Alors que le baisser de rideau approche sur les flandriennes, avec les derniers pavés de la saison, dimanche sur Paris-Roubaix, les puncheurs peaufinent leur forme à une dizaine de jours de l’Amstel Gold Race. Chacun cherche la meilleure préparation en vue du triptyque ardennais, et pour beaucoup, elle passe par le Tour du Pays-Basque.
Travailler sur des efforts similaires
Cela faisait deux semaines que l’on n’avait pas vu Julian Alaphilippe, au repos depuis sa victoire sur Milan-Sanremo. Mais à peine de retour, le Français a levé les bras à Gorraiz, dans le Nord de l’Espagne – avant de se faire une frayeur, ce mercredi, en chutant près de l’arrivée. A quelques jours du triptyque ardennais et de ses bosses indigestes, il a choisi le Tour du Pays-Basque pour reprendre le rythme. Là où l’explosivité est le maître mot et où les pourcentages affolants sont monnaie courante. En bref, une sorte de préparation idéale pour ce qui attendra le leader de Deceuninck-Quick Step en Belgique et aux Pays-Bas. Si les étapes de l’épreuve espagnole restent plus courtes que les classiques des prochaines semaines, les efforts, courts et violents, y sont similaires. « La répétition des jours de course permet de travailler sur la fatigue qui s’accumule, explique aussi Frédéric Grappe, directeur de la performance chez Groupama-FDJ, et d’avoir des gains sur des aptitudes physiques que l’on retrouve sur les courses de longue durée. »
La succession d’efforts à haute intensité permet aussi de travailler l’explosivité et surtout, la tolérance lactique, c’est à dire la capacité de résistante lorsque les picotements arrivent dans les jambes et que les muscles brûlent, plusieurs fois par jour sur ces journées à fort dénivelés, qui voient les côtes s’enchaîner. « Cette tolérance lactique est l’un des principaux indicateurs de la performance, souligne Frédéric Grappe. Il faut l’entretenir, sans arrêt la stimuler, obliger l’organisme à résister à des niveaux de souffrance importants. » En clair, il faut souffrir pour être bon.
Tout ça, naturellement, peut se travailler à l’entraînement. Mais la compétition est irremplaçable. « Le garçon qui arrive à préparer une course d’un jour sans compétition pendant les 15 jours qui précèdent, s’il est performant, vous ne m’empêcherez jamais d’avoir des doutes », interpelle Jérôme Pineau, manager de Vital Concept-B&B Hotels. Lui a souvent couru les ardennaises, et en guise de préparation, il est quasiment toujours allé sur le Tour du Pays-Basque : huit fois au total. Un indispensable. « La compétition est un aspect important pour pouvoir se jauger, analyse Frédéric Grappe. On peut y faire les derniers réglages suite à un cycle d’entraînement. » Pour Jérôme Pineau, se tester face à l’adversité a aussi ses vertus. « En compétition, quand le mec est 10 mètres devant vous, il faut se sortir les doigts et aller le chercher », dit-il.
A chacun sa recette
Athlètes et entraîneurs savent aussi exactement quel est le niveau attendu sur ces courses de reprise et de préparation. La forme affichée, à dix voire quinze jours des objectifs, laisse encore le temps de s’adapter. « Les athlètes savent à quel niveau ils vont évoluer, précise Grappe. S’ils évoluent à des niveaux inférieurs, on fait des réajustements. » L’idée n’est toutefois pas non plus d’être au top dès l’épreuve espagnole, mais de monter en puissance. Il faut alors savoir faire abstraction, parfois, du classement, pour se concentrer sur ses sensations « Pour moi, il est préférable d’arriver à 70-80 % de sa condition au Pays-Basque, quitte à subir parfois, pour être bien sur Liège estime Jérôme Pineau. Sinon, on arrive bien à l’Amstel, mais après c’est compliqué. »
Tout est donc question de dosage. Pour ça, mieux vaut se connaître à la perfection, pour éviter le surrégime et ne pas dépasser certaines limites. « J’essayais de ne pas finir trop fatigué à la fin des étapes, raconte Pineau en ancien habitué. La veille de l’arrivée, je quittais souvent la course pour aller disputer la Flèche Brabançonne et ne pas trop me cramer. » Le Pays-Basque était pour lui course de mise en route, avant d’aller prendre la température du printemps belge pour ne pas subir le changement de climat trop brutalement. Parce que la météo clémente dans le Nord de l’Espagne, favorable à la récupération notamment, permet d’accumuler une plus grosse charge de travail. Mais il faut savoir basculer, ensuite, vers des conditions régulièrement plus difficiles côté belge. Tout ça ressemble à une recette de chimie. Mais une recette bien maîtrisée. Elle avait notamment réussi à Julian Alaphilippe l’an dernier, et à Alejandro Valverde, plusieurs fois ces dernières saisons.
Et si le principal adversaire de Julian pour les ardennaises ne serait pas son ex compagnon de route, Maximilian Schachmann ? Déjà 4 victoires pour lui sur des arrivées en côte (même le fameux CLM de ce début de semaine). Je n’ai pas fait Allemand en LV2, mais quand j’ai demandé à Google Translate ce que voulait dire “Schachmann”, le logiciel a traduit par “Homme d’échecs”. Si c’est vraiment le cas (quelqu’un pour confirmer ?), j’aimerais connaître des échecs similaires !
Schach c’est échecs au sens du jeu d’échecs :)
C’est donc un fin stratège !
excelent article . je suis fasciné par le fait que les coureurs puissent programmé ainsi leur pic de forme. Ce serait sympa d’avoir plus souvent des explications sur les entrainements et les ajustements . j’ai lu que l’entraineur de Sagan allait ajuster le tir quand a la forme de Peter. aucun mauvais esprit de ma part; mais que font t’il pour ajuster a 1 semaine du tir.
Ce serait bien d’avoir des articles sur les préparations des coureurs en fonction de leurs objectifs;Merci a vous
En fait quand tu prend une micro dose d’EPO, il faut en prendre 5 3 semaines avant l’epreuve, 2 2 semaines avant et 1 5 jours avant. le matin a jeun et en comptant jusqu’a 10 avant d’injecter dans le bras apres la piqure.
Faut pas se louper sinon une heure de decalage ca te decale de 3 jours ton pic de forme a peu prés.
si c’est du second degré remy tres fort ! mais c’est malheureusement vrai pour ce qui concerne les micro dose d’ EPO donc pourquoi t’es tu fait gauler Remy, tu ne sais pas compter ?
oui surtout avec le changement d’heure, on se prend vite une heure de reatrd! heureusement l’UE a tout prévu aider les SKY, le changement d’heure va etre supprimé
excelent
Intéressante question Gougi ! Sur une semaine c’est vraiment de l’ajustement. Cela peut consister à privilégier le travail à certaines allures qui ont posé problème au coureur. Pour Sagan, on pourrait envisager une reprise plus importante que prévu de la PMA ou un travail encore plus anaérobie lactique, en fonction de ce qui lui a le plus manqué au Ronde. Un travail au seuil ou à des intensités plus basses me semblerait moins crucial au vu de la course, et il n’en verrait pas les bénéfices assez rapidement, c’est à dire pour Paris-Roubaix. J’ignore qui est son entraîneur ; c’est vrai que ce serait intéressant de les faire causer, ces gens-là ;)
merci beaucoup, j’ai lu en effet un article de son entraineur sur un site anglophone ou il expliquait qu’il n’avait pas programmé un retard dans le pic de forme de Peter Sagan, et qu’ils allait réajuster les choses. Est ce vraiment efficace ? a priori l’année dernière ça l’ a été !
Vous avez l’air d’être un spécialiste , connaissez vous un livre qui parle de l’entrainement cycliste, et de son évolution a travers les époques ? Bien a vous
Bonjour Gougi,
Il y a les bouquins de Fred Grappe par exemple (il présente cependant les bases de l’entrainement scientifique d’aujourd’hui et non l’évolution de l’entrainement cycliste).
En particulier, je pense à “Cyclisme et optimisation de la performance”. Il est très complet puisqu’il traite des points déterminants de la performance à vélo (physiologie, entrainement, biomécanique, aéro…). Les premiers chapitres orientés physiologie reste de mon point de vue les plus intéressants.
Ensuite, pour compléter ou pour débroussailler, vous pouvez fouiller sur le blog d’Alban Lorenzini. Les exemples de planification annuelle (puisqu’il est entraineur) puis retour d’expérience permettent de comparer la théorie à la pratique pour plusieurs cyclistes de différents niveaux.
Grégory
merci pour les infos ! bien a vous
J’ai acheté et lu ce livre de Grappe. J’ai été déçu. De mon point de vue il s’agit d’un recueil de comptes-rendus de travaux de recherche. Ce n’est pas inintéressant en soi, mais cela porte sur des points très ciblés, et ne débouche pas ou peu sur des pistes opérationnelles pour élaborer un plan d’entraînement. D’autre part, je ne partage pas le point de vue de Frédéric Grappe qui dénigre l’utilisation de la fréquence cardiaque jugée insuffisamment précise en raison de sa dérive en cours d’effort (ce qui est parfaitement exact). Mon désaccord porte sur le fait qu’il lui substitue une échelle de perception (ESIE = Estimation Subjective de l’Intensité de l’Exercice) que je trouve encore plus imprécise, donc pour tout dire peu opérationnelle et pas très sérieuse. Il est possible de travailler aujourd’hui à partir de capteurs de puissance d’une manière si précise et objective qu’il est incompréhensible de voir ce sujet-ci aussi peu traité dans l’ouvrage. Soit l’auteur a un train de retard, soit il garde les avancées dont il a connaissance pour les coureurs qu’il entraîne et nous vend les miettes. J’ai alors le sentiment d’être pris pour une truffe. Je ne “recommande pas ce livre à… Lire la suite »
Merci Gentleman pour votre avis de lecteur éclairé ! Au début, je suis aussi resté sur ma faim pour les mêmes raisons que vous. Puis avec le temps, je me suis fait la réflexion que son travail devait servir de base et n’avait pas vocation à être un livre dans lequel piocher des trucs tout faits. Il pousse alors à avoir une démarche proactive et à adapter la base à son propre cas personnel, à réfléchir, à essayer, à analyser… car il n’y a pas de recette unique. Finalement, le livre s’adresse plus à des chercheurs, entraineurs, scientifiques, étudiants… qu’au cycliste lambda qui attend des réponses pré-mâchées génériques. Donc il est vrai qu’il faut connaitre les attentes de la personne à qui on le recommande ! Ensuite, concernant la fréquence cardiaque, il ne la dénigre pas, mais fait remarquer qu’elle est variable en fonction de tout plein de paramètres autres que la performance (qu’il cherche à quantifier) et qu’elle ne permet donc pas d’être un indicateur suffisamment fiable ; d’où l’intérêt d’utiliser la puissance. Il conseille alors de l’utiliser en comparatif et non en absolu. Concernant l’échelle ESIE, le but est d’avoir une approche sensorielle « réelle » dissociée des chiffres « abstraits »… Lire la suite »