S’il n’a pas gagné au terme de l’étape reine du Tour de Romandie, Richie Porte poursuit sur son incroyable dynamique de 2017. Vainqueur du Tour Down Under, sans doute le meilleur dès que la route s’élevait sur le dernier Paris-Nice, il n’y a que sur le trophée Cadel Evans, fort logiquement, qu’il ne disputa pas la gagne depuis sa reprise en janvier. Mais sa dernière étape avant la pause du mois de mai, l’escapade romande ne risque t-elle pas de lui accoler une pression supplémentaire avant l’été ?

Quand d’autres avancent masqué, Porte, lui, est à découvert

Dans les pentes les plus sévères de la colline de Willunga, au sommet du Col de la Couillole ou bien dans la sèche ascension de Leysin, un visage s’est nettement détaché, celui de Richie Porte. Sans doute déçu d’être resté en retrait par rapport à Chris Froome la saison dernière, l’homme de Tasmanie assurait sans relâche pendant les mois de décembre et janvier que 2017 allait représenter la saison la plus importante de sa carrière. Sur ce point, difficile de lui donner tort. Car si l’ancien lieutenant du Kenyan Blanc n’a pas toujours eu l’opportunité de jouer sa carte personnelle sur les plus grandes épreuves, cela fait bientôt sept ans que son talent s’est révélé aux yeux du grand public. Depuis cette échappée irréelle vers l’Aquila, lors du Tour d’Italie 2010, Porte n’a cessé de côtoyer et de tutoyer les plus grands du plateau et d’en tirer profit pour arriver enfin à maturation. Avec en ligne de mire un objectif bien précis, laisser de côté sa nouvelle réputation de spécialiste des courses d’une semaine et rafler la mise sur les grands tours.

Formé à bonne école chez Sky en ce qui concerne les performances en haute montagne, le double vainqueur de Paris-Nice se targue d’avoir le couteau entre les dents en permanence. C’est sans doute cette motivation décuplée, ce souci de bien-faire, de prouver aux autres qu’il vaut autant que les Froome, Contador, Quintana et Nibali, qui lui permet de faire la différence sur des rendez-vous mineurs. En témoigne aujourd’hui le contraste saisissant entre Froome, désintéressé par la gagne, et Porte, qui est revenu avaler les courageux attaquants du Col du Pillon. Avec Simon Yates dans la roue, il n’a peut-être pas tout donné, mais avait déjà fait l’essentiel. Reléguer ses concurrents au-delà de la barre des trente secondes, ce qu’il considère sans doute comme suffisant pour remporter son premier Tour de Romandie demain à Lausanne. Et c’est le seul enseignement que l’on pourra tirer de cette épreuve qui sombre dans l’ennui en recyclant trop souvent les recettes de son passé.

Sur les traces d’Evans, Wiggins, et Froome ?

Entre 2011 et 2013, souvenons-nous que les trois vainqueurs consécutifs de l’épreuve helvète avaient triomphé sur les Champs-Elysées trois mois plus tard. Porte souhaite t-il répéter ce scénario ? Indéniablement oui, même si l’histoire nous a montré, avec les succès de Zakarin et Quintana, que le format stéréotypé de cette joute n’annonçait pas scientifiquement les rapports de force du mois de juillet, loin s’en faut. Mais, à 32 ans, c’est vraisemblablement l’année ou jamais pour Richie Porte. Si le temps n’est pas aux tractations entre les formations, et aux transferts tant attendus, l’Australien demeure sans contrat pour la saison 2018. Du Dauphiné à la Grande Boucle, celui qui termina son dernier Tour par une cinquième place sous l’Arc de Triomphe aura pour impératif de rentabiliser le pari de l’équipe BMC. Yvon Ledanois, Allan Peiper et Jim Ochowicz ont ainsi choisi de mettre temporairement sur la touche un « TVG » décevant pour mieux servir les ambitions de Porte, et in fine, terrasser l’armada Sky,

Porte peut-il remporter le Tour de France, et devenir le deuxième australien à réaliser pareil exploit, six ans après Cadel Evans, sacré avec la même tunique rouge et noir ? Une victoire demain en Romandie lui permettrait de franchir un demi-cap supplémentaire, en s’imposant hors de sa fenêtre de prédilection, à savoir le mois de mars. S’il avait levé les bras sur le Tour du Trentin deux années auparavant, il n’y a guère qu’en 2012 et 2013 que le champion s’est signalé à la fin du mois d’avril, finissant quatrième aux Diablerets puis huitième à Genève. Une nouvelle épreuve dans sa besace étofferait un peu plus son standing avant de se présenter sur la rampe de lancement à Saint-Etienne, le 4 juin, pour ce qui s’apparente au premier tour de sa campagne de France. Avec en prime, comme pour tout auteur de début de saison canon, la hantise d’être parti trop fort trop tôt. Ce qui l’assignerait une bonne fois pour toute au rang de second couteau, rendu célèbre pour son fameux “jour sans”. Bien évidemment, nous ne lui souhaitons pas.

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