Certes, ni le champion olympique, ni le champion du monde, n’a triomphé aujourd’hui sur la première édition de la Bretagne Classic – Ouest France. Mais, pour la première fois depuis bien des éditions, le contenu aura passionné les suiveurs. Sur un tracé inédit et piégeux, les coureurs s’en sont donné à coeur joie, avec des stratégies collectives poussées. Si bien qu’à la fin, le scénario habituel ne s’est pas produit. L’expérimentation peut s’avérer concluante.

Le saut dans l’inconnu

Comment les organisateurs allaient-ils réussir à dépoussiérer cette classique historiquement positionnée le dernier week-end du mois d’août ? En annonçant rapidement leur volonté de mettre en place une course en ligne, traversant différents territoires de la région bretonne, les savants en coulisses ont réussi à perpétuer l’âme du Grand Prix de Plouay, réputé accessible pour les chasseurs de classiques, tout en étant hors de portée des sprinteurs les moins débrouillards. Vingt kilomètres de plus, des petites côtes qui s’accumulent avant le grand final, qui consiste désormais en un seul et unique tour du circuit qui avait accueilli les championnats du monde en 2000, remportés par Romans Vainsteins. La décision allait t-elle se produire avant d’entrer en terrain connu ? Oui !

Sortis dans une période de contre-attaques inévitable après avoir repris l’échappée matinale, Oliver Naesen, Alberto Bettiol et Guillaume Martin ont tenu bon jusqu’à la dernière ascension de la côte de Ty-Marrec, et piégé un peloton majoritairement épuisé avant de devoir franchir les deux dernières difficultés du jour. Tout au long de la journée, les équipes avaient placé leurs pions à l’avant, et disposaient toutes de plusieurs cartes, et, à l’exception de la Katusha d’Alexander Kristoff et de la Giant de Degenkolb, ont refusé de participer à l’attentisme généralisé. Certainement le fruit de cette petite révolution qui aura produit le plus grand bien dans le peloton, unanime pour saluer un changement salvateur. Car ce n’était plus possible d’enquiller les tours de circuit comme à l’entraînement, d’avaler le juge de paix comme si de rien n’était, et de se livrer à un seul sprint en faux-plat descendant, bien ennuyant.

À contre-courant des normes dominantes

Si tout cela mérite un article, c’est bien parce que la tentation numéro un chez les sociétés organisatrices est plutôt de vouloir resserrer les parcours de ses classiques, quitte à en faire des courses de côtes, honnies des téléspectateurs qui y voient, pour les plus sévères, les limites de ce que l’on aime dénommer le « cyclisme moderne ». L’exemple le plus récent, c’est bien sûr le sort de la Clasica San Sebastian, caricature de la manière dont on peut dénaturer le charme d’un événement incontournable du calendrier, en marginalisant ses principales caractéristiques au prix d’un dernier mur à moins de dix kilomètres de l’arrivée. Mais, même les plus grands Monuments se sont éloignés de leur nature. Liège-Bastogne-Liège a ainsi introduit la côte pavée de Naniot, quand le Tour de Lombardie ne cesse de se chercher depuis 2011.

Plouay aurait pu durcir son circuit, chercher une troisième bosse, l’allonger. Mais non, c’est une autre stratégie qui a été retenue, bien plus intéressante du point de vue promotionnel. En allant visiter les contrées du Morbihan et du Finistère, toute la région Bretagne est mise à l’honneur. La place de la course française dans le circuit World Tour, se retrouve par ailleurs sécurisée. Car, sur le rythme précédent évoqué, la petite bourgade de 5300 habitants n’aurait pas fait long feu, sous la pression, d’un côté, des pétrodollars, et de l’autre, des courses qui montent. De quoi donner au format des « Quatre Jours de Plouay », un nouvel appui, pour assurer une belle fête populaire autour du cyclisme, comme on aimerait tant en profiter dans d’autres terroirs français.

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