Mikel Landa a enfin gagné son étape ! Mais la victoire de l’Espagnol est éclipsée par la course pour le général, complètement décousue aujourd’hui. Tom Dumoulin a beaucoup parlé hier, il a subi aujourd’hui. Thibaut Pinot a de nouveau montré son meilleur visage, il est l’homme en forme de cette fin de Giro et il se rapproche au général. Au final, les quatre premiers se tiennent en moins d’une minute, tout est encore possible.

La bataille psychologique

Tout avait commencé hier, à la fin de l’étape vers Ortisei, quand Tom Dumoulin, Vincenzo Nibali et Nairo Quintana s’étaient livrés une guerre des nerfs, laissant les outsiders partir à la recherche du temps perdu. La folie s’était ensuite emparée de l’après course. Vincenzo Nibali et Tom Dumoulin se lançaient dans une guerre des mots, cette fois. Le maillot rose dénonçait d’abord une coalition Quintana-Nibali contre lui, puis lâchait avec dédain : « Maintenant, les autres coureurs en course pour le podium, comme Pinot, se sont rapprochés. Et j’espère que s’ils continuent à courir comme ça, ils (Nibali et Quintana, ndlr) perdront leur place sur le podium à Milan. Ce serait vraiment bien, je serais content. »

Il n’en fallait pas plus pour enflammer la soirée, d’autant que le Requin de Messine a mordu avec ses dents les plus aiguisées. « Il fait un peu le fanfaron. Il a montré qu’il était fort, mais il ne faut pas en dire trop, lui aussi peut perdre le podium, personne n’est à l’abri. On ne va pas l’emmener en carrosse jusqu’à Milan. Il faut continuer comme cela, garder les pieds sur terre et parler moins. Jusqu’à présent, il a été le plus fort. Connaissez-vous le karma ? La roue tourne », entamait Vincenzo Nibali. Avant de terminer sur une phrase sèche, cinglante : « Dumoulin n’est qu’un arrogant ! C’est à Milan qu’on fera les comptes. »

La bataille sur le vélo

Les deux hommes faisaient la paix ce matin, pour l’image, à la demande du Batave. Alors que Quintana, lui, était resté stoïque et silencieux, sur la route, c’est pourtant la Movistar qui a remis le feu aux poudres à plus de cent kilomètres de l’arrivée. L’équipe ibère a soudainement changé le rythme du peloton alors que Tom Dumoulin était à l’arrière du peloton. Revenant d’une pause pipi ou mal placé, quelque soit l’explication, le maillot rose est piégé. Il perd jusqu’à 50 secondes quand devant, l’équipe Bahreïn se met à seconder la Movistar. Néanmoins, sauvé par une coalition néerlandaise, avec Kruijswijk et Mollema, également piégés, Tom Dumoulin réussit à faire la jonction assez tôt. Devant, les offensifs n’ont pas trop forcé non plus. Comme si ce coup était avant tout un avertissement à l’attention de l’arrogant maillot rose. La suffisance qu’arborait le Batave hier l’avait dès lors quitté. Ses jambes de feu l’ont aussi abandonné au moment d’entamer la dernière ascension. Après l’escarmouche verbale de la veille, le Hollandais a encore perdu de l’influx nerveux sur le début d’étape, et il le paye cher.

Lui qui avait tant séduit sur le début du Giro, qui avait limité la casse malgré sa faiblesse à l’estomac à Bormio, a connu son premier vrai jour sans. Lâché dès le début de la montée vers Piancavallo, le Néerlandais a subi. On a même cru un moment qu’il abandonnait définitivement son maillot rose. Finalement, dans cette étape de fin de troisième semaine terriblement humaine, les écarts n’ont pas été creusés et Dumoulin peut respirer. Seul un Thibaut Pinot offensif a créé un mince écart. Derrière, l’image était claire. Ni Vincenzo Nibali, ni Nairo Quintana n’ont été en mesure d’accélérer, ayant même du mal à suivre leurs équipiers Pelizotti ou Rojas. Cela a suffi pour prendre une petite minute sur Dumoulin, mais cette faiblesse évidente des deux anciens vainqueurs du Giro ne l’a pas éliminé de la course. Serré comme jamais, alors qu’il ne reste que deux petites étapes, le Tour d’Italie promet une fin à suspense.

La guerre n’est pas finie

Nairo Quintana paré de rose le sait : « Demain sera encore une journée très difficile.  » Et pour cause, le Colombien va devoir faire l’écart vers Asiago. Car ce soir, au regard du classement et des faibles écarts, il pourrait bien terminer au pied du podium à Milan. Très inférieur à Tom Dumoulin, un bon ton en dessous de Pinot et Nibali sur l’exercice en solitaire, il devra donc tout tenter pour creuser avant le dernier contre-la-montre entre Monza et Milan. Néanmoins, loin d’être royal, le Colombien ne semble pas être capable de prendre des initiatives. Il n’est pas le seul dans ce cas. Nibali devra aussi se montrer audacieux, l’Italien ne pouvant se permettre de jouer au bras de fer avec Dumoulin sur l’effort chronométré. Mais le Squale ne donne pas la sensation d’en être capable.

Thibaut Pinot, lui, est parfaitement placé pour réaliser son objectif podium. L’impression qu’il laisse depuis deux jours doit fatalement le faire rêver à plus. À son meilleur niveau, en confiance, probablement le plus frais, le Franc-Comtois peut créer la surprise à Milan, à condition de prendre encore un peu de temps demain. Enfin, et il ne faut pas les oublier, Ilnur Zakarin et dans une moindre mesure Domenico Pozzovivo sont en embuscade, à moins d’une minute trente. Quoiqu’il arrive, demain devra être un jour d’offensive, car si le carrosse de Dumoulin a perdu une roue, il est encore sur le bon chemin. La guerre n’est donc pas finie.

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