Ce mardi, le Tour d’Italie se frotte à un géant. Le Mortirolo, S’il n’est pas le plus haut col de la région, avec ses 1852 mètres d’altitude, il n’en reste pas moins redoutable. Son versant le plus emprunté par la course rose, par Mazzo di Valtellina, présente des chiffres ahurissants : 12,4 kilomètres à 10,5% de moyenne. Un enfer absolu, situé généralement en troisième semaine, et toujours apte à faire la sélection. Florilège de grandes histoires.
1990 : la première
Se bagarrer est une expression communément employée dans le langage du cyclisme. Au sens figuré, il en va de soi, quand un coureur s’arrache face à la pente, face au vent ou contre ses adversaires. Se battre au sens propre, c’est beaucoup moins courant. Nous revient cette image de la Vuelta 1995, et ce pugilat incroyable entre Ramon Gonzalez Arrieta et Leonardo Sierra. Pour ce dernier, vénézuelien de passeport, cette scène revenant en boucle dans les bêtisiers n’a rien d’une histoire drôle : suspendu cinq mois suite cette affaire, il met alors fin à sa carrière. On en oublie alors sa carrière plus qu’honorable, notamment sur le Tour d’Italie, avec deux Top 10 en 1990 et 1991.
En cette année 1990 justement, on gravit pour la première fois le Mortirolo. De Moena à Aprica, ce sont 223 kilomètres qui attendent les coureurs, par le Passo del Mendola, le Passo del Tonale, le Mortirolo et la montée finale vers Aprica. Parti dans l’échappée matinale, Sierra se fait la malle dans le Mortirolo, et passe au sommet avec trois minutes d’avance. Seulement, la descente est un calvaire : avec deux chutes et un temps fou perdu, le Vénézulien joue à se faire peur. Il résistera tout de même dans l’ultime montée au retour d’Alberto Volpi. Ceux qui suivirent la course ce jour-là comprirent alors ce qu’était le Mortirolo : impitoyable, mais déjà légendaire.
1994 : Pantani écrit son histoire
Cette année là, le Tour d’Italie connaît l’une des éditions les plus exaltantes de son histoire, avec pour têtes d’affiche Berzin, Indurain et Pantani, podium final de cette édition. Cette étape entre Merano et Aprica, 16e de l’édition 1994, revèle alors à l’Italie un champion qui va changer la face du cyclisme mondial : un certain Marco Pantani. Coéquipier d’un Claudio Chiappucci peu en verve cette année-là, celui que l’on n’appelle pas encore « Il Pirata » lève une première fois les bras à Merano. Le soir, plein d’ambition, il annonce à ses coéquipiers qu’il souhaite bisser dès le lendemain.
Avec pour menu le Stelvio, le Mortirolo, le Santa Christina et la montée finale vers Aprica, le terrain s’y prête. Parti dans la descente du Stelvio avec son leader, il s’envole dans le Mortirolo à 64 kilomètres de l’arrivée. Derrière, Indurain tente aussi de renverser la table, en plantant Evgueni Berzin, maillot rose, et incapable de suivre. Plein de fougue, l’Espagnol rejoint l’Italien au pied du Santa Christina, puis serre le moteur sous les coups de boutoir de Pantani. Si Indurain ne tire alors que peu de bénéfices de cette journée marathon, Pantani, lui, colle plus de trois minutes à tout le monde. Une idole vient alors de naître.
1996 : Ivan Gotti, un chrono toujours à battre
Bien évidemment, tout repère chronométrique établi à la fin des années 1990 amène à la circonspection. Il n’empêche, ces références existent et on doit s’en accommoder. Le record de la montée en course est donc attribué à Ivan Gotti, avec 42 minutes et 40 secondes. Entre Cavalese et Aprica, le coureur de la Saeco en profite pour décrocher un succès de prestige, flanqué du Russe Pavel Tonkov, vainqueur quant à lui du classement général. En cette année 1996, le Mortirolo aura permis de mettre au clair toutes les positions au général à la fin de cette 21e étape.
En accélérant franchement dans la pente, Tonkov précipite la perte de Berzin. Puis d’Olano, le champion du monde en titre, et maillot rose depuis la veille, peu à l’aise face à des telles pentes. Malgré la meilleure volonté du monde, le coureur de la Mapei ne peut que rendre les armes face au Russe. C’est ensuite au tour de Zaina et d’Ugrumov de baisser pavillon. Le duo Gotti-Tonkov s’envole vers Aprica. Ivan Gotti, le vainqueur du jour, cinquième à Milan, prend alors date : il s’imposera sur le Giro en 1997 et 1999.
2010: Ivan Basso renverse la table
Quatre ans après sa première victoire finale, Ivan Basso ajoute à son palmarès un deuxième Tour d’Italie. Seulement, la bataille est autrement plus rude : la faute à un outsider espagnol, un certain David Arroyo. Présent dans la célèbre échappée de l’Aquila, qui bouleversait alors complètement le général, le coureur de la Caisse d’Epargne est encore en tête à trois jours de l’arrivée. Les Liquigas et le duo Basso-Nibali ne doivent alors lancer les grandes manœuvres pour reprendre le maillot rose.
Dans le Mortirolo, principale difficulté de la journée entre Brescia et Aprica, théâtre de cette 19e étape, ça accélère sévère. Esseulé, Arroyo perd progressivement pied, tout comme ses principaux adversaires. Avec la paire Liquigas, ne reste que Michele Scarponi, qui s’imposera au bout de l’effort, avec la bénédiction des maillots verts. Coéquipier valeureux et de talent, Nibali abat un boulot colossal pour Basso, qui profite de cette journée de rêve pour enfin prendre le leadership sur cette édition 2010, et ne plus le lâcher. Une victoire au goût de revanche pour celui qui sort de plusieurs années de troubles liés à l’affaire Puerto.
2015 : l’avion Contador
Il s’agit peut être de l’une des images les plus saisissantes liées à l’histoire du Mortirolo. Un missile vêtu de rose avec un cuissard Tinkoff, dépassant un à un des adversaires à la fois médusés et admiratifs. Victime d’une crevaison à 60 bornes de l’arrivée, Alberto Contador ne peut compter sur le soutien de ses équipiers, bien secoués par un début d’étape endiablé. Alors l’Espagnol prend le taureau par les cornes. Car devant, Fabio Aru compte bien profiter de l’aubaine et de ses 50 secondes d’avance au pied du col. Il n’en sera rien.
Déchaîné, Contador fait le spectacle. Puis poursuit son effort, emmenant avec lui Landa, coéquipier d’Aru, et Kruijswiik, passé en tête au sommet du col. Fonçant vers Aprica, le trio redevient duo quand le Basque Landa se fait la malle, conservant 38 secondes sur la ligne sur ses compagnons de fugue. Pourtant, l’essentiel est ailleurs : on vient de voir qui est le véritable patron de ce Giro. En s’imposant cette année-là, l’Espagnol décroche son deuxième Tour d’Italie, mais le troisième dans son esprit, si l’on comptabilise sa victoire de 2011, annulée suite à l’affaire du clembutérol.
Bel article.
Joli jeu de mots, mais le Mortirolo, tout comme le Stelvio et le Gavia ne fait pas partie des Dolomites. ;-)
Les Dolomites, le plus beau massif des Alpes.
Quelle confusion ! On garde ce jeu de mot sous le coude pour un article sur le passo Giau ou le Pordoi…
Ah oui, il faut le conserver ! Cependant, ceux qui n’auront pas lu la première version du titre n’auront rien compris à ma remarque ;-)
Un privilège réservé aux lecteurs les plus prompts !
Le douloureux mythe ?
Mieux que ça. Le Dolomythe.
Pourquoi n’y a-t-il pas d’émission Roue Libre aujourd’hui ?
Elle est décalée à jeudi. Avec les étapes d’aujourd’hui et demain, nous avions peur que l’émission soit hors de propos quelques heures seulement après sa publication.
Finalement, elle aura donc lieu juste avant la bagarre finale des trois derniers jours !
je n’arrive pas a comprendre qu’il faille s’ accommoder des records établis dans les années 90 ‘s , ne peut t’on tout simplement pas les citer ? Soyons cohérents, si on a effacer les victoires d ‘Armstrong sur le Tour, on peut sans prendre des risques inconsidérés ( sourire ) ne pas évoquer les records de ses sombres années, surtout pour les comparer aux coureurs d’aujourd’hui qui dans leur grandes majorité essaye de ne pas tricher.. enfin beaucoup essayent.. mais d’autres continuent…
Comment définir les records qu’on cite et ceux qu’on ne cite pas ? On vire Gotti parce qu’il a couru dans les années 1990 ? On considère que n’importe qui ayant couru dans les années 1990 était chargé ? Et on fait quoi d’un mec passé pro en 2001 ? Et pourquoi un coureur actuel bénéficierait d’une confiance aveugle ? Sans parler des coureurs des années 1960, 1970, 1980, pas forcément plus propres. Ca n’aurait aucun sens.
Bref, ce n’est pas aux médias de décider quels records méritent de rester dans le palmarès.
ok mais doit t’on s’en accommoder ? c’est ma seule question ! et mon seul reproche, je ne vois pas pourquoi il faudrait s’en
accommoder. Donc ils ont réalisés des exploits ? on légitimise le dopage avec des mots comme celui -là. De plus vous citez les années précédentes, mais l’on sait aujourd’hui que le virage du dopage hors norme a débuté en 90 ! l’ére de L EPO quand un nommé indurain, a littéralement laissé sur place les coureurs de la génération précédente. là on n’était passé à autre chose. Comme on est passé a autre chose avec la triche mécanique. Ne peut t’on pas tout simplement ne pas évoquer ses années ? c’est quand même pas une obligation; Moi Pantani m’indiffère comme Ulrich, Armstrong , et autre Cancellara et autre froome. On n’oublie un peu vite que ces gens là ont spolié des générations de coureurs qui se sont cassé les os sur des tricheurs. je suis excessif, mais pour moi ce ne sont que des voleurs de gloire, et d’argent. Alors si on pouvait arreter de les citer en exemple.. si j’ose dire !!!
Oui, bon, il faut voir ce qu’on trouvera dans dix ans. L’affaire Froome s’est quand même réglée à coup d’avocat, mais chacun sait ce qu’il en est. Quand on voit qu’il a le record du Ventoux hors contre la montre et qu’il a passé les 5 derniers km à discuter tranquille avec son directeur sportif, il n’a sans doute pas grand chose à envier à Ullrich ou Pantani. Donc aujourd’hui, je pense que ça n’est pas plus propre que dans les années 90, on a juste mis la pédale douce. Quand on voit des pays qui n’ont pas de culture cycliste et qui sortent des champions à tire larigot ou des types qui se découvrent grimpeurs à 27-30 ans, je ne suis pas sûr que les champions actuels soient tous plus reluisants que ceux d’il y a 20 ans. Dès qu’il y a autant d’argent en jeu, difficile qu’il n’y ait pas de triche.
je ne dis pas autre chose.mais je pense que nous sommes , du moins je l’espère, loin du dopage institutionnalisé des années 90 ‘ . Il me parait simple pour des journalistes de mettre des précautions en évoquant ces années Noires. Apres comme le dis Tywin, ça peut être un parti pris éditorialiste. je sais que sur ce site Cancellara est porté aux nues ! a mon grand dam ! Ce qui ne m’empêche pas d’aimer leur travail, mais nous avons souvent des échanges vifs concernant le dopage.
Tout simplement parce-que spartacus suite a ces accusations infondée que personne dans le peleton a suivi a continuer a pulveriser ses adversaires, notamment en 2011, avec tout les controle de moteur que les gens ont voulu. Il a été (et est toujour d’ailleurs) très populaire notamment en belgique, malgré le fait qu’il ai été le grand rival du fils du pays et les seul qui ont relayé l’histoire du moteur sont les cyclix qui suivent seulment le TdF, en france, en italie et dans les pays anglophone ou les gens sont particulierment friands de “news” putaclick.
Si c’est aux médias, ça s’appelle une ligne éditoriale. En tout état de cause si c’est un pas que vous ne voulez pas réaliser, vous avez le droits de nuancer certaine “performance” de cette époque ou de coureurs dont on peut avoir des suspicions (Indurain par exemple) voir des certitudes (Riis, Delgado) et qui ont bénéficié de la complaisance des instances de l’époque
En l’occurrence, en écrivant “Bien évidemment, tout repère chronométrique établi à la fin des années 1990 amène à la circonspection.” en début de paragraphe, Stéphane Débits contextualise bien la période (mais peut-être a t’elle été ajoutée, je découvre l’article). Pareil, quand il rappelle l’affaire Contador ou les casseroles de Basso.
c’est vrai ! en fait toute comparaison ou record ne tiennent plus la route a – à l’aune de ce que l’on sait aujourd’hui. Il faut d’ailleurs souligner que toute comparaison sur les performances ou les watts dévelloppés sur telle ou telle montée sont une vaste blague. En effet , qui sait quelles étaient la force des vents ce jour là. si les coureurs roulaient tranquilles ou si l’étape avait démarré sur les chapeaux de roue; quelles étaient les circonstances et les tactiques établies ect.. sans parler des progrés techniques.. encore que là …Pour moi , je reste sur cette position , évitons de comparer les montées records des coureurs des années 90 et 2000 ‘ a celles des champions d’aujourd’hui. Et méa culpa, c’est vrai que l’auteur de l’article contextualise , et je me suis échauffé sur le verbe ” s’accommoder”
En effet, il faut rester prudent sur les temps d’ascension et sur les watts développées. Je préciserais cependant que le vent n’a aucune influence sur les watts développés. Il influe seulement sur les temps d’ascension. ( à moins que le temps d’ascension soit considérablement allongé à cause de la force du vent et ne permette plus de maintenir le même niveau de puissance).
Je m’étonne aussi qu’on ne parle jamais du poids des vélos dans les années 90 par rapport à aujourd’hui, sans compter d’autres paramètres comme la rigidité du cadre. Il est évident que cela influe énormément sur le temps d’ascension.
j’entendais pour le vent, les temps de monté, et là le vent a son importance. hors quand on nous dit que untel a monté le plus vite qu’un autre , il faudrait quand même savoir si le vent était favorable ect.. donc tout ça ne veut pas dire grand chose.
Oui, mais les comparaisons de temps de montée c’est douteux, même à une même époque. Comme tu le soulignes, selon le vent, ce qu’il y a eu comme km avant, ce qui reste à parcours après, etc.
Le problème reste qu’entre les suspicions et les problèmes avérés, on ne peut pas trancher ce qui est légitime ou non. Et un autre problème est la position de l’Uci. Pourquoi pour la même faute un est condamné (Petacchi, Ulissi), un autre blanchi (Froome), pourquoi au palmarès du tour on déclasse un coureur puis parfois le second devient vainqueur (Schleck) parfois il reste second (Ullrich ou Zulle entre autres). Il faudrait s’accorder sur des règles claires et univoques.
Non, ce n’est pas aux médias de définir, sans aucune preuve, qui est coupable de dopage ou non. Parce qu’encore une fois, ce ne serait basé sur rien. Et si on fait ça, alors on ferme la Chronique du Vélo et on attend 10 ans pour voir sur qui on avait raison de s’enthousiasmer.
Surtout, comme le note Calbuth (merci à lui !), il y a déjà une nuance dans l’article au moment d’évoquer Ivan Gotti – et elle était présente dès la publication, ce n’est pas un rajout.
Mon cher Robin je m’en suis excusé !
Je répondais en fait à Tywin, mais la succession des messages n’est pas très claire, en effet.
Pour en revenir au Mortirolo, vous avez omis l’édition 2008 si je ne me trompe. Ce jour là Schleck qui faisait son premier grand tour fit preuve de ses immenses qualités de montagnard, flanqué de Di Luca (autre nom “illustre” du dopage) qui remporta ce giro.
Le Mortirolo a bien été au programme en 2008, mais Andy Schleck s’est révélé en prenant la 2e place du Tour d’Italie en 2007 (en effet derrière Di Luca). Le Mortirolo n’était pas au programme de cette édition. Tu confonds peut-être avec le Monte Zoncolan (le luxembourgeois termine 3e de l’étape à 7 secondes de Simoni et Piepoli – qui ne carburaient pas non plus au jus de pomme bio – et Di Luca 4e à 31 secondes du duo de tête).
Nouvelle du jour : dommage pour le suspense, mais le Giro est plié, Carapaz va gagner avec une quasi certitude
Effectivement il s’agissait bien de 2007. Merci de la précision. Il sera très dur de déloger Carapaz. Il n’a aucune faiblesse et semble au maxi de sa forme dans ce giro. Dire qu’il y a un peu plus d’un an, peu de monde connaissait ce coureur. Il prouve qu’un pur grimpeur peut encore gagner un grand tour !