Il a suffisamment tourné autour pour bien la savourer. Dans les derniers kilomètres, esseulé sur la route qui le menait au Grand-Bornand, Julian Alaphilippe a extériorisé sa joie avant même la ligne d’arrivée. Deux ans après une première expérience légèrement frustrante sur le Tour, le Français décroche une étape en costaud, ce qu’il sait faire de mieux.

Une victoire qui se sera fait attendre

« Je lui ai dit de profiter de ce moment, parce que ça n’arriverait peut-être plus », disait Wilfried Peeters, directeur de Quick-Step, quelques minutes après la victoire de son coureur. Julian Alaphilippe a bien intégré le message. La tête qui dodeline, la langue tirée, le biceps exhibé à la caméra, le garçon a fait étalage de son bonheur. Il semblait y avoir chez lui beaucoup de soulagement. « On a raté une étape sur le Tour il y a deux ans, à cause d’un problème de chaîne », rappelait Wilfried Peeters. En 2016, sur la route de Culoz, le Français avait eu de quoi enrager. En déraillant plusieurs fois, il avait vu filer sous ses yeux une victoire d’étape qui lui semblait un temps promise. La suite a pu avoir, par moments, des airs de rendez-vous manqués. Un forfait il y a un an, une première semaine discrète cette année, la victoire d’étape que son potentiel lui prédisait depuis longtemps semblait le fuir.

Alors Alaphilippe a pris le problème par les cornes. Après avoir été incapable de rivaliser avec Dan Martin à Mûr-de-Bretagne, il savait qu’il lui faudrait probablement prendre une échappée pour arriver à ses fins. « J’attendais beaucoup de moi la première semaine, en Bretagne, mais je n’étais pas comme je le voulais, je n’avais pas les jambes pour m’imposer, a confié le Français. J’avais à cœur de me rattraper. » L’étape du jour, vers le Grand-Bornand, avait été cochée par Alaphilippe et Quick-Step. Le garçon connaissait le coin pour y être déjà passé plusieurs fois, sur le Tour ou le Dauphiné. Et le plan s’est déroulé sans accro. « C’est incroyable. Je n’ai pas les mots. Je voulais aller devant aujourd’hui, mais je ne pouvais pas imaginer terminer en solitaire, comme ça », répétait-il en zone mixte puis en conférence de presse. Il a finalement compris que c’était bon dans la fin de l’ascension du col de Romme, puis surtout dans la descente, où il comptait presque deux minutes d’avance sur ses premiers adversaires.

Des frustrations évacuées

La déception du maillot jaune, auquel il a pu rêver mais qu’il n’a pas su aller chercher, est derrière lui désormais. Il se consolera avec le maillot à pois, qu’il ne gardera sans doute pas très longtemps, mais qui vient comme une cerise sur le gâteau qu’est sa première victoire sur le Tour. A 26 ans depuis un peu plus d’un mois, le Français décroche désormais les succès dont on le sait proche depuis un long moment déjà. La Flèche Wallonne au printemps a été un déclic important. C’était sa première classique, trois ans après une campagne qui l’avait vu éclore aux yeux du monde. Ce succès sur le Tour est dans la continuité. « J’ai du caractère, un tempérament actif, et garder son calme a souvent été un peu difficile pour moi, reconnait-il. Mais j’ai bien réussi à me canaliser aujourd’hui. Il y a deux ans, peut-être que j’aurais attaqué trop tôt… »

Petit à petit, Alaphilippe gonfle donc son palmarès et met derrière lui les frustrations. En conférence de presse, il en a cité un paquet, pêle-mêle : ses deuxièmes places derrière Valverde sur les ardennaises, le final des Mondiaux à Bergen, sa deuxième place derrière Sagan à Cherbourg, il y a deux ans, déjà sur le Tour, et cette étape de Culoz, bien sûr. Mais les années se suivent et ne se ressemblent pas complètement, heureusement. « Alaf » est toujours impressionnant, mais il transforme surtout ses accessits en victoires. Après l’arrivée à Mûr-de-Bretagne, il avait su ne pas ruminer et reconnaître la supériorité, notamment, de Dan Martin. Une semaine plus tard, il n’y avait aucun doute sur l’identité du coureur le plus costaud de l’échappée : c’était bien Alaphilippe.

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