leaders de la course et que du coup ça fait du bien de répondre présent par une victoire. De montrer qu’avec un statut de coureur un peu regardé dans le peloton, j’arrive à répondre présent, en plus avec la manière.
Vous êtes un coureur offensif, vous vous lancez souvent loin, comme sur Paris-Camembert. C’est même parfois trop, non ?
Oui, c’est le vélo que j’aime. Ce n’est pas toujours facile de provoquer ça chez les professionnels, avec des schémas de courses souvent stéréotypés. Là, j’en ai eu l’occasion et je m’en suis pas privé. En plus, je savais que derrière, il y avait des hommes forts dans l’équipe pour assurer une course de mouvement si mon coup ne réussissait pas. C’est un schéma de course que j’aurais envie de reproduire plus souvent. Malheureusement, ce n’est pas forcément facile chez les professionnels.
On imagine que l’équipe vous demande parfois de rester un peu plus au chaud. Réussissez-vous à vous retenir un peu plus ?
Complètement, j’ai un statut un peu plus protégé dans l’équipe, maintenant, surtout sur les épreuves de classe 1. Du coup, je n’ai plus forcément l’opportunité de me lancer dans des échappées au long court. Ça me manque parfois, de pouvoir aller devant et taper dedans, comme on dit. Je suis davantage réservé pour la fin de course, comme je l’étais sur Paris-Camembert. Alors ce n’était pas forcément prévu, mais je me suis dit : « Pourquoi ne pas partir de loin ? » J’ai saisi l’opportunité et c’est le feeling qui a joué dans cette course.
« Chez les professionnels, le mieux est de se spécialiser dans un domaine. Celui que j’affectionne le plus et là où je me sens à l’aise, c’est des efforts “punchy”. »
Ces dernières années, vous marchiez souvent fort à mi-saison ou en fin de saison. Cette victoire veut dire également que le printemps vous convient ?
Ça me fait vraiment plaisir de marcher sur cette période. En plus, j’ai compris l’année dernière que j’avais des problèmes d’allergie aux pollens et que ça me diminuait physiquement. Je pense que c’était une des raisons de mes non-performances à cette période. L’an passé, j’étais tellement au fond du trou physiquement, avec des signes au niveau des yeux et du nez. Maintenant, ce souci est réglé. Je prends des antihistaminiques, des cachets pour les allergies aux pollens. C’est un traitement au long court. Je pense que j’en subis encore quelques effets, mais bien moindres.
Dans Vélo Magazine, en novembre 2017, vous disiez : « Certains n’aiment pas venir rouler avec moi car ils ont l’impression de ne pas s’entraîner. » Ça ne vous a jamais fait défaut une fois arrivé en course ?
C’était vrai chez les amateurs. Mais j’ai changé mon rythme d’entraînement depuis que je suis professionnel. Je fais des allures plus soutenues. L’entraînement, c’est quelque chose que j’affectionne. Prendre mon vélo tous les matins, c’est un plaisir. Mais je ne marche pas forcément aux sensations. Je n’ai pas besoin de me sentir bien à l’entraînement pour être bien mentalement en course. Je ne m’écoute pas en me disant : « Il faut que je sois bien, je vais faire une petite intensité pour me rassurer. » Je sais que le dimanche, quand j’arrive en course, je serai compétitif.
Avez-vous fait des grosses sorties en préparation des ardennaises ?
Dernièrement, j’ai pas mal enchaîné les courses, mais il y a une dizaine de jours, j’ai fait une sortie de 7h40 avec 5300 mètres de dénivelé positif. On appelle ça une belle sortie. (rires)
Au moment de passer professionnel, vous hésitiez à vous spécialiser. Est-ce maintenant plus clair dans votre tête ?
Oui, complètement. Chez les professionnels, le mieux, c’est de se spécialiser dans un domaine. Celui que j’affectionne le plus et là où je me sens à l’aise, c’est des efforts “punchy”. Je le travaille pas mal à l’entraînement quand j’en ai l’opportunité et que le programme de course m’en laisse le temps. Mais je tiens à rester un coureur endurant avec une pointe de vitesse, un peu passe-partout.
Comment abordez-vous l’Amstel Gold Race ?
Je l’ai faite l’an passé. Je n’étais pas forcément acteur (48e, ndlr). C’est une course très technique. Comment dire… . Ce n’est pas aussi dur qu’un Liège au niveau du parcours, mais la longueur de la course la rend dure. C’est vraiment les relances et les petites routes qui créent la difficulté. Je pense que c’est une épreuve qui correspond malgré tout à mes qualités.
Les ardennaises étaient-elles prévues à votre programme depuis cet hiver ?
C’était prévu, oui. Ce sont des courses à sélection donc j’ai su assez tôt dans la saison que j’allais être titulaire, mais la place n’est jamais gagnée. Il y a toujours une incertitude.
On a vu que Romain Bardet n’était pas encore au top, Oliver Naesen sort des flandriennes. Quel sera votre rôle dimanche ?
Bah, je ne sais pas trop. (rires) Les ardennaises, ce sont des courses où la différence se fait un peu de loin. Quand je vois l’an passé, on se retrouve vite un peloton réduit sans forcément tous les éléments de l’équipe dedans. C’est à nous de parler entre nous et de faire au mieux pour briller.
Le matin dans le bus, la consigne sera-t-elle de vous protéger ?
Oui, je pense, mais on va être plusieurs dans ce cas là, avec Oliver et Romain à mon avis.
La bagarre se déclenche de plus en plus de loin dans les classiques, c’est un scénario qui vous convient sur le papier…
Oui, un scénario où la course est usante et où il faut serrer les dents pendant un bout de temps. Ce serait un gros challenge. Mais ce n’est pas parce que j’ai déclenché à 70 kilomètres de l’arrivée à Paris-Camembert que je vais être content si ça déclenche à 70 kilomètres à l’Amstel. Parce que c’est vraiment un autre niveau de course. Il faut voir au moment venu et je vous dirais dimanche soir si je suis content que la bagarre se soit déclenchée de loin.
« S’il y a un vote, la plupart des coureurs seraient partisans pour retirer les oreillettes. Personne n’en parle trop parce que certains font bloc pour ne pas les retirer. »
Quel serait un bon résultat dimanche soir ?
Le résultat m’importe peu mais je m’attache à la façon de courir. Si j’ai fait des fautes ou non. Par exemple, si je n’ai pas fait d’erreur et que physiquement, je ne pouvais pas faire mieux que trentième, c’est très bien. A l’inverse, si je fais 10e et que je fais des erreurs sans lesquelles j’aurais pu faire 5e, là je serais déçu.
Est-ce que ce genre de course d’un jour vous séduit parce qu’il y a un aspect tactique ?
Oui, c’est vraiment ce qui m’anime. De ressentir le feeling en fin de course. Ça fait plaisir de se sentir comme un amateur, parler avec ses collègues, où il faut prendre des décisions en une seconde. Il faut réagir vite sur beaucoup de situations. C’est le vélo que j’aime et c’est pour ça que je suis partisan de retirer les oreillettes chez les professionnels. Pour amener davantage cet esprit-là chez les pros.
Cette volonté de supprimer les oreillettes, en parlez-vous ?
Entre coureurs, on en parle de temps en temps, mais c’est un sujet qui est un peu tabou dans le vélo. S’il y a un vote, la plupart des coureurs seraient partisans de retirer les oreillettes. Mais personne n’en parle trop parce que certains font bloc pour ne pas les retirer.
Ce n’est pas très commun, chez les jeunes, d’avoir cette science de la course et cet attrait pour les courses tactiques.
J’ai encore beaucoup à apprendre, mais justement, j’apprendrais plus vite sans les oreillettes et avec des courses plus débridées. S’il n’y a pas d’oreillettes, c’est sûr que des garçons comme Philippe Gilbert ou Peter Sagan ont beaucoup plus d’expérience et vont savoir bien mieux se sortir de situations compliquées. Donc j’échouerais davantage pendant quelques années puis au fur et à mesure, j’apprendrais et ça marcherait.
Dans le futur, vous destinez-vous seulement aux courses d’un jour ?
Jusqu’à présent, c’est sur les courses d’un jour que j’ai performé, mais j’ai aussi envie de découvrir les courses par étapes (il devrait courir la Vuelta cette saison, ndlr). Pour l’instant en tant qu’équipier parce que je n’ai rien prouvé et qu’en haute montagne, je suis limité physiquement. Je n’arrive pas à être au niveau des meilleurs. Mais je préfère garder un programme divers pour être bon partout. Faire les ardennaises tous les ans ? Je signerais tout de suite.
yes encore un futur Vichot, c’est top ca.
ça c’est vraiment pas sympa… mais pas si faux.
Mettez au moins un photo de Benoit Cosnefroy dans votre article et pas la photo de Clément Chevrier !
Les deux garçons se ressemblent, mais pour le coup, il s’agit bien d’une photo de Benoit Cosnefroy.
Tout ce que j’espère, c’est qu’il ne rejoigne pas l’interminable liste des ex-futurs champions, grande spécialité française.