Gerald Ciolek, 30 ans, et Linus Gerdemann, 34 ans, ont dit stop. A quelques semaines d’intervalle seulement, ils ont annoncé leur retraite. L’arrêt de leur équipe Stölting leur aura été fatale. Après avoir démarré ensemble, ils ont donc terminé ensemble. Une fin de carrière symbolique pour deux coureurs aux parcours différents mais à la destinée commune.
L’histoire commune des deux hommes débute en 2007 au sein de l’armada T-Mobile. Les deux larrons arrivent avec un statut de futures stars du peloton allemand. Et pour cause. Ciolek vient d’être sacré champion du monde espoir et Linus Gerdemann a terminé sixième et septième des Tours de Catalogne et de Suisse. L’Allemagne pense alors tenir ses futurs Zabel et Ullrich, et la première saison des deux espoirs en World Tour sera prometteuse. Ciolek décroche neuf victoires et termine 3e de Classique d’Hambourg, et Gerdemann de son côté fait encore mieux. Il remporte l’étape du Tour de France au Grand Bornand et endosse le maillot jaune. Les rêves les plus fous sont permis.
Dans la tourmente
Se révéler sur les ruines de l’affaire Ullrich. C’était le défi des deux jeunes allemands lorsqu’ils ont débarqué chez T-Mobile, une équipe qui devrait redorer son blason. Alexandre Vinokourov parti chez Astana avec de nombreux membres de la garde rapprochée d’Ullrich, le nouveau patron Bob Stapleton mise donc sur une nouvelle assise. Place aux jeunes et à un vrai suivi des coureurs, avec des contrôles renforcés en interne. Dès son arrivée, en 2006, il est demandé à Linus Gerdemann d’arrêter de travailler avec le sulfureux Luigi Cecchini, maître d’œuvre de Bjarne Riis en 1996.
« Si je devais me rendre compte que je ne peux pas continuer dans ce sport, sans comme certains avoir recours au dopage, je dirai “c’est bon, j’arrête” », assurera Gerdemann après sa victoire sur le Tour 2007. De belles paroles, qui perdent vite de leur sens car les affaires de dopage continuent d’affluer chez T-Mobile. Hontchar tombe en interne suite à un contrôle sanguin anormal, Bernucci est positif à la Sibutramine pendant le Tour d’Espagne et Sinkewitz voit son nom apparaître pendant le Tour de France, qu’il a quitté sur chute. Lui aussi est licencié. Ce dernier, lors de ses aveux, révélera que des pratiques de dopage sanguins existaient encore au sein de la T-Mobile lors du Tour 2007. C’en est trop pour l’écurie allemande, qui tire le rideau.
La génération oubliée du cyclisme allemand
Cette succession d’affaires plonge le cyclisme germanique dans une période trouble. Après un an chez Columbia où les deux hommes n’ont pas franchi le pallier attendu, ils décident de retourner au pays, chez Milram. Une formation en net déclin, qui compte comme leaders les vieillissants Zabel et Petacchi. A l’automne 2008, la société Nordmilch, qui finance Milram, hésite à stopper son contrat de sponsoring. En cause, le choix des chaînes de télévision allemandes ARD et ZDF, qui ne souhaitent pas diffuser l’édition 2009 du Tour de France.
Surtout qu’en parallèle, Nordmilch doit faire face à l’échec de son équipe continentale, antichambre de Milram censée former de jeunes coureurs en devenir. Seuls deux coureurs, Dominik Nerz et Christian Kux, passeront dans les rangs professionnels. Fin 2010, Ciolek et Gerdemann voient donc à nouveau disparaître équipe allemande. Et ils doivent faire face à des médias qui boudent le cyclisme. Le temps est alors venu pour eux de se séparer. Gerdemann fait le pari de rejoindre Leopard Trek tandis que Ciolek signe chez Quick-Step. Deux choix cruciaux, qui vont mettre fin à leur période de stagnation. Les deux grands espoirs de toujours entament leur inévitable déclin.
Un coup d’éclat et puis s’en va
Ciolek et Gerdemann n’ont donc pas eu la carrière qu’on leur promettait. Et pourtant. Ils resteront dans le gotha du cyclisme mondial grâce à leur seul coup d’éclat respectif. Gerdemann en remportant une étape du Tour et en portant le maillot jaune une journée. Ciolek en levant les bras à la surprise générale dans un Milan-Sanremo dantesque en 2013. Leurs chemins se sont donc recroisés chez Stölting, une équipe de second rang avec laquelle ils auront accroché leurs derniers dossards. Après T-Mobile et Milram, ils ont assisté à l’arrêt de leur troisième équipe allemande. De quoi sonner le glas de leur carrière, alors même que le cyclisme germanique semble redémarrer. Symbolique de deux carrières faites à l’envers.
Excellente idée d’article! Ce serait intéressant d’approfondir le propos et de se concentrer sur toutes sur ces pépites sans lendemain ou, à tout le moins, bien ternes au regard de leurs premiers éclats: Rujano, Popovych, Nozal… Oserais-je écrire Breschel et Kreuziger?