Vingt-deux ans seulement, et déjà un Tour de Suisse dans l’escarcelle. Certains diront que les cadors avaient déserté l’épreuve, que le jeune Miguel Angel Lopez a devancé Izagirre et Barguil, pas plus habitués que lui aux sommets des courses par étapes World Tour. On ne peut leur donner complètement tort. Mais il n’empêche qu’il ne faut pas sous-estimer la performance du Colombien.

Héros des cimes

Chez Astana, l’enthousiasme est de mise. « Nous pensons que Miguel Angel peut remporter un grand tour dans le futur », a lâché le manager général Alexandre Vinokourov. En revanche, tout le monde sait rester lucide. Alors 24 heures à peine après la victoire du prodige sur les routes helvétiques, l’équipe kazakhe s’est appliquée à lui faire signer un nouveau contrat. L’enfant de Pesca, en plein dans les montagnes colombiennes, a tellement crevé l’écran que beaucoup devaient déjà songer à lui faire les yeux doux. « Vino » a anticipé. Lopez n’a pas encore disputé la moindre épreuve de trois semaines qu’il est déjà lié pour deux années de plus avec Astana. De quoi avancer avec sérénité. Parce qu’à n’en pas douter, la semaine qui s’est achevée à Davos ce dimanche va marquer un tournant dans la carrière de celui que l’on surnomme « Superman ». Le voilà entré dans un nouveau monde : celui de ceux qui sont capables de remporter les courses d’une semaine les plus prestigieuses. Le tout à un âge où les Contador ou Quintana, autres grimpeurs précoces, n’étaient encore personne.

Pour sa deuxième année chez les professionnels, Lopez fait donc encore étalage de sa précocité. Grimpeur d’exception, rouleur plus que correct, il a le profil type de celui qui glanera d’ici quelques années de nombreux grands tours. Un « Superman » pour qui personne ne semble trouver la kryptonite. Il l’a montré la semaine dernière : quand la route s’élève, il faut en vouloir pour lui tenir tête. Il aura peut-être ce petit regret, d’ailleurs : il n’a pas levé les bras, ni à Sölden ni à Davos. Mais, joli symbole, c’est sur le chrono que l’escarbajo a décroché son maillot jaune de leader. Un pied de nez à ceux qui pensent les Colombiens incapables de rouler vite et seuls ailleurs qu’en montagne. Mais ce Tour de Suisse est surtout venu concrétiser un début de saison en fanfare à San Luis puis au Langkawi, avant un coup de moins bien sur les épreuves World Tour. De la Catalogne à la Romandie en passant par le Pays-Basque, le garçon a cherché ses marques, ne décrochant qu’un seul top 10, sur le contre-la-montre d’Eibar.

Il a le temps, s’il veut le prendre

Désormais, voilà donc Lopez avec un nouveau statut, qui ne sera pas simple à assumer. Mais vraisemblablement, lorsqu’on est capable de remporter le Tour de Suisse à 22 ans, on peut résister à la pression qui s’ensuit. Sur chaque épreuve, le Colombien aura les yeux du monde entier rivés sur lui. Tout le monde attendra de voir ce qu’il propose. Qu’il soit en forme ou non, ses performances seront disséquées. Inévitablement, il va aussi avoir droit, de plus en plus, à la comparaison avec Nairo Quintana. Parce que, comme son aîné, il est le fils d’un paysan et il a dû grimper des cols dès son plus jeune âge pour aller et revenir de l’école. Il devra souscrire à ses « obligations » : répondre qu’il n’est pas un nouveau Quintana, mais simplement Miguel Angel Lopez, et raconter sa jeunesse pour que son histoire se répande. Sans toutefois délaisser le vélo, ce sport qui l’a mené aujourd’hui sous les projecteurs.

Mais avant d’aller décrocher les étoiles, le garçon a le temps. Une chance que lui offre aussi son équipe, Astana. « Elle me donne le temps de devenir un champion », a-t-il assuré. On se demande malgré tout si c’est bien nécessaire, tant Lopez aime griller les étapes et aller plus vite que la musique. Comme quand, lorsque son père lui avait acheté son premier vélo, il s’était promis de devenir cycliste professionnel. « La valeur n’attend point le nombre des années », disait Corneille. Le Colombien lui donne raison. Il ne compte pas patienter pour bousculer la hiérarchie établie.

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