Alejandro Valverde était venu sur le Tour de France avec un objectif clair, à savoir monter sur le podium. Sur le papier, les abandons de Contador, Froome, Talansky ou encore Costa, lui étaient favorables et faisaient de lui un candidat naturel pour monter sur la troisième marche du podium, voire un peu plus haut. Mais El Imbatido n’a pas été à la hauteur des espérances en juillet, “échouant” à la quatrième place. Avant de se tourner vers la Vuelta qu’il a déjà remportée en 2009, il y avait donc cette Clasica San Sebastian new look pour se racheter. Piqué au vif, il a répondu présent et inscrit son nom pour la deuxième fois au palmarès de l’épreuve basque.

Il fallait prendre l’initiative

Le Murcian a souvent fait parler de lui ces derniers mois et plus globalement depuis son retour de suspension, par son attentisme criant. Ce qui lui a sans doute valu une impressionnante série de podiums sans victoire sur les classiques de la saison 2013 et un titre mondial à Florence, a cette fois été déjoué durant les 220 kilomètres de la Clasica San Sebastian, avec une victoire au bout. La satisfaction une fois la ligne passée pour le double vainqueur de la Flèche Wallonne et de Liège-Bastogne-Liège était évidemment à son comble, une semaine après avoir tout perdu sur le chrono de Périgueux, faisant suite à des étapes montagneuses où il semblait en nette perte de vitesse et débordé par la fraîcheur de Thibaut Pinot. Il fallait se remobiliser et se changer les idées. Et très vite, le scénario de cette Clasica 2014 nous confirma qu’on n’aurait pas un vainqueur surprise, comme parfois au cours de ces dernières années. Certains diront que le plus fort a gagné, tandis que d’autres critiqueront une course de côte, mais Alejandro Valverde a troqué la défensive pour l’attaque. Quand Joaquim Rodriguez rattrape tout le monde dans les pentes à 20% de la Bordako Tontorra, dernière trouvaille des organisateurs, le quatrième de la Grande Boucle prend son mal en patience avant de rejoindre son meilleur ennemi au sommet. Le trou est apparemment fait, mais la phase la plus dure arrive, à savoir l’entente entre les deux hommes.

Roublard une fois de plus, l’Espagnol a profité d’une prise de relais pour appuyer son effort dans une descente inédite et technique, ayant notamment poussé à la faute Adam Yates, en mesure de faire la jonction. Les derniers kilomètres auront ensuite ressemblé à ce qui se fait de plus en plus dans les classiques du cyclisme dit moderne, à savoir un homme seul en tête et une petite poignée de poursuivants rechignant au sacrifice pour pouvoir sprinter vers un podium. Valverde a donc (enfin !) appris de ses trop nombreuses erreurs passées et s’offre un joli cadeau de réconfort avec cette deuxième victoire sur le sol basque après son succès de 2008. Le nouveau final aura fait l’affaire des hommes forts et costauds, et avantagé un coureur de la trempe de Valverde dans sa quête. Une intelligence tactique sûrement moins mise à l’épreuve que lors des anciennes configurations, mais une vive incitation à lancer le feu d’artifice final, grande nouveauté de l’exercice. La place de numéro un mondial à la clé.

Une véritable course d’attente

Car il faut se le dire, en dehors des dix derniers kilomètres et de ce raidard dans des routes étroites et rurales, on a quasiment rien eu à se mettre sous la dent. Les montées de Jaizkibel et d’Arkale ont été le théâtre d’un baroud d’honneur perdu d’avance par l’inusable Amets Txurruka, et un simple écrémage banal s’est produit. Les difficultés historiques du parcours ont donc été réduites au presque néant, à l’image de la Madonna del Ghisallo ou du Mur de Sormano sur le Tour de Lombardie, concentré autour de la Villa Vergano. Certes, San Sebastian n’a jamais été  la course la plus spectaculaire du calendrier, et le suspense était surtout tactique, puisque les purs grimpeurs se devaient de lâcher les puncheurs à bonne pointe de vitesse dans les pourcentages des cols précédemment énoncés. Cette fois, il n’y a donc plus de place pour ces meilleurs puncheurs que grimpeurs, devant se contenter d’un top 10 à l’arrachée, comme Gianni Meersman ou Greg Van Avermaet.

Les numéros en solitaires sont devenus quasiment impossibles, comme en témoigne le raid désespéré d’Andriy Grivko, de la descente d’Arkale au pied de la Bordako. Dans la mesure où ce nouveau schéma serait de nouveau proposé dans la durée, le trophée de vainqueur ne pourra se jouer ailleurs que dans la dernière côte, lieu d’explication entre les puncheurs les plus à l’aise sur les forts pourcentages. Une course au durcissement de chaque parcours qui a plutôt tendance à produire l’effet inverse à celui escompté, même si dans le cas présent, difficile de voir une autre volonté que de favoriser Joaqium Rodriguez, revenu aux affaires en signant la troisième place. Toutefois, on pourra se dire que le plus fort a gagné, et non le plus malin, même si aujourd’hui, Valverde remplit clairement les deux caractéristiques. Des déroulements muselés, et de quoi assister à une journée stéréotypée et cadenassée par des équipes comme Movistar ou Katusha, pendant que leurs leaders courent à l’économie, ce serait donc ça à quoi il va falloir s’habituer sur les grandes classiques. Certains spectateurs ne s’y trompaient d’ailleurs pas, préférant le cadre idyllique de la Concha à la ligne d’arrivée…

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