Au terme de l’ultime contre-la-montre, Simon Spilak a remporté aujourd’hui son deuxième Tour de Suisse. Une belle prouesse pour le coureur slovène de 30 ans, qui est décidément béni sur les terres de la Confédération pacifique. Pourtant, qui retiendra la date du jour comme un fait marquant de la saison?

Où sont les leaders ?

Tom Dumoulin, Peter Sagan, Philippe Gilbert… Des noms ronflants étaient bien au départ de cette 81e édition du Tour de Suisse. Problème, à l’image des dernières années, les grands leaders capable de briller en juillet manquaient à l’appel. Malgré la présence de plusieurs têtes d’affiches, les coureurs qui visent la Grande Boucle, eux, ne passent plus par la frontière alpestre depuis quelques années déjà, et le constat s’aggrave. Pourtant, l’épreuve offre un beau parcours, avec plusieurs chronos, une course en circuit et des étapes très montagneuses. Mais voilà, le profil ne suffit plus à attirer les ambitieux du mois de juillet. Alberto Contador, Chris Froome, Fabio Aru, Romain Bardet et Richie Porte étaient ainsi sur le Dauphiné, Rafal Majka sur le Tour de Slovénie, tandis que Nairo Quintana a pris l’habitude de se retrouver sur la Route du Sud, même si, fatigué, le Colombien a sauté son tour cette année.

Par conséquent, il n’est pas présomptueux d’avancer qu’aucun des acteurs de cette semaine ne sera en jaune à Paris dans un mois. Tom Dumoulin a vite abandonné et ni Damiano Caruso, ni Simon Spilak, ni même Ion Izaguirre ne sont entrés dans les vingts premiers du Tour dans toute leur carrière. Pire, pourtant frais, ils ont été contraints de partager les rôles de protagonistes avec Pozzovivo et Kruijswijk, cramés par leur Giro. Fatalement, l’attrait de la dernière grande course avant la grande messe annuelle en prend un coup, et ce malgré un scénario à suspense et la présence de la rockstar Peter Sagan. Au pourquoi ce manque de concurrence, la réponse du prestige peut être entendue, mais elle ne résout pas l’énigme à elle seule.

Pas la meilleure des préparations

« Quand on parle de préparation idéale pour le Tour, si il y en a une, tout le monde sait que ça demeure le Dauphiné, nous confie d’entrée Yvon Ledanois, directeur sportif chez BMC. Et il y a aussi la récupération qui entre en jeu. Pour le coureur, elle est meilleure quand il court le Dauphiné, plus court et moins tard dans le calendrier, que le Tour de Suisse. » Le Dauphiné, la course idoine pour peaufiner sa préparation pour la Grand Boucle donc, même si il existe des exceptions. « Quand un coureur est en retard dans sa préparation, qu’il a besoin de rouler en course, le Tour de Suisse est une épreuve adaptée », estime Yvon Ledanois, qui vient de remporter la Route du Sud avec Sylvain Dillier. Miguel Angel Lopez en est l’exemple parfait cette année. Le coureur colombien, encore frappé par la malchance en Suisse, avait préféré y faire son retour pour accumuler les jours de course.

Mais il fut un temps, pas si éloigné, où certains favoris du Tour venaient encore se préparer en Suisse. Les cas des frères Schleck, de Roman Kreuziger ou de Kim Kirchen en sont symptomatiques. Les coureurs qui tentaient les classiques d’avril avaient tendance à couper un peu plus longtemps. Quoique l’exemple ne se vérifie pas forcément, Alejandro Valverde et Cadel Evans, qui jouaient aussi sur les deux tableaux, préférant presque systématiquement le Dauphiné. En dehors de toute logique mathématique, Yvon Ledanois rappelle d’ailleurs que « chaque coureur fait son calendrier et le fait qu’il y ait autant de leaders sur le Dauphiné (cette année, ndlr) n’est pas forcement habituel. » Pas faux, mais la tendance est à la hausse depuis que le choix du Dauphiné se transforme en jaune à Paris au cœur de l’été.

Un effet Chris Froome

Contrairement à Ullrich et Armstrong, à Andy Schleck et Alberto Contador ou même à Froome et Quintana qui s’évitaient en juin pour mieux s’affronter en juillet, les principaux concurrents sont pratiquement tous sur la même ligne cette année. Peut-être parce qu’aucun duel ne se dégage vraiment, peut-être aussi car tout le monde a, semble-t-il, noté que, ces derniers temps, le vainqueur du Dauphiné était souvent celui du Tour un mois et demi plus tard. Dans les faits, depuis 2012, gagner au Dauphiné est gage de réussite pour la suite. En 2011, Cadel Evans avait fini à la deuxième place, juste derrière un Bradley Wiggins victime d’une chute plus tard sur la Grande Boucle. Depuis 2012, le seul contre exemple, celui de Talansky, n’a pas valeur de vérité tant l’Américain avait profité des têtes à têtes entre Froome et Contador pour s’imposer en 2014.

Statistique encore plus limpide et inspirante, Chris Froome a remporté ses trois Tours de France après une victoire sur le Dauphiné. Certes, le Britannique aurait potentiellement pu réaliser la même chose en prenant les terres helvètes comme lieu de perfectionnement mais, sans tomber dans la superstition, les résultats tendent à prouver que bien figurer sur le Tour de Suisse n’est pas la promesse d’un été réussi. Il faut remonter à 2003 pour y voir un vainqueur, Alexandre Vinokourov, grimper sur le podium à Paris ; et 1974 pour se souvenir d’un coureur capable de faire le doublé. C’était alors Eddy Merckx. Un autre temps. Cette année, voir Simon Spilak ou un autre prétendant au Tour de Suisse se transcender sur la Grande Boucle et faire taire la logique des chiffres est très peu probable. Il n’y en aura même surement aucun capable de s’immiscer dans le top 10. Mais il y a peut-être un point rassurant. On a sans doute touché le fond en 2017 et la désertion de la course par les leaders ne pourra plus s’accentuer.

Buy me a coffeeOffrir un café
La Chronique du Vélo s'arrête, mais vous pouvez continuer de donner et participer aux frais pour que le site reste accessible.