Esteban Chaves sort d’une saison 2016 incroyable, où il a remporté le Tour de Lombardie (une première pour un Colombien) et terminé sur le podium de deux grands tours (2e du Giro et 3e de la Vuelta). Ça valait bien de grands changements pour 2017. Cette année, le coureur d’Orica-Scott va donc participer à son premier Tour de France, à 26 ans. Une épreuve qu’il regardait jusqu’ici de loin, persuadé qu’elle n’était pas faite pour lui. Alors que c’est son plus grand rêve.

Un rêve sur le long cours

En octobre, dernier, “El Chavito” ne paraissait pas pressé, au micro de la radio colombienne RCN : « Il me reste encore de nombreuses années pour faire le Tour de France. Un jour, je trouverai que le parcours correspond à mes qualités et je tenterai ma chance. » Cela semblait alors limpide : le Colombien allait décider avec son équipe de se concentrer sur le Giro (« J’ai une relation assez spéciale avec l’Italie. J’aime vraiment beaucoup le cyclisme italien », précisait-il dans la même interview) et sur la Vuelta. Ni lui ni ses entraîneurs n’ont jamais voulu se précipiter : il faut dire que Chaves est en quelque sorte un miraculé, tant de la vie (« Je suis né tout petit, pâle et laid, racontait-il au journal colombien El Tiempo. J’ai été intubé, placé sous oxygène et mes veines étaient reliées à des tuyaux. J’étais pâle et pratiquement mort. »), que du cyclisme (à cause d’une grave chute en 2013 au Trofeo Laigueglia, qui l’a tenu éloigné du vélo quasiment un an).

Orica l’a pris sous son aile en août 2013, alors que son retour à la compétition semblait quasiment improbable. « Quand ils m’ont appelé, j’ai cru que c’était une blague », raconte-t-il aujourd’hui. Lorsque Chaves a réussi à remonter sur un vélo en 2014, il n’était évidemment pas question de tout de suite le mettre sur le Tour, même si la grande messe de juillet a toujours constitué pour lui un objectif de carrière. « Quand je suis avec d’autres cyclistes qui ont couru le Tour, je leur demande : “Qu’est-ce que tu ressens quand tu arrives sur les Champs-Elysées ?” Ils se taisent tous quelques secondes et disent : “C’est très impressionnant, ça te met la chair de poule !” Alors imagine arriver à Paris avec le maillot jaune ! C’est mon but de remporter un jour le Tour de France. »

Lorsque les premiers gros résultats ont commencé à arriver en 2015, notamment sur la Vuelta, qu’il a conclu à la 5e place, en remportant deux étapes, Chaves aurait pu réclamer de participer à la Grande Boucle. Mais le Colombien ne l’a pas fait, il s’est préparé. Et quand on lui demandait si en faisant ça, il renonçait à son rêve du Tour, il répondait : « J’y arriverai avec le corps plus fort. » L’objectif est clair et établi sur plusieurs années. « Ses résultats en 2015 ont été bons, un peu en dessous de ce qu’on espérait, mais désormais, il se focalise sur deux grandes courses, le Giro et la Vuelta. Je lui ai parlé, nous sommes d’accord, expliquait Matt White, le manager de l’équipe Orica, à Cyclingnews début 2016. Il lui reste encore beaucoup de choses à travailler pour être prêt à devenir leader de l’équipe. » Neil Stephens, son « second père » (selon Chaves lui-même), directeur sportif d’Orica, rajoutait pour El Tiempo en octobre dernier : « Son évolution a toujours été plus rapide que nous l’espérions, et les victoires sont vite arrivées. […] Pour le Tour ? Nous y allons pas à pas. Si tout va bien, cette année 2017 pourrait être la bonne. »

Une nouvelle place dans la hiérarchie mondiale

Avec son année 2016 digne des plus grands, Chaves a changé de dimension. Il fait désormais partie du gratin mondial, tout proche des Nibali, Contador, Quintana ou Froome, qu’il commence à sérieusement chatouiller. Son équipe le sait, mais si elle lui voue une totale confiance, elle possède cependant cette année d’autres atouts pour les grands tours. White a clairement énoncé ce changement de cap en début d’année : désormais, l’équipe visera les classements généraux sur trois semaines, et tout particulièrement celui du Tour de France. Avec Chaves, les frères Yates et Kreuziger, l’équipe a été clairement bâtie autour de cette idée. Et c’est finalement entre le Colombien et Adam Yates, 4e du Tour de l’an dernier, que s’est jouée la bataille du leadership en vue du mois de juillet. Tous les deux ont le même défaut : des faiblesses en contre-la-montre. Mais la nouvelle est tombée il y a quelques jours : c’est Esteban Chaves qui, pour son premier Tour de France, aura la tâche de rapporter un top 10 au général.

Neil Stephens détaille : « Je crois que c’est le moment pour Esteban de participer au Tour. Il est encore trop tôt pour dire qu’il doit le gagner, mais je crois qu’il doit y aller pour connaître la course. » Un Tour de découverte donc, qui sera rempli d’émotion pour le Colombien, « qui réalise un rêve. » Et Orica n’a pas choisi Chaves uniquement parce que le parcours du Tour 2017 est pauvre en contre-la-montre (34 kilomètres), c’est aussi pour lui faire passer un cap. « D’un point de vue physique, je crois que cette année pourrait être très importante pour moi, reconnait le principal intéressé. Il y a un gros travail à faire pour courir deux grands tours à la suite (il doublera avec la Vuelta à la fin de l’été, ndlr). Je crois vraiment que ça va m’aider à progresser comme cycliste. » Chaves ne se voit pas encore lever son bras droit sur la ligne d’arrivée des Champs-Elysées. Mais il espère que ce Tour 2017 est une étape vers son rêve de jaune.

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