Il y a six jours exactement, Peter Sagan était exclu du Tour de France. Mardi dernier, les commissaires prenaient le risque de renvoyer la superstar du cyclisme chez elle. Depuis, le peloton a complètement pardonné le geste du champion du monde et son clan a du mal à digérer la sanction.

Un emballement incroyable

La foule n’abonde plus autour du bus Bora-Hansgrohe. Parfois, le staff de l’équipe allemande trouve le courage de sortir son enceinte circulaire pour envoyer du son à plein gaz. Mais l’ambiance n’est plus la même, la rockstar est partie. Devant tous les vélos des coureurs du team trône le n°111, celui de Peter Sagan. Bora n’a pas voulu le retirer du paddock, « une façon de protester contre la sanction injuste », nous murmure Ralph Scherzer, le chef de la communication. Une punition tombée dans la précipitation mardi dernier, une heure et demie après la fin de l’étape. Peter Sagan pense alors pouvoir repartir, il n’a pour le moment reçu qu’une sanction de points et de temps. Rien de trop grave. Le Slovaque a fait le tour des bus pour compter les blessés et s’excuser auprès de Mark Cavendish, la victime d’un coude un peu trop décollé. « Oui c’est un peu de ma faute. J’ai voulu prendre la roue de Kristoff, ou Démare je ne sais plus. Mark est venu de l’arrière et je ne l’ai pas vu me doubler par la droite. Je n’ai pas eu le temps de me déporter sur la gauche pour l’éviter. Il m’a touché et il est tombé. C’est le sprint mais je suis désolé pour ça. Greipel était énervé contre moi mais je ne sais pas pourquoi. Oui je lui présente mes excuses parce que ce n’est pas joli de tomber comme ça.» Faute avouée, à moitié pardonnée pense-t-il.

André Greipel, comme beaucoup d’autres, avaient réagi à chaud en chargeant le double champion du monde dans l’esprit des critiques qui fusaient alors : « Sagan pense qu’il est le roi, mais il doit respecter les règles comme tout le monde. » Dur. Pire, Mark Cavendish y allait de sa pique : « Qu’il fasse un écart, passe encore, lâchait-il à l’arrivée. Mais le coude… Ça ne me plaît pas qu’il ait mis son coude comme cela. Une chute est une chute. Mais j’aimerais avoir des explications concernant le coude. » On parlait même d’attentat. Dans la soirée, le jury tranchait, avec le souci de faire un exemple et excluait Peter Sagan. Le quintuple maillot vert, le double champion du monde, la star du peloton. Dans la soirée, Bora-Hansgrohe répliquait dans un communiqué : « L’équipe est en désaccord avec la décision et la conteste officiellement. Peter Sagan conteste avoir délibérément causé ou essayé de causer la chute de Marck Cavendish dans le final de l’étape. Peter est resté sur sa ligne pendant le sprint et ne pouvait pas voir Cavendish sur le côté droit. »

Finalement excusé par ses pairs

Le coureur, de son côté, était apparu déçu mais déterminé : « Ce ne sont évidemment pas les meilleurs jours de ma carrière que je passe actuellement. Je veux annoncer que je ne suis pas d’accord avec la décision du jury. Je ne suis pas en colère mais je ne pense pas avoir fait un mauvais geste dans le sprint. Je ne suis pas fautif. Je suis triste pour Mark qui est tombé, c’est vraiment dommage et j’espère qu’il va vite récupérer. Je veux m’excuser à nouveau auprès de lui pour cet incident. C’était un sprint complètement fou mais ce ni la première fois ne la dernière fois que ça se passe ainsi. » Une défense qui ne le servira pas. Le sur-lendemain, on apprenait que son recours auprès du Tribunal arbitral du sport avait été rejeté. Pourtant, pendant deux jours le lobbying s’était retourné et avait été pressant. Le « Gorille de Rostock » était revenu sur ses accusations : « Des fois, je devrais regarder les images avant de dire quelque chose. Mes excuses à Peter Sagan, je pense que la décision des juges est trop dure. »

Il n’était pas seul. Plusieurs ancien cadors du sprint avait également soutenu Sagan. Robbie McEwen et Alessandro Petacchi, notamment, avait pris le parti du slovaque. Baden Cooke résumait alors le sentiment général des anciens rois de la dernière ligne droite : « Renvoyer Sagan chez lui est une mauvaise décision. Tu utilises souvent tes coudes pour prendre des espaces et éviter de tomber. » Dans un échange emprunt de classe sur Twitter, Sagan et Cavendish avait définitivement désamorcé la bombe jeudi soir. Non, plus personne n’en voulait au double champion du monde. Mais le mal était fait et les pots étaient brisés sur l’autel de l’exemplarité. Victimes collatérales, les médias slovaques pestaient.

Catastrophe pour la télévision Slovaque

« Peter Sagan est plus qu’une locomotive pour le cyclisme en Slovaquie, c’est le train entier. » Quand on parle aux journalistes slovaques de la RTS devant le bus de la Bora, on comprend que le pays entier a perdu gros avec l’exclusion de son champion du monde. « En Slovaquie, personne ne s’intéressait au Tour jusqu’à 2012, jusqu’à ce que Sagan devienne ce qu’il est. Depuis, 500 000 Slovaques regarde les étapes à la télé. C’est 10% de notre population ! Alors, depuis qu’il a été exclu, les audiences baissent drastiquement. Ils sont très déçus. En Slovaquie, le cycliste le plus populaire est Peter Sagan. Ensuite ? Personne. »

Peter Sagan parti, tout un pays délaisse donc le cyclisme. Mais les déçus se comptent en millions à travers le monde. Ne plus voir cet extraordinaire showman, couplé au coureur d’exception qu’est le double champion du monde est difficile à encaisser. En quatre jours, Peter Sagan avait quand même eu le temps de s’offrir un bouquet. Bien maigre consolation pour Hulk, venu en France à la conquête du record de maillot vert d’Erik Zabel. L’Allemand l’avait d’ailleurs qualifié pour nous de « meilleur du monde » quelques jours auparavant. Le plus charismatique, sans doute. Hors-délais, son frère aîné, Juraj, a quitté les routes du Tour hier. Il faudra donc attendre un an avant de revoir un Sagan sur la Grande Boucle. Avec le couteau entre les dents, l’esprit de revanche et l’envie de réécrire l’histoire avec une fin plus glorieuse.

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