Un début de saison lancé sur les chapeaux de roues ne garantit pas grand chose pour la suite. À contrario, un mois de février poussif peut déclencher une spirale négative et endommager le capital confiance d’un sprinteur et de ses poissons-pilotes. Le cas de Marcel Kittel, en dépit de tout jugement hâtif, n’est pas passé inaperçu. Depuis quelques semaines, le nouveau sprinteur de Katusha-Alpecin s’embourbe dans les dunes émiraties, sans parvenir à corriger le tir.

Une prise de décision hésitante

A Fujairah, sur la troisième étape du Tour de Dubaï, Marcel Kittel a obtenu son meilleur résultat de la saison jusqu’ici : une troisième place. Un podium obtenu en suivant la stratégie victorieuse du dernier Tour de France, où le requin bleu qui portait encore les couleurs de Quick Step observait patiemment ses adversaires avant de les remonter un par un jusqu’à la ligne d’arrivée. Mais désormais sous pavillon russo-helvétique, l’Allemand doit composer avec de nouveaux partenaires et l’enchaînement des sprints n’a pour l’instant pas permis de trouver la bonne formule. Comme sur cette cinquième étape, toujours à Dubaï, où ses éclaireurs firent exploser le peloton dans le dernier kilomètre. Alors précédé par Marco Haller et Rick Zabel, Kittel possédait un boulevard pour conclure, avant qu’il ne se rassoie à la surprise générale sur sa selle, épuisé par le violent effort de l’Autrichien, qui terminait devant lui mais devait céder le bouquet de l’étape à l’insatiable Elia Viviani.

Un manque de coordination que le principal intéressé faisait remarquer après-coup. « Nous devrions savoir au départ de chaque course quel est notre plan et à quel endroit nous souhaitons nous placer, comment y arriver », pointait-il. Sur ce Tour de Dubaï, Kittel resta donc dans l’ombre, même si deux certitudes ressortent. D’abord, le garçon est très loin de sa forme optimale. En-dessous de Viviani, Kristoff, Cavendish ou Bouhanni Bouhanni, les deux derniers le devançant à Fujairah. L’autre enseignement, c’est qu’il va devoir redoubler d’attention pour ne pas laisser le monopole de la domination collective à ses adversaires. Ses nouveaux fidèles, à savoir Haller, Zabel, Politt et Kuznetsov, ont la lourde tâche de comprendre la lecture du sprint de Kittel. Ce que savait faire Fabio Sabatini chez Quick-Step, en somme. « J’ai essayé de l’amener chez Katusha », confiait d’ailleurs l’Allemand à Cyclingnews l’été dernier. Mais il faudra faire sans son ami italien.

Un transfert et un nouveau programme

Arrivé du côté d’Etixx-Quick Step en janvier 2016, Kittel avait levé les bras dès sa première course, déjà à Dubaï. Avec cinq victoires en un mois, il avait impressionné et relégué tous les doutes concernant sa capacité à s’adapter à un nouveau projet. Le son de cloche de cette rentrée est beaucoup moins radieux. Peut-être parce que le coureur de 29 ans a profité de son transfert pour modifier légèrement son programme. Après Abu Dhabi, il se rendra comme d’habitude sur Paris-Nice, mais fera ensuite une croix sur Milan-Sanremo pour se lancer à l’assaut de Paris-Roubaix. Une liberté sur les classiques qu’il n’avait pas chez Patrick Lefevere. Alors sur les pavés, il aura besoin d’une équipe autour de lui, mais pas spécialement d’un train parfaitement huilé. A la manière de son compatriote André Greipel ou d’Arnaud Démare, il pourrait donc nous surprendre au printemps, et décharger son équipe des grandes responsabilités pour mieux préparer un Tour de France où l’erreur ne sera pas permise.

Depuis six ans, la structure Katusha faisait confiance à Alexander Kristoff mais n’en a jamais fait une machine imbattable sur les sprints. Mais la semaine dernière, le Norvégien, désormais chez UAE Emirates, a scoré en Oman, preuve que les automatismes sont à géométrie variable. « Je ne me précipite pas, et l’équipe n’est pas non plus pressée pour obtenir des résultats », complète Kittel, sans que l’on sache qui il veut rassurer, nous ou lui-même. Alors qu’il ne s’inquiète pas : en fin de saison, personne ne lui en voudra de ne pas avoir gagné aux émirats au mois de février. Ni même sur Paris-Nice, s’il venait à se louper. C’est sur le Tour de France qu’il sera jugé avant tout. Et il a encore quatre mois et demi pour le préparer.

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