Au téléphone, on retrouve des garçons très détendus, que ce soit Romain ou Brice. Le sujet ? La fratrie Feillu. Ils ont répondu favorablement et très rapidement pour se livrer à cœur ouvert sur une relation forcément particulière. Des années durant, les deux frangins ont couru ensemble, chez les amateurs puis chez les professionnels. Mais en 2011, Brice a quitté Romain, non sans un brin d’amertume. Trois ans plus tard, les deux frères se retrouvent chez Bretagne-Séché, pour leur plus grand bonheur !
Romain : « J’ai prolongé en faisant passer Brice »
Le parcours des frères Feillu a longtemps été – quasiment – similaire. Avec parfois quelques mois d’écart, Romain comme Brice sont passés par l’UC Vendôme, la réserve d’Agritubel et le CC Nogent-sur-Oise. Des clubs amateurs réputés, qui leurs ont permis de connaître le monde professionnel chez Agritubel. De quinze mois l’aîné de la fratrie, c’est Romain qui a connu cet honneur en premier. Avant de donner un coup de pouce à son frère, Brice. « J’étais chez Agritubel, je connaissais un peu de monde. Je peux même dire qu’au moment où il a signé son contrat de stagiaire en 2008, j’ai un peu forcé la main à l’équipe. J’ai prolongé mon contrat en le faisant passer. » Brice ne décevra par la suite personne chez Agritubel, en se montrant d’abord performant en tant que stagiaire, puis en passant pro pour la saison 2009. Grimpeur alors que son frère est sprinteur, le cadet n’a pas eu l’habitude de glaner autant de succès. Mais voir son frère réussir l’a poussé à se dépasser. « On se dit moi aussi je peux le faire, je n’ai pas les mêmes qualités mais je suis capable de réaliser de belles choses », confie Brice. Et d’ajouter « Ça pousse à faire les choses encore mieux. »
Chez Agritubel, les années sont belles. En 2008, Romain porte le maillot jaune sur le Tour de France, et y retourne l’année suivante, avec Brice à ses côtés. Et c’est alors que le plus jeune s’illustre avec une victoire qui aura marqué les esprits à Andorre-Arcalis. Au sommet, le vainqueur attend son frère, moins à l’aise lorsque la route s’élève, et qui met un peu de temps à arriver. Mais qu’importe, c’est la plus belle, et les deux frangins peuvent la partager. « On est deux sur le Tour de France, en plus de ça dans la même équipe, donc partager cette joie c’est super », juge Brice. Romain détaille : « C’est je pense le plus grand moment. Quand celui qui gagne vous est proche, le moment est vécu différemment, il n’y a pas la même retenue. » Mais en 2010, changement d’horizon, les Feillu découvrent l’étranger et signent en faveur de Vacansoleil. Et là, l’adaptation est très différente… « On a eu une première saison où l’adaptation n’était pas forcément facile, c’était complètement différent. Moi j’ai réussi à m’adapter, à partir du mois de mai je me sentais bien dans l’équipe, mais ça a été beaucoup plus difficile pour Brice », confie Romain. L’intéressé, au bout d’un an, s’en va. Il explique : « Ça ne s’était pas super bien passé. J’aurais bien aimé rester dans la même équipe que Romain mais ça s’est présenté comme ça. »
Pour Brice, direction Leopard. « Un bon choix » à en croire le natif de Châteaudun. Mais aussi la première fois qu’il emprunte un chemin différent que son « petit grand frère. » Pas un problème car « on sait aussi faire sans l’autre », assure Brice. D’autant que Romain remarque que les deux frères se retrouvaient plus souvent sur les mêmes courses que lorsqu’ils étaient dans la même équipe. Cependant, durant cette période, contraints et forcés, les deux hommes se voient moins. « On s’est éloignés un petit peu géographiquement. Alors on se téléphonait, mais ce n’était pas une relation de tous les jours », avoue Romain. Pas de quoi cependant entamer les relations fraternelles qui unissent les deux frères. « On s’appelait souvent, c’était des échanges permanents. Je ne peux pas dire qu’on se soit éloignés », ajoute ainsi Brice. Malgré tout, courir dans des équipes différentes a quelques inconvénients, comme au GP de Plumelec en 2012. Echappé et alors qu’il voit la victoire lui tendre les bras, Brice est poursuivit par les Vacansoleil de son frère Romain. Revu à 400 mètres de la ligne, ça lui coûtera la victoire… « Romain, ça l’emmerdait, mais bon d’un autre côté ils avaient reçu l’ordre de rouler… C’est ça qui est un peu rageant, mais après il ne pouvait pas dire au directeur sportif ne roulez pas, c’est mon frère qui est devant », raconte l’ancien coureur de Sojasun. « Plumelec m’avait fait mal », résumé l’aîné.
Brice : « Le frangin, ce n’est pas Dieu »
En 2014, il n’y aura plus ce genre de problème, car les deux frères se retrouveront chez Bretagne-Séché. « Ca me fait très plaisir. En plus on va retrouver des personnes qu’on apprécie tous les deux, que ce soit Emmanuel Hubert qu’on connait depuis Agritubel, ou Dominique Moyon depuis encore plus longtemps puisqu’il était là chez Agritubel amateurs », assure le plus âgé des deux frères. Brice est sur la même longueur d’onde, avec une forte envie de décrocher de bons résultats après des négociations qui ont traîné un bon moment et laissé dans l’inconnu les observateurs durant plusieurs semaines. Mais les retrouvailles sont là, et chez les Feillu, cela semblait écrit tant les deux frangins vivent le cyclisme ensemble depuis leur enfance. « On a fait un petit peu de vélo, ça nous a plu et on a évolué en club. C’est sûr qu’avoir un frère, c’est le compagnon idéal pour s’entrainer », raconte Romain. Et puis surtout, nés à 15 mois de différence seulement, les deux frères ont toujours eu les mêmes centres d’intérêt. « On a toujours eu les mêmes goûts pour les vélos. Quand on était jeunes, on était aussi passionnés par le matériel, donc ça donne envie de pédaler. On a passé beaucoup de temps dans le magasin de vélo de Vendôme à la sortie de l’école, on a quand même baigné là-dedans », poursuit l’aîné. « On aime bien la nature », ajoute Brice. Il faut dire que dans l’Eure-et-Loir, il vaut mieux.
Mais alors, en course, ça apporte quoi de rouler à deux ? « C’est sympa, que ce soit dans la même équipe ou pas, ça ne change pas énormément de choses puisqu’on a des profils vraiment différents », juge Romain. Brice, lui, pense à l’émulation. « On va se retrouver sur la Côte d’Azur et rouler un peu ensemble. On va se faire une bonne sortie, et c’est sûr on va se tirer un peu la bourre, parce que même si c’est mon frère, on a toujours une petite comparaison à faire… Ca pousse vert le haut. » Et puis un frère, ça aide à être mieux compris quand ça va mal, non ? « Forcément quand il y a des déceptions, on les partage aussi. Mais c’est effacé par les moments de victoires et de joies », confie Romain. Si le cadet de la fratrie est d’accord dans un premier temps, il ajoute que « d’autres coureurs peuvent aussi [le] comprendre. » Cependant, les deux frères se refusent à dire qu’ils sont meilleurs lorsqu’ils sont dans la même équipe. « Pour ma part, j’ai fais de bonnes saisons tout seul », assure Romain, même s’il conçoit que les encouragements de son frère vont plus le toucher que ceux des autres. La conclusion revient donc à Brice, pour qui tout est clair. « Je pense qu’il n’y a pas à dire « non si tu n’es pas là, ça ne va pas le faire du tout. » Et puis on n’est pas à l’abri d’un problème. S’il y en a un, il y a beau avoir le frangin à côté, ce n’est pas Dieu… »