Cette semaine, la Chronique du Vélo vous propose une série d’articles sur les voix dans le cyclisme. Les commentateurs, les consultants, les speakers, les coureurs eux-mêmes, ils sont ceux qui nous font vivre le cyclisme, à longueur d’année, à travers leur voix. Qu’ils soient bavards ou pas du tout, extravertis ou un peu moins, retraités de longue date ou sur le vélo il y a encore quelques années, ils sont au cœur de ce petit monde.

Tous les épisodes :
Consultant, ton univers impitoyable (1/4)
Armstrong, les années de plomb (2/4)
Speakers, voix royales (3/4)
Communication, la nouvelle ère (4/4)

Il a fallu une partie de baby-foot. Et un clin d’œil du destin, aussi. En 1965, Daniel Mangeas a 16 ans et la gouaille rieuse de l’adolescence, celle qui enflamme des matches entre copains. Parfois, les choses s’enchaînent et c’est pour la vie. L’animateur de la course de son village malade, c’est ainsi que le jeune homme anime sa première course cycliste. « Six commerçants du village m’avaient donné 1 franc à l’époque, j’attends toujours que le septième me rembourse », s’amuse l’homme qui fera ensuite le tour de la France avec le Tour de France.

Une vocation à contre-emploi

Animer pendant plusieurs heures n’avait pourtant rien de logique pour le jeune homme. « J’étais profondément timide enfant, et jamais satisfait de moi même. » La passion aurait alors des vertus curatives. Damien Martin, 28 ans, qui lui a succédé aux arrivées du Tour de France, confirme. « Comme Daniel, j’étais timide. C’est peut-être une manière pour nous de s’inscrire dans la société, de trouver notre place. C’est une révélation qui, finalement, s’explique assez peu. Ça nous a permis de nous découvrir. » Il faudrait y voir une vocation quasi religieuse. « J’ai tendance à penser qu’il y a une part d’inné là-dedans. La passion de ce sport et de la transmettre dépassent la timidité que l’on peut avoir », indique Michel Gélizé, qui anime notamment les départs de la Grande Boucle aux côtés de Marc Chavet.

Par sa voix et sa bonhomie, Daniel Mangeas est devenu la référence. Autant lors des courses amateurs que professionnelles. « Une fois à Genève, une dame est venue me voir avec une boîte de chocolats en me disant : ‘Je me suis arrêtée, je ne connais rien au cyclisme et grâce à vous, j’ai passé l’après-midi ici alors que ce n’était pas prévu.’ Pour moi c’est le plus beau compliment qu’on peut me faire. » Le métier évolue à mesure que le cyclisme se développe et se professionnalise. « Dans les premières années, il y avait à peu près 300 à 400 coureurs d’une année sur l’autre, explique Mangeas. Aujourd’hui, on a les mêmes équipes, mais pas les mêmes coureurs. Le peloton professionnel a été multiplié par dix et c’est beaucoup plus de travail. » Plus de coureurs, plus de courses mais des conditions qui ont aussi évolué grâce aux progrès des retransmissions radio et télé et l’apparition d’internet.

Se détacher du modèle

Personnage central de l’animation, sorte de père spirituel, Mangeas a commencé à passer la main, lentement. Après 41 Tours de France, le Manchois a commenté sa dernière Grand Boucle en 2014. S’il continue à animer d’autres courses du calendrier français, son ombre n’est jamais loin. « Daniel a imposé sa marque, sa voix, pendant plus de 40 ans, admet volontiers Michel Gélizé. Il a été le modèle de tous. Mais, il faut aussi parfois savoir s’en détacher. » Désormais, pour installer d’autres visages et d’autres voix, ASO décide de mettre en place des binômes différents aux arrivées et aux départs des étapes du Tour pour favoriser les ruptures de rythme et se réinventer.

Tous gardent la même exigence. « On est là pour expliquer, pour intéresser les gens et les captiver. Pour le faire, il faut aller les chercher, leur rentrer dedans », explique Damien Martin. A la manière d’un commentateur-journaliste finalement ? « Notre terme de speaker a toujours été ambigu : certains nous qualifient d’animateur, de commentateur, de journaliste parfois… On essaie de faire un mix de tout ça pour proposer un rendu le plus complet possible. »

A leur compte, les speakers subissent de plein fouet la pandémie du COVID-19. Avec cet accent du sud-ouest qui le caractérise, Michel Gélizé préfère positiver. « On n’est pas les plus à plaindre, on espère juste que l’on reprendra comme prévu, que l’on puisse se réunir à nouveau autour du vélo. » Comme avant.

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