Il a beau être un Néerlandais engagé dans une équipe britannique, c’est en couteau suisse indéfectible que Wout Poels a marqué les esprits en 2016. Soliste émérite, il a offert un premier monument à la Sky en avril. Puis, équipier modèle, il a largement contribué au succès de Chris Froome sur le Tour de France avec une semaine alpestre exceptionnelle. De quoi surprendre, un peu, et impressionner, beaucoup.
Wout céleste
Au sein de l’armada Sky, l’étoile Chris Froome empêche beaucoup d’autres de briller. Pas mal de cadors ont ainsi vu leur rendement sacrément diminuer, à l’image de Kwiatkowski, König ou Landa. Mais d’autres n’aspirent pas, justement, à prendre la lumière. Il sont ces figures que l’on ne distingue qu’au dernier moment. Wout Poels en fait partie. Leader sur quelques courses de second rang aux heures creuses de l’année, il doit rester dans la garde rapprochée du patron lors des grosses courses à étapes. En dehors de quelques bons de sortie accordés par un Froomey relativement magnanime comme en Catalogne (victoire à Valls) ou au Dauphiné (quatrième à Superdévoluy), le natif de Venray n’a qu’un rôle : aider précieusement, en restant dans l’ombre.
Seule éclaircie dans le calendrier, les classiques ardennaises, où Froome n’ambitionne rien et où la forme chancelante de Kwiatkowski a facilité une promotion inattendue pour Poels. Au somme du Mur de Huy, le Néerlandais arrache donc une quatrième place sur les talons d’un trio d’ultra-favoris (Valverde, Alaphilippe, Martin). Quatre jours plus tard sur Liège-Bastogne-Liège, ce même trio cale dans la côte de la rue Naniot et c’est Poels qui remporte un sprint d’outsiders à Ans. Dans des conditions climatiques épouvantables, on parle alors d’une victoire surprise. Jamais l’équipe Sky n’avait réussi à dompter un monument en 33 tentatives et aucun batave ne s’était imposé sur la Doyenne depuis Adrie Van der Poel en 1988. Mais surtout, peu de gens s’imaginaient voir ce grimpeur faire preuve d’autant de résistance et de malice dans les derniers kilomètres. Il y avait là tout d’un jour historique pour celui qui quatre ans auparavant était à deux doigts d’arrêter le cyclisme, un rein et un poumon touchés, la rate percée et trois côtes cassées.
Une autre dimension
Mais l’euphorie de l’exploit dura un temps, après lequel Poels dut reprendre sa place. Celle d’un gregario. Sur le Dauphiné, puis sur le Tour, le Néerlandais n’avait de nouveau plus qu’un objectif : faire gagner Chris Froome. De l’aveu même de son leader, Poels avait pourtant les jambes pour aller chercher une place d’honneur au classement général : « Mes équipiers pourraient être des leaders dans les autres équipes, avouait le Britannique à L’Equipe au cours de l’été. Wout Poels a gagné Liège–Bastogne–Liège, je suis très chanceux et reconnaissant d’avoir un coureur comme lui à mes côtés. Je comprends que ce soit démoralisant pour mes adversaires. » Pour sûr, les candidats au podium se sont cassés les dents sur cet Hollandais capable de ramener au train son chef après la moindre attaque. Relativement préservé pendant la première partie de la course, il s’est révélé être un rouage essentiel de la machine Sky lors du passage dans les Alpes où il a chaque jour fini avec les meilleurs.
A Paris, sa 28e place au classement général est presque un leurre tant le grimpeur batave s’est montré à son aise devant son champion. Les trois-quart des 66 minutes de retard sur le maillot jaune ont en réalité été concédées lors des étapes de plat. Alors le Team Sky s’est empressé d’offrir à son coureur une prolongation de trois ans, chose généralement accordée aux cadors du peloton. Preuve de la considération dont bénéficie désormais le garçon. Il semblerait également que le deal implique un rôle de leader sur le Giro ou la Vuelta, en plus d’un nouveau Tour de France à escorter l’indéboulonnable Froome. En attendant de savoir où il prendra les commandes, peut-être dès la saison prochaine, Wout Poels a montré une dernière fois qu’il pouvait être davantage qu’un équipier en allant chercher avec panache l’étape-reine du Tour de Grande-Bretagne. Un nouveau coup de projecteur éphémère. Avant peut-être d’évoluer définitivement dans la lumière.
Tout simplement un des meilleurs équipiers de l’année. Dire qu’en 2011 il a terminé 2e sur l’étape de l’Angliru à la Vuelta juste devant Froome, il peut être très fort quand il est en forme. Il a eu du mal à être un bon leader avec Vacansoleil (sa chute sur le Tour en 2012 y est pour quelque chose), mais depuis 2014 où il a rejoint les grosses équipes en tant qu’équipier, on a pu voir à quel point il pouvait être efficace sur un GT quand il fallait aider Uran ou Froome. L’un des coureurs les plus sous-estimé du peloton selon moi, mais vu ses performances cette année ça devrait changer.
La Sky avait des ambitions avec Sergio Henao pour ces ardennaises mais je crois qu’il avait eu (encore) un problème avec son passeport biologique juste avant la Flèche Wallonne, ce qui a permis de propulser Wout en leader, avec le succès que l’on connait.