Vous avez connu beaucoup d’équipes depuis le début de votre carrière. Certaines en France, d’autres à l’étranger. Avez-vous un besoin constant de changement ?
Non pas du tout ! Quand j’ai commencé chez Agritubel, c’était pour un contrat de deux ans mais finalement l’équipe s’est arrêtée au bout d’un an seulement. J’ai alors signé à Vacansoleil mais ça n’a pas marché donc j’ai rejoint l’équipe Leopard. Là, au bout d’un an, il y a eu une fusion avec Radioshack et je n’ai pas été conservé. Heureusement, j’étais en contact avec Stéphane Heulot qui m’a proposé de rejoindre Sojasun. J’ai fait deux ans chez eux et finalement j’ai rejoint Bretagne chez qui je suis désormais depuis quatre ans. Ce sont les aléas d’une carrière, j’ai un peu bougé mais je n’ai pas fait 150 équipes non plus !
Avez-vous pu noter des différences entre l’étranger et les équipes françaises ?
Il n’y en a pas énormément. Evidemment, chez Leopard il y avait un staff bien plus fourni mais c’est parce que le budget suivait. Après, je n’ai jamais été dans de grosses structures françaises comme la FDJ, donc il m’est difficile de comparer.
« Andy et Fränk étaient vraiment des coureurs que j’appréciais. Même si aujourd’hui ils ont arrêté le vélo, j’aime bien les voir de temps en temps. »
Chez Léopard justement, vous avez rejoint le projet monté par les frères Schleck. Vous les connaissiez bien ?
J’avais déjà des contacts avec eux dans le peloton et on s’entendait plutôt bien. Donc quand a germé cette idée de monter une équipe, ils m’en ont fait part. Ça s’est fait assez vite car Andy et Fränk étaient vraiment des coureurs que j’appréciais. Même si aujourd’hui ils ont arrêté le vélo, j’aime bien les voir de temps en temps comme lors du Tour du Luxembourg cette année. Ils ont tout les deux connu une carrière avec des hauts et des bas mais ce sont vraiment de bonnes personnes.
Il y a huit ans, vous remportiez votre première victoire sur le Tour à Arcalis, vous vous y attendiez ?
J’étais néo-pro mais je croyais en mes chances, j’avais fait le tour du groupe d’échappés avant la dernière montée et je sentais que j’avais les moyens de faire un gros truc ce jour-là. Ça a été un bon moment et pour l’instant ça reste mon meilleur souvenir. Ce qui m’embête, c’est que c’est ma seule victoire sur le Tour…
Nous en arrivons à cette année. Vous êtes pour l’instant vingtième au classement général. Avez-vous en tête de faire votre deuxième top 20 en carrière après votre seizième place en 2014 ?
Finir entre quinze et vingt, c’est intéressant mais je ne sais pas si je signerais là tout de suite si on me promettait de finir dans ces places là. Si je termine dans les quinze premiers je serais satisfait. Dans les dix, ce serait vraiment l’idéal. En même temps, aujourd’hui je ne dois pas tout miser sur le général, il ne faut pas que je cours pour une place. C’est clair que je ne me relèverais pas dans les étapes qui arrivent au sprint pour perdre du temps bêtement mais si je prends trente secondes à cause d’un ennui mécanique à cinq kilomètres, il n’y aura pas mort d’homme. Je suis bien au général mais déjà à cinq minutes des dix premiers. Je verrais après les Pyrénées quelle est la situation et j’aviserai. Je ne suis pas venu ici pour faire un super truc au général mais pour jouer le maillot à pois, me glisser dans les échappées et faire de bonnes places. Je veux prendre la course au jour le jour et pourquoi pas essayer de gagner une étape.
« Si c’est pour faire une étape de montagne avec la ceinture de cardio qui t’écrase la poitrine, très peu pour moi. »
Vous êtes arrivé dans le peloton à la jonction entre la génération Chavanel-Voeckler-Fedrigo et celle des Bardet-Pinot-Alaphilippe. Avez-vous observé un changement de mentalité entre les deux ?
C’est difficile de comparer des générations, car c’est une histoire d’individualités avant tout. Julian Alaphilippe est un peu foufou, attaquant, il n’a peur de rien tandis que d’autres, comme Romain Bardet, sont beaucoup plus réfléchis dans leur manière de courir. Bon, après, Romain fait aussi des descentes du tonnerre parfois ! En fait, je pense que le principal changement n’est pas dans les mentalités mais au niveau de l’entraînement. Un mec de la nouvelle génération est capable de te dire à cinq watts près si il est bien ou pas. J’ai vu les capteurs de puissances s’imposer dans le peloton.
Est-ce que ce cyclisme plus scientifique vous plaît ?
Non pas tellement, compter les watts ça ne m’intéresse pas plus que ça. J’aime bien calculer mais il y en a qui le font trop. Et puis, si c’est pour faire une étape de montagne avec la ceinture de cardio qui t’écrase la poitrine, très peu pour moi. Je préfère ne pas connaître mon cardio et ne pas avoir cette ceinture autour du torse. Je ne sais pas si ça gâche le plaisir, car certains qui ne pourrait plus faire sans, mais pour moi ce n’est pas primordial.
En 2011, vous avez perdu votre coéquipier Wouter Weylandt sur le Giro. Sa disparition a t-elle changé votre réflexion sur le cyclisme ?
Je ne sais pas si ça a été un événement déclencheur. Avant Wouter Weylandt, il y a en a eu d’autres. La fin n’a pas toujours été aussi dramatique mais j’en ai vu des coureurs chuter très lourdement à côté de moi. Sur le coup, ça me faisait relativiser. Pourtant, à l’époque j’étais encore jeune et en descente j’étais souvent à fond. En 2013, j’ai eu ma première fille. C’est à ce moment-là que je me suis remis en question. C’est bien d’aller très vite en descente, de prendre des risques pour obtenir des résultats, mais si c’est pour rentrer fracassé à la maison ça ne sert à rien. Il faut savoir relativiser. Le vélo c’est ma passion, c’est devenu mon métier, mais ce n’est pas la vie.
Feillu fait jusqu’à présent un très joli Tour. Ses coéquipiers aussi.Les Fortuneo sont d’ailleurs dans la 1ère partie du classement par équipes devant beaucoup de teams World Tour.