L’ensemble de la rédaction de Chronique du Vélo a fait ses pronostics en vue du Tour. Nous avons chacun livré notre top 10, notre maillot vert et notre maillot à pois pour finalement établir notre propre classement. Jusqu’à la veille du départ, nous allons donc revenir sur chacun de ces protagonistes. A la huitième place aujourd’hui, Adam Yates.

Nés à Bury, dans la banlieue de Manchester, Adam Yates et son frère Simon avaient un destin tout tracé. Ils ont tous les deux débuté par la piste, suivis par la fédération britannique de cyclisme, et dès 2010, Adam avouait ses ambitions au magazine CyclingWeekly : « Je veux être dans une équipe WorldTour. » Logiquement, Adam aurait dû se retrouver chez Sky. Et pourtant, à bientôt 26 ans, il aborde ce Tour de France 2018 dans la peau d’un prétendant à la victoire finale pour l’équipe Mitchelton-Scott.

L’exil français

La belle histoire naît souvent dans la difficulté. Pour Adam Yates, le parcours tout étoilé n’a pas été aussi simple que pour son frère Simon. En 2011, les jumeaux passent dans la catégorie espoirs. Si la candidature de Simon pour intégrer le programme de développement espoirs de la British Cycling est acceptée, son frère est lui recalé. Pour poursuivre son rêve, Adam doit donc s’exiler. « J’ai fait le choix d’aller en France, expliquait-il à Direct Vélo en 2013. […] Je ne voulais pas rester en Angleterre. Si je l’avais fait, je pense que je ne serais plus coureur aujourd’hui… » La France, un choix étonnant pour un jeune britannique. Mais Adam a fait marcher ses relations, et rejoint l’UCVA Troyes, où son jeune compatriote Joshua Hunt évolue. L’exilé reste alors deux ans dans l’Aube, où il n’est pas encore le grimpeur que l’on connaît. Il s’illustre alors plus souvent dans les sprints – en 2012, il est à deux doigts de battre un certain Bryan Coquard au Tour des Deux-Sèvres.

Il rejoint ensuite le CC Etupes, grand club formateur français (Barguil, Pinot, Vuillermoz), où il impressionne rapidement le directeur sportif de l’équipe, Jérôme Gannat. « Lors de notre stage de début de saison, on a fait notre traditionnel test en côte sur vingt minutes, racontait-il à l’Est Républicain en 2016. Il a battu tous les records. On a compris qu’on avait un coureur d’exception. » Le soir-même, il enverra un message à son frère Simon, en l’invitant à aller grimper la même bosse pour comparer. Les deux frangins montent alors à la même vitesse. Mais le Britannique a beaucoup à apprendre des courses amateurs françaises. Le fan absolu de Joaquim Rodriguez n’est pas un grand attaquant. Il réussit mieux lorsqu’il est opposé aux professionnels, qu’il arrive parfois à accompagner jusqu’au bout. Mais le CC Etupes n’est qu’une étape. Dans l’été 2013, Simon rejoint Adam, et les deux se préparent pour le Tour de l’Avenir, la course qui peut les faire basculer dans le monde pro.

L’eldorado australien

Et les jumeaux ne manquent pas l’occasion. Simon gagne deux étapes, Adam termine deuxième au général. Forcément, les performances attirent les convoitises. Adam prend un agent, et les offres affluent de tout le peloton pour les deux coureurs. La Lampre, la FDJ, et surtout la Sky : on pense leur destin déjà écrit. Et pourtant, les deux Yates prennent tout le monde à contre-pied et décident de rejoindre Orica GreenEdge. Pourquoi ? « On a réfléchi tous les deux, étudié toutes les options, et GreenEdge était le meilleur choix », expliquait à l’époque Adam. Les deux frères sont séduits par la qualité de la formation de l’équipe australienne, et notamment de celle des pistards – Simon cite alors comme exemple Cameron Meyer. Et évidemment, se retrouver à courir sous le même maillot a joué dans leur décision. Si Sky leur proposait la même situation et le même salaire, les jumeaux ont préféré l’Australie. Orica offrait alors plus d’opportunités aux jeunes coureurs, notamment sur les grands tours, l’objectif des deux frères. Dès la première année, ils participent chacun à un grand tour (Simon en France, Adam en Espagne), et vont tous les deux grandir dans une équipe qui les laisse courir librement.

Aujourd’hui, Adam Yates n’a pas bougé d’équipe. Il est un cadre du peloton à seulement 26 ans. Son directeur sportif Matt White le voit encore progresser. Encourageant, puisque pour son dernier Tour de France, en 2016, Adam avait raflé le maillot blanc et terminé quatrième du général. Si sa saison 2017 était en deçà des espérances que sa Grande Boucle 2016 avait suscité, 2018 confirme déjà tout le talent du Britannique. Malgré une fracture du bassin fin mars, il a levé les bras sur Tirreno-Adriatico et sur le Dauphiné et accroché quelques belles places d’honneur (2e du Dauphiné, 4e du Tour de Californie, 5e de Tirreno). Tous les voyants sont au vert avant d’attaquer le Tour de France, avec une équipe totalement dévouée à ses objectifs. Le prometteur sprinteur Caleb Ewan a même été laissé à la maison, pour laisser la place à des hommes d’expérience, aussi bien rouleurs (Bauer, Durbridge, Hayman) que grimpeurs (Nieve, Howson). Les nombreux pièges de la première semaine pourraient faire peur au leader, notamment les pavés de Roubaix. Mais le Britannique est prêt : « J’ai beaucoup couru sur les pavés chez les moins de 23 ans, ça ne sera pas une première pour moi. » Celui qui rêve de briller sur les routes du Tour pourrait encore surprendre tout le monde cet été.

Et vous, qui voyez-vous remporter ce Tour de France 2018 ?

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