Son intention était de rentrer dans l’histoire, il l’a fait avec la manière. Au cours d’un printemps qui n’a pas vraiment vu un cador écraser la concurrence, si ce n’est Alaphilippe, absent des flandriennes, Philippe Gilbert a sans doute frappé le plus fort avec son succès sur Paris-Roubaix. Voilà le Wallon détenteur des deux monuments pavés, désormais.
Son nouveau terrain de jeu
Il y a un peu plus de deux ans, lorsqu’il avait remporté le Tour des Flandres au terme d’un magnifique numéro en solitaire, quelques mois seulement après avoir signé chez Quick-Step, on se disait que le pari était gagnant. Il avait rejoint la bande à Patrick Lefevere pour briller sur les classiques flandriennes et le contrat était déjà rempli. Mais le bonhomme, vainqueur de toutes les classiques ardennaises et champion du monde, a un appétit difficile à combler. Le Ronde était un rêve mais il n’était pas le seul. Depuis le début, Paris-Roubaix était aussi dans un coin de la tête de Philippe Gilbert. Alors il a œuvré pour y être prêt. A son arrivée chez Quick-Step, il n’avait quasiment aucune expérience de l’Enfer du Nord, seulement une petite participation, en 2007. A vrai dire, sur le papier, ça a toujours été le monument qui correspondait le moins à ses qualités.
Mais avec l’âge, Gilbert a su évoluer, mettre de côté ses qualités de puncheur qui lui avaient permis de faire le triplé ardennais en 2011, pour devenir une bête quasiment imbattable sur des efforts longs. Tour des Flandres, Amstel Gold Race, Paris-Roubaix : depuis trois ans, quand il gagne, c’est en partant de très loin, toujours plus de cinquante kilomètres. « Je me suis lancé dans le boulot », disait-il sur le vélodrome roubaisien au moment d’expliquer sa journée. Dans sa bouche, l’exploit sonne presque comme une banalité. Mais il sait trop bien ce qu’il vient d’accomplir pour ne pas réaliser. Une semaine après avoir abandonné le Tour des Flandres, diminué physiquement, il a accroché son quatrième monument différent. Il est le seul à pouvoir en dire autant dans le peloton actuel, quand les autres cadors n’en comptent au maximum que deux (Sagan, Nibali, Terpstra, Kristoff, Martin, Degenkolb). Le Belge, désormais, n’est plus qu’à un Milan-Sanremo de rejoindre Merckx, Van Looy et De Vlaeminck, vainqueurs des cinq monuments.
La parenthèse flandrienne pourrait se refermer
Cet accomplissement que fut Paris-Roubaix est ainsi un symbole de la carrière de Philippe Gilbert. Un condensé de science tactique et de panache, le tout reposant sur une préparation minutieuse et un choix de carrière mûrement réfléchi. On a longtemps parlé du Tour des Flandres au Gilbert puncheur du début de la décennie. Mais c’est comme si lui savait que son heure viendrait, un peu plus tard. Ce fut pareil avec Paris-Roubaix. On lui en parlait après sa victoire sur le Ronde, puis le doute s’est installé lorsque le Wallon a démarré son printemps discrètement. Mais il a répondu présent le jour où il fallait. Alors on pourrait arguer qu’il s’est planté dans sa carrière, aussi, notamment en allant chez BMC, où il n’a gagné aucun monument en cinq ans. On n’aurait pas complètement tort. Mais son rebond aura été plus impressionnant et excitant que ses années compliquées, assurément.
A désormais 37 ans, on ne sait quoi attendre de « Phil ». Les classiques resteront forcément son terrain de jeu, mais sera-t-il encore un flandrien en 2020 ? Milan-Sanremo lui a toujours fait de l’œil. Il y a une dizaine d’années, on aurait dit que c’était le monument qui lui correspondait le plus et c’est finalement le dernier qui lui manque. C’est cette quête d’un coup redevenue possible qui a motivé son départ de Quick-Step. Il a peut-être été question d’argent, mais pas que. Gilbert avait accepté de baisser son salaire pour rejoindre l’équipe de Patrick Lefevere, alors il est difficile d’imaginer qu’il soit parti pour une histoire de chèque. En revanche, malgré son amitié avec Julian Alaphilippe, l’avènement du Français est un obstacle pour le Belge, sur la Primavera. Le garçon a donc décidé de retourner chez Lotto, pour potentiellement redevenir davantage puncheur que flandrien. Dans le monde des pavés, il sera venu, aura vu et aura vaincu. Avant de repartir.
Philippe Gilbert
Mathieu Van der Poel
Wout Van Aert

Philippe Gilbert
37 ans, Belge, Deceuninck-Quick Step
3 en 2019
Classement UCI : 44

Paris-RoubaixVainqueur
3En s'imposant sur le vélodrome roubaisien, le Belge a décroché son quatrième monument différent, son cinquième au total

Championnat de BelgiqueQuatrième
6Sur l'ensemble de la décennie, "Phil" a terminé à 6 reprises dans le top 10 de son championnat national

Tour d'EspagneVainqueur de 2 étapes
7Avec ces deux nouveaux succès, Gilbert compte désormais 7 bouquets sur la Vuelta, plus que sur tout autre grand tour
« Au cours d’un printemps qui n’a pas vraiment vu un cador écraser la concurrence, si ce n’est Alaphilippe »
Vous oubliez un peu vite les printemps de Fuglsang et Van der Poel, aussi marquants que celui d’Alaf’…
Ils ont été très forts, oui, mais n’ont pas écrasé la concurrence.
1 victoire d’envergure pour Fuglsang, 2 pour VDP. Alaphilippe, lui, c’est 3 grosses classiques (dont 1 monument) ainsi que des étapes sur Tirreno et la Catalogne. Quand je parle de domination, le nombre est primordial.
Tirreno et Pays Basque ; )
En terme de victoires il est vrai qu’Alaf a fait très fort de février à Avril, mais Fuglsang m’a aussi impressionné personnellement.
Alaph qui fait des trucs énormes depuis qqs saisons; il risque d´accuser un peu le coup d´ici une saison ou deux; d´un autre coté il est telement épatant dans son évolution qu´on peut se demander s´il n´aurait pas encore une marge de progression à dévoiler. Gilbert au top pour la prochaine Primavera j´y crois; son abandon au dernier mondial à du etre dur à digérer et doit contribuer à booster sa motivation; à découvrir si son changement d´equipe ne le désservira pas ou vice versa ..