Avec trois hommes présents dans le final, ce dimanche sur l’étape andorrane, l’équipe Movistar avait les cartes en main. Elle a été critiquée parce que ses coureurs, apparemment, ne tiraient pas tous dans le même sens. Mais tout ça pourrait en réalité être bien moins difficile à comprendre que ce qu’il n’y paraît. Peut-être avait-on seulement l’esprit embrumé par une étape déroutante.

Rien de nouveau sous le soleil

Les journées de repos sont l’occasion de se poser, de prendre du recul et de faire le point. Non pas sur la fin des vacances et le sens de la vie, on gardera ces réflexions pour plus tard, mais sur la bagarre pour le maillot rouge, qui a débuté il y a une dizaine de jours maintenant et qui devrait s’intensifier dans la semaine qui vient. Un coup d’œil au classement général suffit alors à ressortir une évidence : Movistar, leader avec Nairo Quintana et quatrième avec Alejandro Valverde, seulement pointé à vingt secondes du Colombien, est dans une position idéale. Pourquoi donc tant d’observateurs ont fustigé la stratégie de l’équipe espagnole ce week-end, quand le résultat est aussi positif ? Par habitude, peut-être, en oubliant, c’est à peu près certain, que la bande à Eusebio Unzué a déjà parfaitement manœuvré au mois de mai sur le Tour d’Italie, amenant Richard Carapaz jusqu’à une victoire inattendue et rendant même Mikel Landa particulièrement coopératif.

En fait, depuis plusieurs saisons maintenant, quand Movistar se plante, comme ce fut le cas sur le Tour de France, c’est davantage une question de méforme – Quintana était très loin de son meilleur niveau – ou de malchance – la chute de Mikel Landa en première semaine dans les bordures. Seulement, le souvenir de stratégies ubuesques il y a quelques années plane en permanence au-dessus de la tête d’Unzué et de ses deux principaux coureurs, Quintana et Valverde, réputés pour être incapables de s’entendre sur la route, en dépit de déclarations toujours très lisses. Là encore, on notera, peut-être en se faisant l’avocat du diable, que les deux larrons étaient montés, ensemble, sur le podium du Tour de France en 2015. Difficile à faire si l’on passe son temps à se tirer dans les pattes. Et sur cette Vuelta, le scénario, jusque-là, est à peu près similaire. Carapaz forfait, les deux historiques se partagent le leadership, sans que l’on sache vraiment qui est le numéro un. Sans doute n’y en a-t-il pas, en vérité, parce que chez Movistar, le leader, c’est Movistar.

Stratégie douteuse, vraiment ?

Alors on travaille pour les deux, sans sacrifier aucune carte pour l’instant, parce que le Colombien semble très fort, mais que l’Espagnol, d’une fiabilité à toute épreuve, n’a pas encore montré de signe de faiblesse. Résultat, les fans des deux coureurs assurent que l’autre n’est pas légitime, sans reconnaître que justement, Movistar est sur cette Vuelta la seule équipe à pouvoir compter sur deux leaders au niveau. Tant pis pour Marc Soler, qui s’est vu sacrifier dimanche. Il a dodeliné de la tête, déçu, et ça se comprend. Mais d’abord, la victoire d’étape n’était en rien acquise lorsqu’on lui a demandé d’attendre Nairo Quintana, et surtout, il a signé chez Movistar pour ça. S’il veut un statut de leader, c’est une évidence, il doit aller ailleurs. Dans un effectif pléthorique, qui comptait cette année quatre leaders capables de décrocher au moins un podium sur un grand tour, il était évident qu’il n’aurait pas carte blanche.

Alors après avoir donné un coup de main à Quintana, Soler en a fait autant pour Valverde, toujours avec un petit signe de la tête qui trahissait, sans doute volontairement, son exaspération. Mais c’est exactement ce qu’on attend d’un lieutenant de son niveau, savoir mettre de côté ses ambitions personnelles pour des leaders qui eux, ont une chance de ramener le maillot rouge à Madrid. Tant pis pour la victoire d’étape, mais c’était sans doute le dernier souci d’Eusebio Unzué, qui a déjà gagné deux fois sur cette Vuelta – grâce à Quintana et Valverde, d’ailleurs – et qui ne pensait qu’à distancer le plus possible Miguel Angel Lopez et Primoz Roglic. Cette stratégie n’était pas absurde, loin de là. Mais il fallait seulement accepter de perdre quelque chose, ce dimanche à Cortals d’Encamp, pour gagner potentiellement beaucoup plus dans quelques jours.

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