Liège-Bastogne-Liège 2016. Wout Poels, futur vainqueur, sort du peloton avec quelques autres seconds couteaux dans la côte de la rue Naniot, à trois kilomètres de la ligne d’arrivée. Sur les cinq dernières éditions, c’est l’attaque victorieuse la plus lointaine qu’on ait vu. Symbole d’un monument en péril.

Au bout de l’ennui

Dan Martin en 2013, Simon Gerrans en 2014, Alejandro Valverde en 2015 et 2017 : ils ont tous gagné Liège, et ils ont tous produit leur effort dans la côte d’Ans. C’est-à-dire dans le dernier kilomètre. Liège-Bastogne-Liège serait donc devenu une Flèche Wallonne bis, sans le fameux Mur de Huy ? Depuis cinq ans, clairement oui. Sauf que l’adrénaline procurée à Huy est bien supérieure à celle qui nous est offerte à Ans. La dernière fois que la course s’est décantée plus loin, c’était en 2012. Maxim Iglinskiy était parti dans la Roche-aux-Faucons, à presque vingt kilomètres de l’arrivée. Une offensive qui n’a pas grand-chose de lointaine, mais qui a le mérite de ne pas intervenir dans les trois dernières minutes de course. Philippe Gilbert, Alexandre Vinokourov, Andy Schleck et beaucoup d’autres, eux aussi, avaient fait la différence dans cette ascension les années précédentes.

Mais c’est à croire qu’avec le temps, les favoris sont devenus frileux. Trop apeurés à l’idée de lancer les hostilités d’un peu trop loin. Le palmarès, lui, s’en ressent. Martin, Gerrans et Poels ont profité de l’attentisme des leaders pour tirer les marrons du feu. Alors on ne va pas plaindre ces pseudos cadors qui n’osent pas prendre leurs responsabilités, mais force est de constater que la course devient d’un ennui exécrable. La dernière classique du printemps devrait clore le bal en beauté, et c’est chaque année le contraire. La montagne accouche d’une souris et au lieu de s’enflammer sur Liège, tout le monde attend avec impatience le Giro. Il est donc temps d’agir, pour ne pas faire de la « Doyenne » le monument que plus personne ne veut regarder. L’évolution pour l’évolution est souvent un mauvais calcul. L’évolution pour ne pas mourir est une obligation.

L’exemple de l’Amstel

L’Amstel, ces dernières années, a montré que c’était possible. Les organisateurs néerlandais n’ont cessé de modifier leurs parcours, pas toujours avec une grande réussite. Mais à force de persévérance, ils semblent avoir trouvé la bonne formule. Jusqu’ici, les coureurs attendaient le Cauberg pour faire la différence dans les derniers kilomètres. En reculant l’ultime ascension, les puncheurs ont dû anticiper. Résultat cette année, la course s’est complètement débridée à quarante kilomètres du but. Liège devrait prendre exemple. Et retirer, déjà, les côtes de Saint-Nicolas et d’Ans, placées trop près de l’arrivée et qui incitent à l’attentisme. Avec la Roche-aux-Faucons comme ultime difficulté, à vingt bornes – voire davantage, il serait dommage de se priver de spectacle – de la ligne d’arrivée, tout redeviendrait beaucoup plus intéressant. Les flandriennes l’ont bien compris. Placer des difficultés jusque dans les derniers kilomètres est une fausse bonne idée.

Les ardennaises doivent donc s’adapter. On ne changera probablement jamais la Flèche, vouée à se décider pour l’éternité dans son Mur de Huy. Mais l’Amstel comme Liège ne doivent plus être des courses de côtes. Or si l’on aime dire que les coureurs font la course, il est parfois de bon ton de les forcer un peu. Quand comme la semaine passée, Alejandro Valverde est le plus fort, pourquoi prendrait-il le risque de partir de loin alors qu’il se sait intouchable dans le faux-plat montant final à Ans ? Ne sous-estimons pas l’intelligence des coureurs. Ils courent pour gagner, rien d’autre – quoi qu’en dise Sagan. Il faut donc provoquer le spectacle. Forcer les cadors à s’aventurer plus ou moins loin de l’arrivée. Ils ne le feront pas pour nos beaux yeux, mais seulement si c’est la seule façon de l’emporter. Il n’y a plus qu’à en prendre conscience.

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