Sir Bradley Wiggins est effacé des tablettes. Le record de l’heure, qui connaît un regain d’intérêt depuis l’instauration d’un nouveau règlement il y a cinq ans, possède une nouvelle marque de référence, avec 55,089 km. Un exploit signé Victor Campenaerts, qui a battu le précédent record de Bradley Wiggins grâce à un soin tout particulier apporté aux détails.
Une préparation millimétrée
L’idée de s’attaquer au record de Sir Wiggins est arrivée après la tentative avortée d’un pistard néerlandais anonyme du grand public, Dion Beukeboom, en août dernier. Victor Campenaerts était alors sur les routes de la Vuelta, et ses coéquipiers ont commencé à le chambrer, en lui disant que ce challenge pouvait devenir sien. L’invitation n’est alors pas tombée dans l’oreille d’un sourd et c’est après un test réalisé quelques jours après sa médaille de bronze aux mondiaux contre-la-montre que le Belge a décidé de sauter le pas. Il allait s’attaquer au record de l’heure.
Le lieu devait être parfait, et donc en altitude. A l’image d’Eddy Merckx en son temps, dont l’exploit sur une heure avait fait trembler le vélodrome de Mexico, c’est dans le pays d’Amérique centrale que le Flamand allait accomplir sa tentative, sur la piste d’Aguascalientes, détentrice de nombreux records du monde sur piste. Les longs mois de travail de Campenaerts, entouré d’une équipe uniquement focalisée sur sa performance, servirent alors à optimiser tout ce qu’il est possible d’optimiser. Le vélo, bien sûr, avec une machine entièrement conçue sur-mesure, des prolongateurs aux boyaux, en passant par le braquet de 60×14 choisi pour emmener la machine de la marque Ridley – surnommée Flying Moustache pour l’occasion – le plus loin possible.
Outre l’alimentation et la préparation physique spécifique en Namibie, forcément obligatoire pour réaliser un nouveau temps de référence, le garçon de Wilrijk a tenu à maîtriser le plus de paramètres extérieurs, comme le silence. C’est à sa demande que le vélodrome était quasi vide, aux contraires de Wiggins qui avait profité de l’ambiance survoltée à Londres. L’adaptation au décalage horaire fut également anticipée, avec des heures de lever et de coucher décalés pour s’habituer à l’heure mexicaine. Hier soir, après avoir maîtrisé tout ce qui était en son pouvoir, le jeune homme de 27 ans pouvait donc partir l’esprit serein dans sa quête.
Le record, marque de l’histoire
Une heure plus tard, Victor Campenaerts effectuait quelques tours d’honneur, le drapeau belge à la main, synonyme de nouvelle meilleure performance. Avec plus de 55 kilomètres parcourus, il inflige une claque de 563 mètres mise au vainqueur du Tour 2012. Le Belge pouvait alors légitimement savourer une bière fraîche, puis revenir sur son exploit. « C’est dans l’absolu le point culminant de ma carrière, avouait-il. Cela le restera peut-être. Les médias parlaient de la barre magique des 55 kilomètres. J’en rêvais aussi. Je suis fou de joie. » Parce que battre le record de l’heure, c’est rentrer dans les livres d’histoire. C’est voir son nom inscrit aux cotés de Fausto Coppi, Jacques Anquetil, Roger Rivière et Eddy Merckx, entre autres. C’est aussi faire un clin d’œil au passé du cyclisme.
Si le record de Campenaerts n’en fait pas un meilleur coureur que ses illustres aînés, les progrès technologiques donnant un avantage incomparable de nos jours, le règlement modifié en 2014, autorisant par exemple le prolongateur et les roues pleines, a apporté un nouvel élan à la meilleure performance sur une heure. Les candidats furent nombreux, jusqu’à ce que Wiggins ne freine les ardeurs des meilleurs rouleurs. Parce que viser le record de l’heure, c’est se faire mal comme jamais pendant soixante minutes.
Selon Jack Bobridge, qui avait échoué dans sa tentative début 2015, « il n’y a rien de plus difficile pour un cycliste que d’essayer de battre le record de l’heure. Je pense qu’on ne peut pas s’approcher plus que ça de la mort sans mourir pour de bon. » Les mots rapportés par un journaliste du Telegraph donnent une idée de ce qu’implique la discipline. Avis aux amateurs de souffrance pour ceux qui souhaiteraient chasser le nouveau record de Victor Campenaerts. Ce sera le prix à payer pour rentrer dans la grande histoire du cyclisme.
Peut-on m’expliquer le différence entre les règles du record de Boardman à un peu plus de 56 à l’heure et celles de Campenaerts ?
Ce sont des différences de matériel qu’il est possible d’utiliser ou pas. Dans les années 80, avec Moser, puis d’autres la décennie suivante, les vélos de contre-la-montre toujours plus performants ont été utilisés pour réaliser les records (je vous invite à aller voir le vélo utilisé par Graeme Obree et la position adoptée), jusqu’à ces 56 km de Boardman où il était presque allongé sur le ventre, en position “superman” lors de ses 56 km. L’UCI, pour tenter de comparer les époques et arrêter la course à l’aérodynamisme à tout prix, est revenu le 1er octobre 2000 à un record possible uniquement avec un vélo de route classique, réhabilitant ainsi Eddy Merckx et son record de 1972 (49,431 km). Boardman a d’ailleurs battu ce record de dix mètres peu après. Du coup, pour relancer cette course au record, de nouvelles règles ont été instaurées en mai 2014, mais avec des contraintes au niveau des tailles et hauteurs des prolongateurs par exemple. La règle actuelle est qu’il est possible d’utiliser « toute bicyclette respectant les règles définissant les caractéristiques des vélos utilisés dans les épreuves d’endurance sur piste en vigueur » alors qu’avant le 1er octobre 2000, il n’y avait pas… Lire la suite »
Merci !
Magnifique performance de Campenaerts malheureusement peu médiatisée; il pourrait avoir droit à un liseré spécial sur son maillot en course. Il est vrai qu’il porte déjà le maillot arc en ciel sur les contre la montre.
le maillot arc-en-ciel, c’est le maillot de champion du monde. Pour les championnats d’Europe, on peut parler plutôt du maillot étoilé
Exact et mea culpa. Campenaerts est champion d’Europe et n’est que médaille de bronze au mondial 2018. Il porte effectivement le maillot étoilé sur les CLM.
Je me demandais si vous alliez mettre en avant la performance de Campenaerts . Vous l’avez fait et c’est top ! C’est quand même un sacré challenge que de tenter ce record de l’heure et il l’a parfaitement réussi , bravo !
une perf sportive et technologique surement, mais pour tout dire, le record de l’heure me laisse totalement indifférent. Pour moi çà n’a aucun intérêt, si on veut un sport de records, il suffit de suivre l’athlétisme. D’ailleurs lorsqu’on cite le palmares des anciens recordmans, on ne parle pas de leur record de l’heure… Non pour moi ca n’a aucun intérêt ….
C’est ce qu’il y a de plus impressionnant dans le vélo.
Ce record serait impressionnant s’ils se battaient tous a armes égales, ce qui est bien entendu impossible, a moins de garder , comme a sêvres un vélo étalon, qu’on ne sortirait que pour les records de l’heure. Ce serait amusant remarquez . Sinon henri a raison, en arhlé la partie technologie est infime, donc la performance est plus impressionante. Et reconnaissons que ce n’est pas tres spectaculaire, faudrait rajouter des go go dancers qui se trémousseraient a chaque métres gagnés… ou alors faire comme les jeux dansant, on voit une ville s’allumer au fur et a mesure de la progression ..quoi ça serait pas fun ?
je plaisantais ….
Les recors de l’heure n’ont plus la célébrité qu’ils ont eu mais à l’époque, les records de Coppi, Rivière Anquetil Merckx, Moser même l’inattendu Ritter et le fantasque révolutionnaire Obree ont été salués et médiatisés.
Ce n’est qu’avec le flou installé sur les règles à appliquer: vélo traditionnel ou non, altitude ou non que la performance s’est dépréciée.
mais il y a aussi peut être une autre raison.En parallèle l’effort contre la montre n’a plus été recherché par les meilleurs coureurs. Les Nations, course majeure de fin de saison sont tombées en décadence avant de disparaitre et le championnat du monde créé à la suite n’étant fréquenté que par les spécialistes et non les plus grands n’a pas une grosse audience.
c’est la spécialité contre la montre du sport cycliste qui est en fait en crise.
Sans oublier le 100 kilomètres par équipes ainsi que la poursuite individuelle et par équipes.
Quand Ferdinand Bracke a conquis le record de l’heure, on a dit que c’était le poursuiteur Ferdinand Bracke qui avait battu le record. Sémantique significative.
Ritter a porté la réputation du recordman de l’heure pour le reste de sa carrière.
Seuls les flahutes et les connaisseurs feront attention à Campenaerts.
C’est surprenant que certains tournent en dérision cet effort qui est le paroxysme de l’effort cycliste, Chris83 et moi, faisons figure de vieux :-) mais certaines époques nous ont marqués.
Aujourd’hui le record de l’heure semble être avant tout une question de machine. Campenaerts est un très bon rouleur, mais il est loin de la domination qu’on pu avoir Cancellara ou Martin sur la discipline. Dans ces conditions, il est difficile de se prendre d’enthousiasme pour l’affaire.
Campenaerts n’y peut rien si Cancellara et Martin ne se sont jamais intéressés à ce record, et si Wiggins l’a fait assez tard, quand il n’était plus au top.
Malgré tout, aujourd’hui, je pense que pas grand monde pourrait battre Campenaerts. S’il y a des volontaires (Dennis ?), qu’ils s’y mettent sérieusement et ça pourrait redonner de l’intérêt à la discipline.
Le problème, c’est que Campenaerts a dû mettre entre parenthèses une partie de sa saison sur route. Il est évident qu’il ne doit pas le regretter aujourd’hui et son équipe non plus. Mais est-ce que les dirigeants de Barhain-Merida seraient prêts à voir Dennis (par exemple) manquer une partie de sa saison pour tenter de battre le record de l’heure ? S’il y arrive, c’est bien, mais en cas d’échec, il aura manqué de précieuses semaines de sa saison sur route ou de préparation à celle-ci pour pas grand’ chose. J’aimerais croire que de nombreuses équipes pro seraient prêtes à faire ce genre de sacrifices pour un de leurs coureurs, mais j’ai un doute…
Non seulement Cancellara ne s’est pas “désintéressé de ce record” mais il l’a minutieusement préparé… à l’époque ou celui ci avait un intérêt, et devait être couru avec un vélo “normal”.
On aurait eu du coup un “vrai” combat avec le record de Merckx.
Les modifications du règlement UCI ont dégoûté Spartacus, et permit la foire aux records qui s’en est suivie, tous les rouleurs y allant de leur performance avec vélo moulé sur mesure et autres combinaisons aérodynamiques.
Je trouve pour le coup que ce record a perdu tout intérêt…