Patrick Lefevere doit se mordre les doigts d’avoir laissé filer Matteo Trentin. Depuis l’annonce de son transfert chez Orica-Scott, l’Italien a remporté quatre étapes de la Vuelta, le GP Impanis et Paris-Tours, ce dimanche. Une machine à gagner prête à prendre son envol en 2018.

Le charme d’Orica

Il est un garçon fidèle, passé professionnel en 2011 chez Quick-Step et qui n’avait jusqu’ici jamais été voir ailleurs. Un garçon de l’ombre, souvent équipier dans une armada qui avait de plus grands leaders pour les classiques et les sprints, terrains d’expression de Matteo Trentin. En six ans au sein de l’équipe belge, l’Italien aura donc décroché dix-sept victoires. Dont six après l’annonce de son départ, mi-août. Alors Patrick Lefevere ne le dira pas, mais il doit forcément se demander s’il a fait le bon choix. Ce dont on ne doute plus du côté d’Orica-Scott, où l’on se frotte les mains. « Il a été l’équipier des meilleurs coureurs de classiques du monde, reconnaît son futur manager général, Matthew White. Désormais, c’est à son tour de briller. » Jackpot, c’était le discours à tenir pour convaincre le transalpin de 28 ans, désireux de prendre en main sa carrière et de voir jusqu’où il peut aller avec une équipe construite autour de lui.

Les dernières semaines ont en tout cas été prometteuses. Dans les sprints de la Vuelta, où Quick-Step avait décidé de miser sur lui, il s’est montré intouchable, quatre fois vainqueur et jamais battu, laissant même son propre coéquipier Yves Lampaert l’emporter à Gruissan. La suite a été d’une aussi bonne facture : vainqueur du GP Impanis, quatrième des Mondiaux et deuxième de Binche-Chimay-Binche, avant Paris-Tours, donc, ce dimanche. « Dire au revoir à tous les coureurs et au staff sera quelque chose de très étrange parce que je suis passé professionnel et je me suis développé ici. (…) Je veux donner le meilleur de moi-même jusqu’à la fin de saison pour honorer l’équipe Quick-Step », expliquait Matteo Trentin en août, sur son blog personnel tenu sur le site Cyclingnews. Il a parfaitement rempli sa mission et offert un beau cadeau d’adieu à Patrick Lefevere, deux ans après un premier succès sur Paris-Tours qui lui avait conféré un nouveau statut en interne.

Question d’instinct

Cet hiver, Orica va donc hériter de l’une des sensations de cette fin de saison. Un coureur dans la force de l’âge, sans doute plus classicman que sprinteur, heureux d’enfin pouvoir nourrir des ambitions personnelles en vue du printemps. Un coureur à part, aussi, sur le plan de la philosophie. Trentin veut gagner et rien d’autre, quitte à risquer de tout perdre pour avoir un espoir de victoire. « Certains sont heureux de courir pour la deuxième place, pas moi », commentait-il sur son blog en avril dernier, après la victoire de Peter Sagan sur Kuurne-Bruxelles-Kuurne. Ce jour-là, après avoir attaqué pour tenter de fausser compagnie à ses compagnons d’échappée dans le final, l’Italien avait été repris avant de terminer cinquième, relégué à la dernière position du groupe de tête. Sans regrets.

« Si j’avais attendu le sprint, j’aurais probablement eu 80% de chance de terminer deuxième (derrière Sagan), détaillait-il alors. Mais c’est dans ma nature d’essayer et mon inscrit me dit toujours qu’il veut mieux terminer cinquième en ayant tenté que de ne rien faire et de terminer deuxième. » Tant pis pour les points UCI si chers à certains – mais pas à Quick-Step, l’un des avantages de faire partie d’une telle armada – et pour l’exposition médiatique qu’offre un podium. Mais tant mieux pour nous, spectateurs. Et tant mieux pour Orica, qui courtisait Trentin depuis la saison dernière – l’Italien était encore sous contrat – prête à devenir une équipe qui compte sur les classiques. Une formation de plus pour contrecarrer les plans de Quick-Step, qui aurait pourtant pu tout empêcher en conservant son joyaux.

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