Il y a deux ans, Jakob Fuglsang était un vainqueur inattendu du Dauphiné. Cette fois, il a remis ça alors qu’il était annoncé comme l’un des favoris. De quoi faire grimper un peu plus sa confiance, au cours de la plus belle saison de sa carrière et à trois semaines seulement d’un Tour de France où il sera l’unique leader d’Astana.

Patron incontesté chez Astana

On avait rarement vu un maillot jaune aussi serein, ces dernières années, sauf peut-être du côté des anciens Sky, habitués à surdominer les courses par étapes. Alors l’abandon de Chris Froome, en milieu de semaine, y est peut-être pour quelque chose, mais dans l’ensemble, de toute façon, on est tentés de dire que ce Critérium du Dauphiné ne nous a pas appris grand-chose, confirmant seulement qu’Ineos avait des plans de secours, que Pinot était dans les temps pour le Tour, Bardet un peu moins, et Porte très loin du compte. Jakob Fuglsang, dans cette histoire, a maîtrisé son affaire de A à Z. Vendredi soir, à l’approche d’un week-end loin d’être indigeste, il se demandait, face à la presse, s’il fallait mieux tenter de prendre le maillot samedi ou dimanche. La réflexion d’un cador qui se sait fort, très fort, et qui l’a rapidement montré, ne s’embêtant pas, finalement, à repousser la prise de pouvoir.

Mais à vrai dire, on aurait été surpris de voir le Danois à la rue, tant il semble perché sur un très gros nuage depuis le début de saison. Auteur d’un printemps fantastique, qui l’a vu conclure en remportant Liège-Bastogne-Liège, il revenait à la compétition sûr de ses forces. Le bonhomme a 34 ans mais vit son meilleur exercice. Hormis un abandon sur la Clasica de Almeria, au mois de février, son plus mauvais résultat de l’année reste une sixième place au général du Tour de Murcie, lors de ses premiers tours de roue de 2019. Un rythme de cador, qui, si on se projette un petit peu, fera forcément de lui l’un des favoris du Tour de France, surtout une année où Chris Froome n’est pas là, et encore plus compte tenu de la confiance que lui voue son manager, Alexandre Vinokourov. Parce que malgré l’ascension de Miguel Angel Lopez, en interne, le boss continue d’envoyer le Danois sur les courses qui comptent le plus.

Un gentil qui fait peur

Au mois de juillet, du coup, il n’y aura personne dans les pattes de Fuglsang et sa gueule d’ange. Lopez est à la maison, il prépare la Vuelta, et Fabio Aru, co-leader encombrant en 2017, lorsque le Danois, déjà, sortait d’un Dauphiné victorieux – et plus inattendu que celui de cette année – est parti loin d’une équipe kazakhe qui rafle tout sur son passage depuis six mois. Tout est réuni, donc, pour que l’ancien lieutenant des frères Schleck explose enfin sur le Tour. Il y a deux ans, il disait vouloir se laisser une dernière chance, en tant que leader, pour faire mieux que sa septième place de 2013, jusqu’ici sa meilleure performance à Paris. « Sinon, j’accepterais facilement de devenir un équipier, ce rôle me va aussi, disait-il alors. J’aime être l’équipier d’un leader qui gagne. » Manque de chance, un poignet cassé avait brisé son élan alors qu’il occupait la cinquième place du général à la mi-course.

Sans arriver sur les Champs-Elysées, il se trouvait dans un entre-deux : l’objectif n’était ni atteint, ni complètement manqué. Alors l’ultimatum a été oublié et Fuglsang n’a jamais été rétrogradé dans la hiérarchie d’Astana. Au contraire, c’est à lui, surtout, qu’est revenue la tâche de faire oublier le départ de Fabio Aru. « J’ai manqué d’égoïsme », reconnaissait le Danois il y a quelques années, pour expliquer des résultats pas toujours à la hauteur des espoirs placés en lui. On ne s’avancera pas à dire qu’il a changé et qu’il a mis sa générosité de côté. En vérité, il reste l’un des coureurs les plus sympathiques du peloton, apprécié de tous et même de ses rivaux, Julian Alaphilippe en tête, qui n’a cessé – ou presque – de lui dresser des louanges au printemps. Mais Jakob Fuglsang, en tout cas, a appris à gagner. Désormais, sa gueule d’ange fait peur.

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