En remportant à la surprise générale le Tour d’Oman, le grimpeur espagnol Rafael Valls a réveillé la mémoire de certains observateurs, se remémorant les prouesses isolées de ses années passées au sein de la Footon-Servetto. Une carrière pour le moment toujours marquée par un trou noir assez surprenant entre 2011 et début 2015, où le garçon se perd chez Vacansoleil, avant semble t-il d’endosser le costume d’équipier au sein de la Lampre-Merida. Mais voilà, à 27 ans, Valls est revenu sur le devant de la scène, et cette fois avec une certaine régularité. Pour quelles perspectives ?

Un déclic tardif ?

Alors qu’il n’avait que 23 ans, le jeune Rafael Valls faisait figure d’élément le plus brillant de l’inexpérimentée équipe Footon sur les routes du Tour de France 2010. Échappé à de nombreuses reprises, deuxième derrière Chavanel aux Rousses, sa première saison au niveau World Tour reste paradoxalement, à l’heure actuelle, la plus brillante de sa carrière. Vainqueur d’étape sur le Tour de San Luis et vingt-deuxième du Tour de Suisse, Valls avait donc bien commencé. Mais sa deuxième chez les pros mettra très longtemps à arriver, intervenant seulement il y a un peu plus d’un mois, lors de l’étape reine du relevé Tour d’Oman, au sommet de la Green Mountain. Entre la jeune révélation de l’équipe espagnole et le Valls conquérant en haut du désert, un peu moins de cinq années se sont écoulées, sans qu’on sache vraiment ce qui a changé, tellement le natif de Cocentaina parle très peu dans les médias. À vrai dire, même lui s’est retrouvé surpris au moment de réaliser qu’il avait bel et bien levé les bras au lieu-dit de Jabal al Akhdar, devant Tejay Van Garderen, Rafal Majka, Alejandro Valverde et consorts. Personne n’avait parié le moindre centime sur cet escaladeur devenu anonyme au fil du temps, et promis au peu reluisant statut d’équipier modèle, voire de baroudeur de temps à autres.

« Je savais que j’étais en forme mais j’avais toujours connu des problèmes face à des gars de ce calibre. Donc c’est vraiment moi le premier surpris. Je me suis bien préparé cet hiver, j’ai pris davantage de temps pour réaliser ce qui était bon pour moi. J’ai passé quatre dernières mauvaises années, avec beaucoup de blessures et de chutes, donc cette victoire me redonne confiance », déclarait-il au journal L’Équipe. Des chutes et des blessures à répétition l’auraient-elles empêché de continuer son cycle normal, stoppant une progression pourtant source de promesses à ses débuts ? Victime d’une mononucléose, d’un pneumothorax et d’une fracture de l’humérus pour ne citer sur ses principaux pépins, Valls a connu une addition très salée, sans être abandonné par la malchance. Un potentiel inexploité, et surtout une confiance quelque peu ébranlée, bien que la venue passagère de Joxean Fernandez Matxin dans les rangs de l’équipe italienne ait pu remettre en jambes un coureur affaibli. En 2013, il termine huitième de la Semaine Coppi et Bartali, quatorzième du Tour de Suisse, et n’est pas déméritant sur la première moitié du Tour, avant d’abandonner sur la route de Risoul. En 2015 cette fois, il a su saisir le bon wagon d’entrée de jeu, et une aussi belle victoire en Oman représente un ouf de soulagement pour un Rafael Valls anormalement éteint depuis trop longtemps.

Surfer sur une belle dynamique

Aligné aux côtés de l’ancien champion du monde Rui Costa et de l’expérimenté Przemyslaw Niemiec sur les courses par étapes du début de saison, Valls leur a littéralement volé la vedette ! Sur la Course au Soleil, pourtant plus propice à une grosse performance du Portugais avec la présence de deux chronos, l’Espagnol a fait mieux que s’en sortir, et signé un précieux top 10 au général. Surtout, son gros travail réalisé dans l’ascension du Col de la Croix de Chaubouret s’est avéré salvateur pour son coéquipier de la péninsule, pas au mieux ce jour-là mais qui a pu limiter la casse. Les deux hommes ont même terminé dans le même temps, avant que dans la dantesque étape niçoise, Valls se sacrifie une deuxième fois pour Costa. Huitième au final, il abordait le Tour de Catalogne sur la même lancée, et a confirmé ses belles dispositions au sommet de la Molina. Dixième de l’étape la plus difficile à 21 secondes de celui qu’il avait devancé en février, Valls termine tout de même devant des gros poissons comme Aru, Uran, Barguil et Talansky. De nouveau huitième du général final à Barcelone, l’équipe il a ainsi prouvé à son équipe qu’elle peut sérieusement compter sur son talent, qui emmagasine petit à petit une grande confiance.

Pourtant peu rapide au sprint, Valls s’est mêlé à la bataille pour la victoire d’étape le dernier jour face à Alejandro Valverde et Dan Martin, signe d’un moral au beau fixe. Les prochaines échéances sont un peu plus lointaines, avec le triptyque ardennais, où il partira sur le papier au service de Costa. Mais sur ces classiques toujours imprévisibles, il n’est pas à exclure que l’Ibère ait son mot à dire, même si la distance risque de l’éloigner des premiers rôles. Quand beaucoup de coureurs signent des performances inespérées durant les deux premiers mois, on attend généralement la confirmation au plus tôt, et celle-ci est arrivée pour Valls. Mais on aurait tort de s’arrêter en si bon chemin. Un premier palier a été franchi : le grimpeur a retrouvé d’excellentes sensations, qui plus est sur la durée. Mais si Rafael Valls souhaite s’affranchir durablement de ses leaders, il va lui falloir trouver la clé pour repousser encore un petit peu ses limites sur les plus grandes épreuves, auxquelles il s’est toutefois assuré de participer. S’il serait trop rapide d’annoncer Valls comme un véritable élément perturbateur, on ne peut plus parler de feu de paille comme le prédisaient certains voix. L’Espagnol cherche à rattraper le temps perdu, et il lui reste encore un bout de chemin pour se hisser parmi les meilleurs. Mais désormais, tout semble possible.

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