Après les nuages vient toujours la pluie. Le ciel était menaçant depuis plusieurs jours sur Düsseldorf, la chaussée qui avait doucement commencé à se mouiller cette nuit, a fini de se tremper cet après-midi. Conséquence, des leaders se sont tétanisés, Valverde s’en est allé et c’est Sky qui en a profité.
L’impact de la pluie
Quand Alejandro Valverde a chuté, un lourd silence a suivi les cris d’effroi. L’Espagnol avait explosé son genou contre une rambarde en fer, il gisait au sol, sans bouger. Il n’est jamais reparti. Dès la première étape, un des plus grands favoris est tombé. Il Imbatido a été battu sans avoir eu le temps de combattre. La bataille, elle, a été un peu gâchée par le temps. « Voir les chutes, ça rend prudent », expliquait Sylvain Chavanel la ligne franchie. Car Valverde n’est pas le seul a avoir senti l’odeur du goudron. Ion Izagirre, Tony Galopin, Primoz Roglic et George Bennett ont notamment fini au sol. « J’étais très près des barrières sur chaque virage pendant la course, je n’ai pas pu donner tout ce que j’avais. Je m’attendais à faire un peu mieux, mais c’était trop glissant », soupirait Richie Porte à l’arrivée. La déception de l’Australien pouvait se comprendre lui qui, en pleine bourre, perd du temps au lieu d’en gagner.
À la pluie s’est ensuite agrégé le vent qui s’est levé pour les derniers concurrents. L’Australien, mais aussi Contador, Quintana, Aru en ont payé les frais. Même Tony Martin n’a pas pu contrecarrer la volonté du ciel. L’Allemand a dû s’incliner chez lui, le vent emportant ses rêves. Une équipe a dominé et a profité de ce petit chaos météorologique, la Sky. Geraint Thomas, parti au bon moment, a réalisé un temps référence que personne n’a pu égaler ensuite. Chris Froome, à l’aise malgré les gouttes, a été le seul favori parti tard à finir dans les dix premiers, avec une force qu’on ne lui prêtait plus. Ce soir, sans aucun doute, la Sky a triomphé de ses démons. Après un Giro manqué, l’équipe britannique inaugure son maillot blanc de la meilleure des façons.
Un maillot problématique ?
« C’est super pour Geraint, super ! » Les premiers mots de Chris Froome, une fois la ligne passée, sont allés vers son coéquipier. La victoire du Gallois a cela de positif pour le « Kenyan Blanc » que le lieutenant obtient déjà une satisfaction. Toute la frustration de son Giro trop vite stoppé est évacuée aujourd’hui, après une seule journée de Tour. La voix émue de Geraint Thomas après avoir endossé le premier maillot jaune de ce Tour 2017 nous dit exactement cela : « C’est un rêve qui se réalise. » Le Gallois est soulagé. Froome, en plus d’avoir gagné du temps sur ses principaux rivaux, récupère donc son lieutenant dans des dispositions mentales parfaites. Pourtant, à bien y réfléchir, ce coup de maître de la Sky pourrait avoir de néfastes répercussions sur le groupe.
Avoir le jaune à défendre si tôt dans la course est un problème. L’équipe va devoir rouler, contrôler, faire le minimum pour le conserver. La fatigue pourrait s’accumuler et appuyer sur les organismes d’autant que la Sky n’est plus complètement cette armada imperturbable qu’elle fut lors des trois premiers sacres de son héros. Pire, on peut légitimement questionner la future attitude de Geraint Thomas. Le Gallois ne voudra peut-être pas sacrifier son maillot jaune comme ça. À 31 ans, il est temps pour lui de « tuer le père », s’il veut un jour remporter la Grande Boucle. 2017 pourrait être l’année ou jamais pour lui.
Car même si Froome s’est rassuré aujourd’hui, renforçant par ailleurs son statut de favori, le Britannique est loin de faire sa meilleure saison. 13,8 kilomètres d’effort solitaire ne peuvent rendre amnésique et l’ambition a certainement eu le temps de germer dans l’esprit de son coéquipier. La réponse sera donnée en haut de la Planche des Belles-Filles dans quelques jours, le temps de voir si Thomas se sacrifie sur l’autel du collectif, ou non. Alors peut-être que la phrase enthousiaste de Froome à la descente de son vélo est à comprendre autrement. Comme une flatterie à un vassal au moment où l’on souhaite le plus qu’il renouvelle son allégeance.
Thomas, tuer le père ? En tout cas pas cette année. La hiérarchie de l’équipe est bien établie et il va se mettre entièrement au service de Frommie, je n’en doute pas un instant. Dans les cols il va faire son boulot et je le vois aussi efficace que Landa, Henao et plus que Kiatowski. Vont-ils vouloir contrôler la course d’ici mercredi et garder le paletot ? Je n’en suis pas sûr !
Froome a du mal sur les Belles-Filles. Thomas en revanche se montre très à l’aise. Il convainc 5 de ses coéquipiers de courir pour lui en échange de montres en or (Froome n’a rien promis). Brailsford, qui n’oublie rien, le soutien. Mécanos, soigneurs, encadrement, l’équipe toute entière se scinde en 2 camps qui ne se parlent plus et préparent séparément leurs bidons. Et voilà on à un TDF à raconter à nos petits-enfants.
Si dès la première étape nous sommes obligés d’espérer une pseudo concurrence entre deux coéquipiers, la suite de la compétition s’annonce palpitante…
En tous cas la question est clairement posée dans votre article. Difficile pour Sky de ne pas défendre ce maillot devant les caméras du monde entier, ce qui demandera un peu plus d’énergie que d’habitude. Toutefois, ils avaient l’habitude de courir devant et ce sera peut-être plus confortable, moins dangereux de rouler entièrement en tête de peloton. 4 coureurs dans les 8 premiers, cela donne une idée de leur capacité à prendre la course en main sans puiser dans leurs réserves. Le Tour dure 3 semaines, et c’est à sa fin qu’on pourra repenser à cette défense éventuelle du maillot jaune dès le 1er jour.
Sky va gentiment défendre le maillot jusqu’à ce que les équipes de sprinteurs mettent en route et ils devront par contre gérer la course de mercredi, mais c’était déjà presque prévu. Ils ne défendront pas le maillot de Thomas à tout prix et son avance est assez confortable pour ne pas être tout de suite inquiété par les sprinteurs. Il faudrait que Kittel enchaîne 2 victoires pour endosser le jaune.