Le lieutenant est enfin devenu un leader. Un grand. Capable de challenger celui pour qui, justement, il se mettait à la planche il y a encore deux saisons. Avec un hic, une étape sur laquelle il se sera troué. Mais s’il a perdu un Dauphiné pour seulement dix secondes, Richie Porte a gagné un nouveau statut. Il a annoncé qu’il serait là pour titiller Chris Froome sur le Tour de France.

Plus de complexe

Chaque jour que Dieu fait depuis le contre-la-montre du milieu de semaine, Richie Porte a droit à une série de questions. Et chaque jour, elles se font un peu plus insistantes. Meilleur rouleur et meilleur grimpeur de ce Dauphiné, l’Australien n’a jamais paru aussi fort. Au point de devenir, pour certains, le principal candidat au maillot jaune dans quelques semaines, entre Düsseldorf et Paris. « Le favori numéro un pour le Tour ? Je n’en suis pas si sûr », a-t-il répondu à nos confrères de CyclingPro.net, samedi. Ce statut duquel il aurait hérité – bien malgré lui – cette semaine serait, s’il l’acceptait, un véritable cadeau empoisonné. On l’a vu ce dimanche, où annoncé intouchable, il a réussi à se saborder pour finalement s’incliner et perdre ce Dauphiné qui lui semblait promis. Mais la défaillance est uniquement tactique, surtout pas physique. Dans l’ultime montée, Porte a encore été impressionnant, même si on commence à s’y habituer. Alors le fait même que l’on se pose ce genre de questions est révélateur. Richie Porte n’est plus un outsider. Il est, si non le favori du Tour, l’adversaire que Chris Froome redoutera le plus.

Cette position, le leader de l’équipe BMC la prend volontiers. Tout en laissant soigneusement son ancien boss « Froomey » assumer le reste : le statut de favori, de vainqueur sortant, d’épouvantail. Qu’importe l’atmosphère difficile qui règne chez Sky depuis plusieurs mois. Jusqu’à Düsseldorf et même peut-être un peu plus, le bon Richie nous resservira sans doute le discours qui était le sien samedi, après l’arrivée à l’Alpe d’Huez : « Froome a remporté l’épreuve trois fois et le Tour ne démarre que dans quelques semaines. » Les détracteurs de l’Australien, face à cette hype un peu inattendue – du moins dans ces propositions – ressortiront alors l’argument décisif : Porte n’a jamais tenu la distance sur une course de trois semaines. Plus que jamais, le garçon doit aimer son imperfection. Sans ça, il n’y aurait même plus débat quant à l’identité du favori à la première marche du podium sur les Champs-Elysées.

Au firmament

Problème, depuis aujourd’hui, ils peuvent aussi avancer que Porte ne sait pas gérer la pression. Ils n’ont pas complètement tort. Mais si on avait dit à l’Australien qu’il marquerait autant les esprits cette semaine, il aurait sûrement signé. Même sans la victoire finale. Porte reste – presque – en embuscade, mais se voit enfin confier les clés du camion. L’encombrant Tejay van Garderen est rangé au placard face aux performances de l’Australien, et Rohan Dennis a encore beaucoup trop à apprendre pour prétendre à quoi que ce soit en juillet. Alors chez Froome et les autres, l’inquiétude pointe forcément. Le Britannique congratule son ami, avance qu’il était trop fort pour lui cette semaine. Il y a du fair-play et de la sincérité dans ces éloges. Mais il y a aussi beaucoup d’interrogations. Elles sont logiques, mais elles ne rassurent pas. Jusqu’à peu, Richie Porte était, dans la masse, un candidat au podium. Il lui a suffi de quelques jours pour devenir bien plus. Le maillot jaune n’est plus une illusion. Sans être un cadeau qui s’offrira à lui comme un dû, il est aujourd’hui un objectif qui n’a rien d’indécent. Chris Froome peut s’inquiéter. Et on vous laisse imaginer les autres.

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