L’ensemble de la rédaction de Chronique du Vélo a fait ses pronostics en vue du Tour. Nous avons chacun livré notre top 10, notre maillot vert et notre maillot à pois pour finalement établir notre propre classement. Jusqu’à la veille du départ, nous allons donc vous présenter ces protagonistes via des portraits décalés. Le but : vous faire redécouvrir ces champions dont on parle déjà tout au long de l’année. Et voici donc le dernier épisode : celui de Chris Froome, que nous avons classé premier.

Le garçon est devenu un homme. Et un athlète hors norme. Un triple vainqueur du Tour de France, qui depuis quelques années a posé ses valises à Monaco. Pour vivre le plus paisiblement possible, malgré la célébrité. Mais jamais Christopher Froome n’a oublié ses racines, de l’autre côté de la Méditerranée. Il restera Froome l’Africain, pour toujours.

Entre souvenirs et entraînements à l’aube

Chaque hiver, le même rituel. Presque quinze heures d’avion depuis la France pour rejoindre Johannesburg, capitale économique de l’Afrique du Sud. Plus qu’un voyage pour Christopher Froome, c’est un indispensable retour aux sources. Après une enfance au Kenya, c’est bien dans le pays de Nelson Mandela que s’est forgé l’adolescent Froome. Arrivé à quinze ans, le garçon y découvre l’internat au St John’s College, un établissement catholique. Aujourd’hui, il revient comme pour consulter ses souvenirs, aussi bien en Afrique du Sud qu’au Kenya. Pour montrer qu’il n’a pas oublié d’où il vient, et pour continuer à s’en rappeler. « C’est important pour moi de toujours me souvenir de mes racines, toujours revenir où j’ai commencé, confiait-il à L’Equipe Explore en 2013. C’est vraiment agréable de revenir l’hiver et de se rappeler que la vie, c’est bien plus que le cyclisme. Bien plus que tout ce qu’on fait en Europe, les courses, l’entraînement… »

Aujourd’hui, quand il revient, c’est donc pour prendre du bon temps. Comme jouer avec des lionceaux, un rêve pour cet amoureux des animaux, mais qui aura dû attendre presque la trentaine pour enfin toucher un lion. Alors bien sûr, il n’y a pas que ça. Même en Afrique, loin de la Principauté, Froome s’entraîne. Beaucoup, même. Les séances débutent aux alentours de cinq heures du matin, et durent généralement pas loin de six heures. Le but : éviter les grosses chaleurs qui arrivent à partir de midi. Mais le tout se fait dans des conditions invraisemblables. Qui nous feraient presque oublier le Chris Froome que l’on observe le reste de l’année sur les courses. « Ici plutôt que de regarder le capteur de puissance, je peux regarder autour de moi, voir des animaux, détaillait-il, toujours à L’Equipe Explore, après son premier Tour de France victorieux. C’est vraiment quelque chose de différent, d’impossible en Europe. Et c’est aussi pour ça que j’aime me retrouver ici. Si loin de ce que je ressens lorsque je cours en Europe. C’est rafraîchissant pour l’esprit. »

Rugby, bracelets et Autriche

L’Afrique, pourtant, est aussi le continent des galères pour Christopher Froome. Logique puisqu’il fut celui des débuts. Celui où déjà ses séances débutaient à l’aube, mais à l’époque pas pour éviter la chaleur : simplement pour avoir le temps de s’entraîner avant les cours. Celui des premières courses, également, sous l’œil de Gareth Edwards, un de ses proches. Et des doutes, aussi bien les siens que ceux de sa famille. Un jour que Froome dispute une course à Tzaneen, au nord-ouest de Johannesburg, sa mère Jane est présente. Voyant son fils une énième fois relégué en queue de peloton, elle s’inquiète de son avenir et s’adresse à Edwards : « Chris est-il fait pour faire du vélo ? », lui demande-t-elle. Le garçon n’en a encore aucune certitude. Mais il sait une chose : celui que l’on surnommera des années plus tard le « Kenyan blanc » est formidablement intelligent. Et c’est un facteur déterminant dans une carrière.

Même s’il adorait jouer au rugby lors de ses premières années en Afrique du Sud, le jeune Christopher se rend rapidement à l’évidence. Son physique trop frêle ne lui offre aucun avenir dans ce sport. Au contraire, pour le vélo qu’il découvre lors du Tour de France 2004 quand Lance Armstrong et Ivan Basso se livrent bataille en montagne, rien ne l’handicape d’entrée. Alors il s’efforce de tout donner pour réaliser son rêve. « Quand Chris a commencé à montrer des aptitudes sur le vélo, il n’y avait rien de technologique dans le cyclisme en Afrique du Sud, se rappelle Gareth Edwards. A l’entraînement, c’était ‘prends ton vélo, roule aussi longtemps, aussi loin et aussi fort que tu peux, et quand tu tomberas, c’est que tu en auras sans doute assez fait.’ » Dans son style particulier, Froome sillonne les routes. Il n’est pas beaucoup plus élégant qu’aujourd’hui sur sa monture. Mais il n’y a pas que ça. « Il se rendait aux courses grâce à une épave qui lui servait de voiture, se marre Edwards pour le Guardian. Il avait des cheveux longs et en bataille, portait plus de bracelets qu’une fille. »

Ses colliers l’empêchent même, souvent, de fermer son maillot jusqu’en haut. Froome n’a clairement pas la dégaine d’un futur vainqueur du Tour. Mais qu’importe. En 2006, il utilise en secret les identifiants de la fédération kenyane pour s’inscrire aux championnats du monde espoirs de Salzbourg, en Autriche. Pour la première fois, il vient alors courir en Europe. Première épreuve, le contre-la-montre. Et au bout de 150 mètres, au moment de prendre le premier virage, le garçon de 21 ans est incapable de maîtriser son vélo. Il fait un tout droit et percute un commissaire de l’UCI. Christopher Froome termine au sol, le commissaire avec. La première expérience est un échec, mais le pousse à persévérer. Il signe son premier contrat en vue de la saison suivante, chez Konica Minolta. En 2008, il demande la nationalité britannique. On connaît la suite. Et depuis, il y a donc ce rituel. Ce retour aux sources, chaque hiver, dans la réserve naturelle de Suikerbosrand. Loin de tout, sauf de ses racines.

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