On avait sorti les calculatrices, prêts à faire des comptes d’apothicaires. La question était simple : combien de temps Primoz Roglic allait-il reprendre aux autres favoris de ce Giro ? Réponse : beaucoup. Vincenzo Nibali a sauvé les meubles. Simon Yates et Miguel Angel Lopez, eux, ont de quoi tirer la tronche. Heureusement, la montagne arrive.

Roglic sur une voie royale

Les grosses gouttes qui crépitaient sur la route, tout au long du parcours, la brume qui attendait les coureurs, au sommet de la montée vers San Marino, offraient un décor presque apocalyptique, ce dimanche. Une sorte de mise en garde, avant l’arrivée de la montagne, où sont attendues la neige et la pluie, encore, la semaine prochaine. Une météo capricieuse qui, malgré tout, n’a pas bousculé la hiérarchie. On attendait Primoz Roglic et il ne s’est pas fait prier. A une époque où les grands tours se jouent avant tout dans l’effort solitaire, exception faite au dernier Tour d’Italie, justement, le Slovène a remporté le plus long chrono de ce Giro, et peut-être un peu plus. Les écarts font froid dans le dos et les amateurs de suspense regrettent sans doute déjà l’abandon de Tom Dumoulin, le seul qui, avant que le premier col ne pointe le bout de son nez, pouvait prétendre à naviguer dans des temps similaires au leader de Jumbo-Visma.

Rarement, ces dernières années, un favori n’a été en aussi bonne position que Primoz Roglic actuellement. Le bonhomme est deuxième du général, derrière le valeureux Valerio Conti, qui cédera son maillot rose à la première étape de montagne venue. Surtout, ses rivaux annoncés naviguent bien loin au classement général, obligés d’avancer à contre-courant et pas loin de se noyer, pour certains. Vincenzo Nibali a limité la casse, ce dimanche, et il est le moins largué. Pourtant, il pointe déjà à 1’44 du Slovène. Les autres, Simon Yates et Miguel Angel Lopez, ont pris un éclat sur ce chrono où on les imaginait capables de beaucoup mieux. Le Britannique a 3’46 de retard sur Roglic, et c’est encore pire pour le Colombien, relégué à 4’29. Les étapes de montagne ont beau être nombreuses, sur les dix derniers jours de course, les deux grimpeurs se sont mis dans une situation bien délicate.

Saisir chaque opportunité

Chaque bosse, désormais, devra être un prétexte pour attaquer et tenter de réduire cet écart, petit à petit. Vincenzo Nibali peut sans doute espérer frapper fort, une fois, pour renverser la course, comme il l’avait déjà fait en 2016, alors que le maillot rose s’appelait Steven Kruisjwijk, désormais coéquipier de Primoz Roglic – absent de ce Giro. Mais Yates et Lopez, eux, savent qu’ils auront besoin d’un peu plus, un énorme craquage du Slovène, ou un grignotage jour après jour, à coup de bonifications et de dizaines de secondes. Avant le départ de Bologne, nous les présentions comme de potentiels alliés de circonstances. Ils le sont désormais plus que jamais. Le Britannique est sans doute plus offensif, davantage habitué à risquer de tout perdre pour espérer l’emporter, et il devra convaincre le Colombien que c’est la seule stratégie qui vaille, à présent, pour s’engager dans des stratégies communes.

Primoz Roglic, lui, va devoir apprendre à être celui que l’on veut faire craquer. Jusqu’à vendredi, il devrait être à peu près tranquille. Après ça, il aura droit à neuf jours intenables, où trois garçons, au moins, et peut-être quelques autres qui se révéleront d’ici là des ambitions au général, lui mèneront la vie dure. Défendre un maillot de leader n’est ni dans ses habitudes, ni dans celles de son équipe. Le plus simple serait donc, sans doute, d’être le plus fort et d’enfoncer le clou en montagne. Pour montrer que sa domination n’est pas que celle d’un rouleur, et rappeler que l’an dernier, sur le Tour de France, il était régulièrement le seul à accompagner Thomas, Froome et Dumoulin en montagne, pendant que les purs grimpeurs bataillaient plusieurs hectomètres derrière. Ce ne serait pas une surprise, après ce qu’on a vu depuis le départ. Le Slovène est serein et il aurait tort de ne pas l’être. C’est aux autres, désormais, de prouver qu’ils peuvent aller le chercher.

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