Après l’affaire des autorisations d’usage à fins thérapeutiques (AUT) de Bradley Wiggins qui a animé le printemps, la Sky n’avait pas besoin qu’une nouvelle polémique naisse avec l’été. Pourtant, il n’aura suffi que d’une journée de course sur le Tour pour que se propage un bruit sourd devenu assourdissant dans la caravane les jours succédants aux heures. À bien y réfléchir pourtant, rien ne permet de nourrir ce charivari.

La polémique

Quatre Sky dans les huit premiers, Thomas vainqueur surprise, Froome seul leader à ne pas perdre de temps. Et sur le maillot blanc des Sky, des plaques au niveau des épaules et des bras composées de petites alvéoles pour coller davantage la tenue à la peau. Des bandes de Vortex. Il n’en fallait pas plus pour que Fred Grappe, le directeur sportif de la FDJ, spécialiste du contre-la-montre, lance le débat le soir même devant les journalistes avant de détailler sur son site pourquoi il y a un gain aérodynamique. « Avec une diminution du coefficient de pénétration dans l’air (le SCx) de 5% avec les bandes de vortex de chaque côté des bras, le gain de puissance est de 24 watts soit un gain de temps de 18 sec sur le chrono de Düsseldorf. Avec une diminution du SCx de 7%, le gain de puissance est de 33 watts soit un gain de temps de 25 secondes. » Le vocabulaire est technique, l’affaire n’est pas simple. Mais le chiffre est lâché : 25 secondes. Thomas aurait fini dans le temps de Pierre Latour, Froome dans celui de Simon Yates. Un peu gros.

Mais la question de la régularité de la démarche est à poser. Dans l’article 1.3.033 du guide de clarification du règlement technique de l’UCI, sur la prohibition des équipements vestimentaires susceptibles d’influencer la performance du coureur, la règle, beaucoup commentée, a une phrase claire : « Il est interdit de porter des vêtements ou des combinaisons moulantes auxquels ont été ajoutés des éléments non essentiels destinés à améliorer les propriétés aérodynamiques. » Or, le jury du commissaire a expliqué qu’il n’y avait pas de violation car « l’élément était intégré dans le tissu ». Fin de la polémique ? Toujours pas. Car deux équipes auraient porté réclamation. Outre la FDJ de l’expert Fred Grappe, la BMC s’est sentie lésée. Son directeur sportif, Fabio Baldato, manifestait ainsi hier son intention de porter réclamation, le Suisse Küng ayant fini deuxième à cinq secondes de Thomas.

Les faits

Mais aujourd’hui, la BMC a démenti avoir porté réclamation. Et dans le paddock, difficile de trouver des directeurs sportifs ou des coureurs révoltés. « La Sky est toujours dans un mode pro actif pour optimiser les gains marginaux. Ils ont appliqué cette technique sur leur body de contre-la-montre », nous confiait Vincent Lavenu ce matin. Le manager d’AG2R La Mondiale poursuivait : « C’est peut-être à la limite du règlement mais ça a été accepté par l’UCI, il n’y a donc rien à redire. » Devant le bus de Trek Segafredo, même discours : « Si les commissaires de l’UCI l’ont permis, c’est que la Sky respectait les règles. Je ne vois pas pourquoi des équipes créent des polémiques là-dessus », nous assurait le manager Luca Guercilena.

Souvent, ce qui semble être très performant en soufflerie est finalement inutile sur la route.

Luca Guercilena

Et l’Italien remettait en doute les gains astronomiques annoncés par Fred Grappe : « En aerodynamie, il faut bien savoir séparer ce qui est un avantage théorique de ce qui est un atout pratique. Souvent, ce qui semble être très performant en soufflerie est finalement inutile sur la route. Certes il y a des gains marginaux, mais ils sont bien marginaux ! Le plus important, c’est les jambes des coureurs, la vraie différence, elle se fait là. » Contador et Bardet n’ont donc pas perdu de temps à cause de leur combinaison, mais à la pédale.

Au pied du bus de la Sky ce matin, la polémique ne s’était pas atténuée pour autant. Les techniciens de l’équipe britannique devaient expliquer les innovations de l’équipe, du plateau au maillot. Nicolas Portal, directeur sportif de la Sky avait nié la tricherie hier, Dave Brailsford contre-attaquait même ce matin, ironisant sur la mauvaise foi des critiques. « Nous utilisons ces combinaisons depuis trois mois et personne n’en a parlé. Nous les avons utilisées au Giro, au Dauphiné, et rien n’a changé depuis. » Une chose, si. La combinaison blanche permet de plus clairement apercevoir les bandes. Mais, vérification faîte, la tenue était effectivement la même. N’oublions pas que les nouveautés ont toujours effrayé autour du peloton. La polémique qui avait suivi l’utilisation du guidon triathlète en 1989 après la victoire de Lemond pour huit petites secondes en est une des plus célèbres. La conclusion de Vincent Lavenu est criante d’évidence : « Ils sont souvent très innovants, si ça marche tant mieux pour eux. Je pense que les fabricants de body vont être attentifs à ces améliorations et nous avec, ils ont simplement de l’avance. » Pas de triche, juste du bon sens.

Buy me a coffeeOffrir un café
La Chronique du Vélo s'arrête, mais vous pouvez continuer de donner et participer aux frais pour que le site reste accessible.