Le nouveau surdoué du cyclisme mondial avait déjà fait étalage de sa classe durant la campagne de classiques ardennaises, en montant sur le podium de la Flèche wallonne et de la Doyenne en plus d’avoir animé le Cauberg. Mais Michal Kwiatkowski a décidé de passer à la vitesse supérieure ce mardi. Alors qu’on le pensait naturellement éprouvé par des derniers mois où il fut aperçu sur à peu près tous les terrains, le Polonais a repoussé ses limites pour empocher le premier maillot de leader du Tour de Romandie, dans les rues d’Ascona, avec une moyenne de 52 km/h sur le prologue. Fortiche.

Le tube de la semaine ?

Comme expliqué dans notre article précédent sur les favoris de l’épreuve romande, le parcours proposé cette année n’est pas pour désavantager un coureur complet, excellant dans l’art du contre-la-montre. Michal Kwiatkowski fait partie de ceux-là, et a surtout mis les points sur les i en ce bel après-midi le long du lac Majeur. Certainement intérieurement frustré par ses nombreuses places d’honneur, pour la deuxième année consécutive, lors des plus grandes classiques du mois d’avril, le natif de Torun a remis au sens propre les pendules à l’heure, et parfaitement exploité les 5,5 kilomètres d’apéritif. Au moment d’entamer sa dernière semaine sur le vélo avant sa longue coupure pré-Tour de France, le prodige d’Omega-Pharma Quick-Step savait qu’il devait laisser une autre image que celui d’un puncheur ayant terrassé un Peter Sagan encore en rodage sur les Strade Bianche. Et en s’imposant aujourd’hui, il s’empare du statut de patron des routes suisses. Pourtant, la concurrence, encore une fois, était sacrément garnie au portillon de départ. Mais rien d’effrayant en soi, pour l’autre membre de la génération dorée 1990 – également présente avec Rohan Dennis, deuxième du jour – qui s’est même payé le luxe de reléguer son coéquipier triple champion du monde du contre-la-montre au rôle de figurant.

Certes, ce n’est que le prologue de six jours de course qui s’annoncent haletants, mais la couleur est déjà annoncée par ce coureur passe-partout, récidivant une deuxième fois face à la montre en 2014 après son Tour d’Algarve victorieux. Un sacre également particulier puisque désormais candidat crédible à un top 10 sur un grand tour, Kwiatkowski l’emporte dans sa discipline de prédilection, s’il y en a bien une… Révélé sur les Trois-Jours de Flandre Occidentale, en 2012, où il avait remporté un prologue similaire, le moteur du “Kwiat” n’a jamais été remis en question ; et c’est à coup sûr l’une de ses qualités premières pour viser la gagne sur une grande classique future, comme l’Amstel ou le Tour des Flandres à plus long terme. Désormais, il va falloir gérer ce petit matelas de quatre secondes, qui paraît dérisoire sur le papier, mais qui pourrait bien se révéler crucial tellement il est difficile de semer ses rivaux sur un prologue court et peu technique. Les éditions précédentes du Tour de Romandie sont là pour nous le rappeler, le top 10 se tient souvent en une poignée de secondes à la veille du chrono final, qui aura pour destination Neuchâtel dimanche prochain, avec en prime, une montée de trois kilomètre à mi-parcours. Du sur-mesure pour le champion de Pologne ? Loin d’être infaillible, il paraît cependant peu probable qu’il prenne un éclat dans la montée de Villars-sur-Ollon. Au contraire, il est bien plus probable qu’il reprendre du temps sur ses concurrents.

Mais comment l’en déloger ?

Il y a un an, presque jour pour jour, c’est Chris Froome qui occupait le rôle d’homme à abattre. Impressionnant de facilité depuis le Tour d’Oman et jusqu’au Tour de France, son voyage en Romandie s’était soldé par une domination sans partage, et un maillot jaune de leader assuré depuis le premier jour. Le Britannique avait en effet remporté le prologue atypique de 2013, disputé entre le Châble et Bruson, long de sept kilomètres, ayant la particularité d’être en sévère montée. Comment s’était alors déroulée la suite des évènements pour les concurrents du leader de la Sky ? Une course cadenassée par une équipe au-dessus du lot allait alors empêcher toute offensive, avant de préparer le terrain à son chef de file pour qu’il en remette une couche. Les adversaires n’avaient alors pas pu emballer la course et attaquer Froomey. Cela semblait être la solution, comme pour Kwiatkowski : l’attaquer dans les moments inattendus, le pousser à bout, contrer l’armada collective mise en place.Vincenzo Nibali, attaquant né, devrait faire partie des coureurs offensifs si le besoin s’en fait ressentir. Pour un scénario sans doute différent de celui de l’année dernière.

Cependant, prenons point par point les éléments cités, et observons l’impasse qui se présente. Le vainqueur du Trofeo Serra est loin d’être tétanisé par l’enjeu, et sera prêt à n’importe quel moment pour réagir aux offensives, à aller le plus loin possible en assumant son statut de leader. Car Kwiatkowski, plus puncheur que grimpeur, sera difficile à décramponner sur les courts cols de la semaine. Il n’est pas non plus envisageable d’isoler le deuxième du Tour du Pays Basque, épaulé comme il se faut par l’équipe OPQS : Uran, De Gendt, Bakelants ou Brambilla forment en effet sa garde rapprochée. Alors si les grands cadors aux CV impressionnants veulent empêcher le jeune Michal d’obtenir la plus grosse part du gâteau, il va falloir être plus fort que lui à la pédale, et ne pas attendre quelques faits de courses dérisoires. Autrement dit, il faudra offrir aux spectateurs un contenu totalement opposé à celui proposé sur Liège-Bastogne-Liège… Aux Froome, Nibali, Costa et autres grands noms de faire valoir leur statut, qu’un jeune talent est en train de leur contester de manière de plus en plus sérieusement.

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