Auteur d’une première partie de Tour de France catastrophique en tant que tenant du titre, Vincenzo Nibali, déjà peu en vue durant les six premiers mois de l’année, avait alors provoqué la fureur de son manager général Alexandre Vinokourov, lui retirant son leadership au profit de Jakob Fuglsang. Piqué au vif dans son orgueil, le champion de la Botte avait alors réalisé une belle remontée dans les Alpes, ponctuée d’une victoire d’étape en solitaire. Quatrième à Paris, il vient en Espagne pour remporter sa deuxième Vuelta, et surtout prendre une revanche sur les événements de juillet.

Pourquoi on peut y croire

Sans doute la meilleure équipe au départ. La formation Astana n’a pas traînée après l’arrivée de la Grande Boucle pour annoncer ses têtes d’affiches en vue du Tour d’Espagne. Ayant loupé le podium de peu face à Valverde, Nibali sera bien sûr présent, tout comme Fabio Aru et Mikel Landa. Aux côtés du vainqueur des trois Grands Tours, figureront donc le deuxième ainsi que le troisième du dernier Giro. Une triplette époustouflante qui promet beaucoup sur le papier, par sa capacité à mettre du rythme dans le final des étapes, et son éventail tactique. Les trois seraient leaders absolus dans n’importe quelle autre équipe, et on se souvient qu’en mai, Alberto Contador peinait parfois à contrôler le virevoltant Basque dans les hautes cimes. Sky n’a pas emmené l’intégralité de sa dream team, tandis que du côté de Movistar et Katusha, on manque sans doute un peu de fraîcheur, ce qui n’est pas le cas des maillots bleu ciel, imbattables au Tour de Burgos.

Un contre-la-montre conséquent pour semer les poids plumes. Excellent grimpeur qu’il soit, Nibali reste peut-être un cran en dessous de Nairo Quintana sur une ascension sèche de haute montagne. Cependant, le “Requin de Messine” pourra mordre sur les 37 kilomètres de chrono individuel autour de Burgos, sur la dix-septième étape. Derrière Froome et Van Garderen, il possède les meilleures qualités de rouleurs des favoris annoncés. Quintana, Rodriguez, Pozzovivo, ainsi que ses coéquipiers Aru et Landa devraient perdre sans doute plusieurs minutes sur un tracé plat. En 2010, Nibali avait conquis en grande partie la Vuelta en repoussant “Purito” à six minutes sur l’étape chronométrée de Penafiel. Un avantage non négligeable qui pourrait compenser quelques faiblesses sur les raidards de première moitié de course.

De nouveau un Tour d’Espagne plus équilibré. Outre le retour de l’exercice solitaire tout plat, la soixante-dixième Vuelta opère un retour vers une formule plus classique, et sans doute moins extravagante. Avec neuf arrivées au sommet, deux finishs en descente, des étapes pour baroudeurs et plus d’enchaînements de cols qu’auparavant, l’éprouvante édition 2012 semble bien loin. Une aubaine pour Nibali qui affectionne cette épreuve. Vainqueur en 2010, il avait loupé le doublé Giro-Vuelta en tombant sur un Chris Horner frais comme un gardon à l’entame de la troisième semaine, symbolisée par la montée de l’Angliru. Coureur offensif au comportement radicalement différent de celui des puncheurs espagnols attendant la flamme rouge, il devrait trouver un terrain à sa convenance pour exprimer son talent, et montrer qu’il n’a rien perdu de sa superbe. Un vrai défi.

Pourquoi on ne peut pas y croire

Gare au faux départ. Plus que toutes les autres épreuves de trois semaines, la Vuelta est celle qui présente régulièrement le plus de difficultés au fil des premières journées. Pas encore au top au départ d’Utrecht, Nibali avait souffert face à des coureurs comme Froome, déterminés dès le Mur de Huy. Pour le Sicilien, il ne faudra donc pas prendre de cassures au sommet du Caminito del Rey, au terme de la deuxième étape, ou sur les arrivées pour puncheurs qui suivront. Il n’y aura pas de round d’observation, et l’ancien coureur de Liquigas devra se faire violence pour ne pas céder des secondes trop importantes sur des prétendants comme Valverde ou Rodriguez, habitués aux départs canons.

Une armada aux avantages et inconvénients. Être épaulé par Fabio Aru, Mikel Landa, Luis Leon Sanchez, Dario Cataldo et Paolo Tiralongo, cela peut indéniablement rassurer, mais ce qui est certain, c’est que si Nibali montre des signes de faiblesse trop inquiétants au sommet de la première grande arrivée en altitude, le staff d’Astana n’aura pas à chercher très longtemps pour trouver des alternatives. Si la cohésion existe derrière Nibali, elle pourrait bien vite baisser en cas de contre-performances. Et si Fabio Aru et Mikel Landa ont les mêmes jambes que dans les pentes du Finestre, pas sûr que le charismatique leader désigné puisse les suivre à la pédale. Pour décrocher son quatrième Grand Tour, Vincenzo Nibali devra réussir à accorder ses violons, comme un vrai chef d’orchestre.

La chaleur torride et la fatigue comme facteurs décisifs. Le Tour d’Espagne 2015 promet d’être intéressant et captivant à plus d’un titre. Adoptant une approche plus cadrée, et fort d’une startlist alléchante, on pourrait en attendre un véritable feu d’artifice. Mais les efforts des coureurs risquent d’être sans doute plus mesurés. La chaleur, écrasante fin août dans le sud de la péninsule Ibérique, pourrait bien jouer des tours au peloton, et épuiser les organismes avant que la route s’élève pour de bon. Sur le Tour, Nibali avait invoqué des températures extrêmes pour justifier ses mésaventures dans les Pyrénées. Plutôt friand de la neige que d’un mercure trop bouillant, il part sans doute plus désavantagé face aux vieux briscards locaux et aux purs grimpeurs, à l’image du Colombien Quintana. Enfin, pour gagner la Vuelta, mieux vaut non plus ne pas avoir trop de jours de courses dans les jambes. À ce jeu là, Van Garderen, mais encore une fois ses partenaires Aru et Landa se dégagent du lot.

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