Maudite, la Sky a encore été frappée par une incompréhensible malédiction sur le Giro, plus précisément par une moto de police mal garée au pied d’un Blockhaus au scénario incroyable. Trois favoris ont tout perdu. Heureusement, le suspense, lui, n’a pas été pris dans la chute. Derrière un Nairo Quintana virevoltant, un Thibaut Pinot éclatant et un redoutable Tom Dumoulin font espérer un probable jeu à trois.

Trois hommes au-dessus du lot

Ils étaient dix-sept en moins d’une minute au départ de Montenero di Bisaccia ce matin. Au sommet d’une magnifique ascension du Blockhaus, ils sont trois à avoir frappé un grand coup au bout d’une étape spectaculaire, à suspense, ponctuée d’attaques et de rebondissements. Nairo Quintana, d’abord, a su profiter de l’exceptionnel travail de son équipe, Anacona en tête. Après un début d’étape extrêmement rapide, c’est bien l’armada Movistar qui a pris les choses en main. Comme pour annoncer, enfin, une grande explication entre les favoris. Au sommet, le Colombien a confirmé son aura de favori absolu de ce centième Giro. Répondant sur la route aux polémiques qui l’ont entouré ces derniers jours, Quintana a pris une dimension patron.

Les petites phrases mesquines assénées dans les journaux italiens n’ont pas l’air de l’avoir atteint moralement. La magnifique résistance de Thibaut Pinot l’a par contre probablement fait douter. Magistral dans la montée finale, au point de noyer le Requin de Messine à trois kilomètres du but, le Franc-Comtois a assumé son statut comme jamais il ne l’avait fait. Ses coéquipiers avaient souvent été aux manettes depuis le départ d’Alghero, la course de leur leader aujourd’hui les a certainement rassuré. Enfin, peut-être surtout, l’impressionnant Tom Dumoulin a tapé du point sur la table. Sans jamais sembler à l’agonie, il a offert une montée très régulière et s’inscrit désormais parmi les favoris du Tour d’Italie.

Le Néérlandais, roi de l’effort en solitaire, devrait d’ailleurs logiquement s’emparer du maillot rose dès mardi, après les 40 kilomètres de contre-la-montre vers Montefalco. Moins médiatisé depuis le départ du Giro, le Batave, qui avait été sur le point de remporter la Vuelta en 2015, avant sa défaillance dans le Puerto de la Morcuera la veille de l’arrivée, n’est plus à sous-estimer. Au terme de cette étape, trois hommes semblent donc au dessus du lot, chacun avec ses atouts. À Quintana l’équipe et le talent en haute montagne, à Pinot la confiance grandissante et le profil le plus complet, à Dumoulin les qualités de rouleur et le rôle d’outsider.

Trois hommes en dessous de tout

Du trio Quintana-Nibali-Pinot, tant attendu, dans le même temps ce matin et qui s’est vite détaché à dix kilomètres du sommet, seul Nibali a failli, terminant finalement à une minute. Peut-être atteint d’une fringale, le Sicilien a beau avoir adopté une position de contre-la-montre, allongé sur sa machine, bras relâchés sur le guidon, il a craqué, laissant Tom Dumoulin prendre sa place de grand challenger de Nairo Quintana. Bob Jungels, le jeune maillot rose au potentiel si loué, n’a même pas pu faire illusion tant il fut à la dérive. Le Luxembourgeois en finit à trois minutes trente. Steven Kruijsjwijk, enfin, révélation de la précédente édition, n’a pas non plus montré son meilleur visage, relégué à près de trois minutes lui aussi.

Mais Nibali, Jungels et Kruijsjwijk n’ont pas encore fait une croix sur leurs ambitions, et ne sont pas les grands perdants du jour. Plus loin, trois hommes ont abandonné leurs espoirs de rose à l’attaque du Blockhaus. Victimes d’un incident de course tellement évitable qu’il agace tout le monde du vélo ce soir. Cette erreur humaine catastrophique d’un policier motard, qui, arrêté au bord de la route a fait tomber une dizaine de coureurs. Des images que l’on ne veut jamais voir, et que le mauvais placement d’un autre policier hier, à la signalisation avant la dernière difficulté, aurait dû permettre d’anticiper. Finalement, ça n’aura été qu’un signe avant-coureur.

Adam Yates au tapis, 4 min 30 de débours au sommet, perd probablement le Giro ici. Et la Sky aperçoit la défaite encore plus certainement. Geraint Thomas termine à plus de cinq minutes, Mikel Landa à vingt-six. La malédiction continue. Trois hommes qui pouvaient légitimement espérer monter sur le podium à Milan dans dix jours pleurent ce soir la bêtise d’un policier imprudent. Trois autres se disputeront la victoire jusqu’en Lombardie. À moins que… À moins que Vicenzo Nibali soit dans les jours à venir à la hauteur de l’étape d’aujourd’hui, sensationnelle, et que sa ruse ne relance un peu plus un Giro déjà superbement indécis. Après tout, les règles de trois ne permettent-elles pas de définir une quatrième inconnue ?

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