Dimanche soir à Roubaix, les dizaines de secondes lâchées par une bonne partie des favoris, depuis une semaine, pourraient ne plus peser grand chose. Parce que sur les pavés, les écarts peuvent vite se compter en minutes. Un certain Romain Bardet a beaucoup à y gagner, grâce notamment à l’équipe qui l’entoure.

L’âme d’un homme de classiques

« J’ai pris des coups à Mûr-de-Bretagne, je ne suis pas venu sur le Tour pour prendre des coups tous les jours, disait Romain Bardet cette semaine. Si je peux en donner, je ne vais pas me priver. » Le Français le sait, l’étape des pavés, ce dimanche, est une occasion en or. Ce n’est pas son terrain de prédilection, mais c’est sans doute là, plus qu’en montagne, qu’il peut éliminer certains favoris de la course au maillot jaune. Parce qu’à part Richie Porte (avec Greg Van Avermaet) et Rigoberto Uran (avec Sep Vanmarcke), aucun des rivaux du Français ne peut compter sur un lieutenant aussi costaud qu’Oliver Naesen. « On aborde plus sereinement ce genre d’étape quand on a un garçon comme Oliver dans l’équipe », reconnaît Julien Jurdie, le directeur sportif d’AG2R La Mondiale. Ajoutez-y Silvan Dillier et Tony Gallopin, même s’ils ne sont pas à 100 % de leurs moyens, et vous obtenez l’un des meilleurs collectifs de ce Tour au moment d’aborder les 21,7 kilomètres de secteurs pavés.

Alors bien sûr, rien n’est assuré, et Bardet, ces derniers jours, mettait en garde contre les aléas qu’il ne peut pas maîtriser. « On a surtout peur de la malchance. […] On n’est pas les seuls maîtres sur notre vélo, il suffit qu’il y ait un écart, une chute devant et on peut être bloqués. » Mais le garçon dit aussi qu’il n’a « pas peur des pavés », ce que confirme Jurdie. « C’est un classicman dans l’âme, il est plutôt à l’aise sur les pavés, il aime les sensations », dit-il. L’homme aux deux podiums sur le Tour de France, en réalité, rêve même de courir un Paris-Roubaix dans sa carrière. Au printemps, il est allé disputer A Travers la Flandre, pour sentir l’atmosphère, en Belgique, et se retrouver sur des pavés – du moins sur les premiers secteurs – avec les spécialistes de la discipline. Les conditions climatiques n’étaient pas idéales pour une première expérience, mais ça ne pouvait pas lui faire de mal.

Joue-la comme Schleck

Avec ce petit voyage de l’autre côté de la frontière, les deux reconnaissances qu’il a effectué cette année et les hommes qui vont l’entourer dimanche, l’Auvergnat a donc toutes les raisons d’aborder cette étape clé avec sérénité. « Les gars pourront rassurer Romain dans certaines phases de course, le replacer quand il faut, précise Julien Jurdie. Ils vont le guider avant, le rassurer sur le matériel, le conseiller sur comment se tenir sur le vélo, lui raconter les secteurs. » Avec un moment décisif qu’il faudra réussir à gérer : le premier secteur. « Ce sera un gros feu d’artifice, prévient le directeur sportif. Il faudra être costaud mentalement, réussir à débrancher. Il y aura des chutes à éviter. Mais Romain aura surtout à prendre la roue de Silvan et Oliver, et la route sera tracée. »

Un autre grimpeur, il y a quelques années, avait réussi le coup presque parfait sur les pavés : Andy Schleck, en 2010. A l’époque, le Luxembourgeois avait dans son équipe un certain Fabian Cancellara, qui avait semblé le porter du premier pavé jusqu’à la ligne d’arrivée, tracée à Arenberg. Un exploit pour le cadet des frères Schleck, si peu à l’aise sur un terrain pareil, qui lui avait permis de reprendre presque une minute à ses premiers adversaires, bien plus à la grande majorité. De tels écarts, c’est ce dont doit rêver Romain Bardet. « C’est clair que je compte sur cette étape pour faire des écarts, ne cache pas le Français. J’ai hâte d’y être même si je sais que cela risque d’être une grande lessiveuse. » Lucide, le garçon sait aussi ce qu’il a à gagner sur cette étape. Si certains peuvent légitimement avoir peur de perdre le Tour sur cette étape, Bardet, lui, doit se dire qu’il peut poser, entre Arras et Roubaix, la première pierre d’un futur sacre.

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