C’est la grande surprise de cette première partie de Tour. Celui qui a misé sur Uran il y a deux semaines pourrait devenir riche dimanche prochain. Le leader de Cannondale est comme à ses plus belles heures sur le Giro, prêt à lutter avec les meilleurs.

Le quatrième homme

« Non, ce n’est pas une surprise ! s’exclame Diétrich Plumerat, membre du staff Cannondale. C’est Rigoberto Uran tout de même, il était chez Sky et a fait de grosses équipes. » Il est vrai que la fiche du Colombien parle pour lui. À 30 ans, le natif d’Urrao est également passé par Etixx-Quick Step et la Caisse d’Epargne. On parle d’un vice-champion olympique en 2012, d’un double dauphin du Giro et du champion national de contre-la-montre 2015. Un homme qui devrait assumer un statut de favori. Et pourtant, dans le quatuor qui semble pouvoir se disputer le maillot jaune, le Colombien est l’intrus. Aujourd’hui encore, peu sont ceux qui croient en ses chances, alors qu’il a remporté la difficile étape du Jura et a terminé deuxième à Peyragudes. Hier, il a même tenté de s’échapper dans la longue descente vers Foix.

Mais dans l’esprit du grand public français, le Colombien reste un inconnu, loin d’avoir la côte de popularité de son compatriote Nairo Quintana. Fabio Aru et Romain Bardet seraient les seuls vrais concurrents de Chris Froome, bien qu’ils n’assument pas toujours ce rôle. Au contraire, Uran le revendique. « Prendre la seconde place sur cette montée est très important, expliquait-il à Peyragudes, parce que ça me rapproche un peu plus du maillot jaune. L’idée, c’est de terminer sur le podium, mais c’est le plus fort qui gagnera. » Vous l’aurez compris, Uran ne ferme aucune porte. D’ailleurs, personne ne sait trop où sont ses limites. Son coéquipier Pierre Rolland nous le confiait mardi dernier à Pau : « Je ne sais pas jusqu’où peut aller Rigo, j’espère le plus haut possible. »

Comme sur des roulettes

Uran peut-il alors remporter le Tour ? La question mérite d’être posée. « La priorité numéro une c’est Rigoberto, assure en tout cas Pierre Rolland. Il peut jouer le podium du Tour, parce qu’il est très rapide au chrono et actuellement très bien placé. » Son manque d’expérience de la lutte pour le général sur la Grande Boucle pourrait toutefois lui jouer des tours. En trois participations, le Colombien n’a jamais fait mieux que 24e. Mais à chaque fois, il avait doublé le Tour avec le Giro. « Cette saison, il a tout basé sur le Tour en tant que leader », nous explique Plumerat. Et ce choix semble payant, tant tout semble lui sourire sur ce Tour. Uran n’est pas tombé depuis le départ. A Chambéry, malgré un vélo bloqué sur le 53×11, il a remporté l’étape au sprint, à la photo-finish face à Warren Barguil – qui l’avait battu de la même manière sur la Vuelta 2013.

Pour autant, il n’est pas question chez Cannondale de tout miser sur le même cheval. « Il y aura sûrement des étapes pour moi, sur lesquelles je pourrais m’illustrer », nous révèle Pierre Rolland. En réalité, la stratégie n’a pas vraiment changé depuis le départ de Düsseldorf, où le Français avait déjà carte blanche. Ne pas céder aux sirènes du maillot jaune pour ne pas mettre de pression sur son leader ? Pour Jonathan Vaughters, il s’agit en tout cas d’une première chance de victoire sur un grand tour depuis le Giro 2012, remporté par le Canadien Ryder Hesjedal alors sous les couleurs de la Garmin. Mais l’équipe n’a pas été prévue pour se consacrer à un potentiel maillot jaune. Cette situation peut-elle créer des problèmes au sein de l’équipe ? « Moi, ça me va, nous répond Pierre Rolland, du moment que mon équipe va bien et fonctionne, c’est le principal. Un coup c’est l’un, un coup c’est l’autre. C’est important de bien se répartir les rôles tout au long de la saison. »

Le peuple colombien, atout de taille

Le vent semble ainsi souffler dans les voiles du navire Uran, avec tout un peuple est là pour le soutenir. Chaque matin, les supporters colombiens viennent encourager les champions de leur pays. Si Nairo Quintana, Jarlinson Pantano ou Sergio Henao sont évidemment acclamés par une foule toute vêtue de jaune, rouge et bleu, Rigoberto Uran n’est pas oublié. « Les femmes sont à fond sur Quintana au pays, sourit Miguel, un jeune musicien colombien venu offrir son album au champion d’Urrao. Mais les performances d’Uran sur le Tour le placent aujourd’hui parmi les personnalités qui comptent. » Ainsi, en Colombie, pas de favoritisme. C’est du moins ce que nous assure Eduardo, autre supporter, vêtu d’un tee-shirt à la gloire de Nairo Quintana. « Nous soutenons tous les cyclistes colombiens, comme Esteban Chaves, “Carlito” Betancur ou Darwin Atapuma. Rigo est un excellent sportif qui a beaucoup travaillé et lutté pour arriver en Europe. Son ascension a été longue. En Italie, sa famille d’adoption l’a poussé chaque jour à persévérer. Uran est un pionnier de toute notre génération dorée. »

Ce soutien démesuré des fans ne passe pas inaperçu dans le paddock. Il leur suffit de reconnaître un coureur pour se précipiter sur lui. « Tous ces supporters, c’est fou, sourit Pierre Rolland. Ils ne sont pas les plus nombreux mais ce sont eux qui font le plus de bruit. C’est beau de voir tout un peuple derrière un sportif. » Porté par ses compatriotes, Uran a franchi les Pyrénées dans une position de confortable quatrième au général, à trente-cinq secondes du maillot jaune. Sans pression, il a déjà réussi son Tour. Si près d’un podium qui le ferait entrer définitivement dans le cœur des Colombiens.

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