L’ensemble de la rédaction de Chronique du Vélo a fait ses pronostics en vue du Tour. Nous avons chacun livré notre top 10, notre maillot vert et notre maillot à pois pour finalement établir notre propre classement. Jusqu’à la veille du départ, nous allons donc vous présenter ces protagonistes via des portraits décalés. Le but : vous faire redécouvrir ces champions dont on parle déjà tout au long de l’année. Voici le troisième volet de cette série. Il est consacré à Alejandro Valverde, huitième de notre classement.

Alejandro Valverde est un cycliste totalement à part dans le peloton moderne. A 37 ans, l’Espagnol a tout vécu dans sa carrière. Les débuts en fanfare, les sommets du cyclisme, les déboires de l’affaire Puerto et le retour au plus haut niveau après sa suspension de deux ans. Nombre de coureurs n’ont jamais réussi à revenir comme l’Espagnol l’a fait après 2012. Le Murcian est en effet revenu comme si de rien n’était dans le peloton, aussi fort qu’avant, dans la même équipe.

La peur du vide

Le palmarès de Valverde le place probablement comme l’un des plus grands coureurs de ce siècle : un Tour d’Espagne, quatre Liège-Bastogne-Liège, quatre Flèche Wallone, deux championnats d’Espagne, quatorze étapes de Grand Tour, six podiums aux championnats du monde, quatre fois vainqueur du classement World Tour… Et pourtant, on a rarement vu Valverde aussi ému qu’un soir de juillet 2015, en haut de l’Alpe d’Huez. L’Espagnol venait, à la veille de l’arrivée à Paris, de conforter sa troisième place au général du Tour de France. « J’en ai rêvé toute ma vie, et enfin j’y suis arrivé, après beaucoup de sacrifices », confiait-il en larmes. « Ce n’est pas une victoire, c’est une troisième place, mais c’est très important pour moi. Je savoure ».

En mai, Valverde expliquait que le Tour avait toujours été un objectif pour lui, depuis son enfance : « Je me fiais à Miguel (Indurain, ndlr), il était la référence à l’époque parce qu’il gagnait tout, surtout le Tour. J’ai toujours été sur le Tour pour le remporter, mais je n’ai pas réussi. » Ce rêve ne cache-t-il pas, paradoxalement, une peur du Tour de France ? En 2012, sur une journée de repos, Valverde déclarait : « Je n’ai jamais basé toute ma saison sur le Tour, on n’est jamais à l’abri. J’ai toujours essayé d’avoir d’autres objectifs et de ne pas tout sacrifier pour le Tour. » Il faut dire que les saisons de Valverde sont souvent longues, de février à octobre. Tel l’écrivain devant sa première page, Valverde a peur de la saison blanche. Le Murcian ne s’est jamais concentré sur un seul objectif, il a presque toujours doublé sa participation au Tour avec la Vuelta. L’an dernier, il a même couru les trois grands tours ! Ce lourd programme, auquel on peut ajouter les classiques ardennaises et les courses espagnoles du début de saison, montre la soif de victoire de Valverde (plus de cent succès en pro !) mais prouve aussi que Valverde n’a jamais osé tout sacrifier pour le Tour.

D’autres priorités

Et puis, Valverde veut se recentrer sur les courses qu’il a le plus de chance de gagner. Le Tour ne semble donc plus être dans ses priorités. Et si cette année encore, Valverde compte disputer – et remporter – la Vuelta, le Murcian cultive d’autres espoirs pour les deux ou trois dernières années de sa carrière, pour compléter un palmarès déjà fourni : « Je veux gagner en Lombardie, au Mondial, sur l’Amstel…. Sur toutes ces courses j’ai été sur le podium, mais je n’ai pas eu la chance de les remporter. » Et pourquoi pas s’aligner, dès l’an prochain, sur les classiques flandriennes, avec de grosses ambitions. Valverde a en effet observé comme tous les suiveurs le magnifique succès de Philippe Gilbert, ancien roi des Ardennes, sur le Tour des Flandres.

« J’y pense plus qu’avant », confiait-il il y a un mois, « cela nécessite d’être un coureur massif et très habile sur ce terrain. Il me manque du poids, mais j’ai de l’habilité, donc je crois que je pourrais être au contact des meilleurs. Gilbert n’est pas lourd non plus et il se défend pourtant très bien sur les monts pavés. » L’exemple du Belge semble donc avoir motivé un Valverde en quête de nouvelles sensations. Pour Cyrille Guimard, c’est d’ailleurs cette soif de nouveauté qui permet à Valverde de rester au top : « Pour durer, tu dois avoir un mental hors-norme. C’est le cas de Valverde. Si tu satures, tu décroches. Un coureur qui à 33 ans commence à parler de retraite ne dure pas. Si tu débutes chaque saison comme un cadet, tu peux tenir jusqu’à la quarantaine sans problème. » Au crépuscule de sa carrière, Valverde va-t-il se retrouver une âme de flandrien ? La réponse viendra en 2018. Mais rien ne dit que l’Espagnol abandonnera l’idée de courir les grands tours.

Outsider, son meilleur rôle

Si « El Imbattido » n’a jamais été très chanceux sur le Tour quand il était leader, avec notamment une fracture de la clavicule sur le Tour 2006, il a réalisé sa meilleure performance en 2015 alors qu’il n’était que coéquipier de Nairo Quintana. A croire que l’atmosphère du Tour, totalement différente de celles des autres courses de la saison, met la pression sur les épaules de Valverde. En mai dernier, Valverde avouait que ce podium sur le Tour l’avait « énormément libéré ». Comme si ne jamais avoir réussi sur le Tour constituait pour lui un blocage. Impérial sur les classiques, où sa science du placement et sa pointe de vitesse font toujours des ravages, l’Espagnol n’a pas toujours eu la même réussite sur trois semaines. Il a certes terminé sur huit podiums de grands tours, dont six sur la Vuelta, mais il n’en a remporté qu’un seul, en 2009 sur le Tour d’Espagne.

Toujours est-il qu’avant le départ du Tour à Dusseldorf, Valverde affiche clairement son rôle d’équipier chez Movistar : « L’essentiel c’est d’aider Nairo Quintana à gagner le Tour. Il y aura des opportunités pour gagner une étape mais la priorité c’est d’aider Nairo. Je respecte énormément le Tour, mais je ne le crains plus. Je me suis parfaitement adapté à la course. » La phrase issue du journal Marca est significative de son état d’esprit. Désormais, Valverde avance sans pression. Même comme coéquipier, il ne s’interdit rien : « Je ferai tout ce que je peux pour l’aider, mais la course se chargera de mettre chacun à sa place », précisait-il début mai. Autant dire que selon l’évolution de la course, Valverde pourrait bien se retrouver aux avant-postes, libre de toute pression. C’est bien là que « El Imbattido » est le plus dangereux.

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