Ce Tour d’Italie se devait de réussir son coup avec le départ organisé en Irlande, et plus précisément de Belfast. Ce fut le cas. Si les écarts ne pouvaient pas être gigantesques après seulement 21,7 kilomètres autour des chantiers navals, la course rose a d’ores et déjà livré quelques péripéties déjà déterminantes. A l’heure où Orica-GreenEdge sabre le champagne, la Garmin, décimée, pleure Dan Martin, le héros national contraint à l’abandon. Preuve que les fortunes sont diverses à l’entame de cette bataille irlandaise.

Le jour de gloire de Svein Tuft

A la vue du profil du jour, extrêmement linéaire et dénué de difficultés, on pouvait s’attendre à une bataille de spécialistes, idéale pour le spectacle et la promotion de ce départ irlandais. Et au terme de ce show en prime time, les Australiens d’Orica n’ont pas failli dans leur mission, à savoir rapporter le premier maillot rose de la cuvée 2014 à la maison. Donnée favorite par la plupart des bookmakers et des observateurs, les Kangourous ont converti l’essai, et porté leur équipier modèle Svein Tuft en haut de la hiérarchie du Giro. Le spécialiste canadien de l’effort solitaire a une nouvelle fois donné le la à ses coéquipiers, tous excellents dans l’art du contre-la-montre par équipes, à l’instar de Durbridge, Hepburn, Meyer, Docker ou encore Lancaster. Survolant l’épreuve à chaque intermédiaire, les protégés de Matthew White ont aussi bénéficié d’un départ en seconde position dans l’ordre établi, impliquant des conditions météorologiques favorables qui se sont fortement dégradées pour quelques autres formations. Mais de la même manière que lors du chrono de Nice sur le dernier Tour de France, c’est avant tout une victoire basée sur le collectif et l’esprit d’équipe qui ravira les joyeux lurons du peloton. Les déceptions des derniers championnats du monde de la discipline sont donc une nouvelle fois compensés par un succès de prestige, qui donne déjà satisfaction au staff après 24 minutes et 49 secondes d’effort.

Passé le premier sur la ligne, les joies du podium protocolaire sont donc pour Svein Tuft, exemplaire par sa régularité au plus haut niveau, malgré une évolution toujours dans l’ombre des grands mastodontes que sont les Martin, Cancellara et Wiggins. Septuple champion du Canada face à la montre, le natif de Langley ne déçoit que très rarement. Vainqueur d’une étape du Tour du Danemark, d’un prologue de l’Eneco Tour, mais aussi d’un contre-la-montre au Tour de San Luis, c’est l’avènement final du médaillé de bronze aux Mondiaux de Varèse en 2008. Un dur au mal, qui ne jure que par son métier de cycliste, prêt à se sacrifier pour ses coéquipiers, comme en témoigne sa distinction de lanterne rouge du Tour de France 2013. Bénéficiant de l’alternance voulue au sein de l’équipe Orica afin de désigner celui qui franchira en premier la ligne, il est possible que la formation en question garde plusieurs jours d’affilée la précieuse tunique, puisque son sprinteur désigné Michael Matthews pourrait tirer les marrons du feu lors des premières étapes du week-end, tout comme le champion d’Italie Santaromita lors du retour sur le continent. Même si pour l’instant rien n’est fait et qu’il faut pour la formation aussie se contenter, en plus du rose, du maillot blanc de Durbridge.

Le chat noir de Dan Martin, Purito perd gros, Uran en pole

En dehors de la victoire d’Orica, c’est surtout les premiers écarts qui peuvent ce soir êtres scrutés de près. Et, une chose est sûre, il y a de la casse ! Pourtant très à son aise dans le domaine, le collectif Garmin n’était vraiment pas dans son assiette, et cinq des neuf coureurs de Jonathan Vaughters ont goûté au bitume lors d’un virage à 90° rendu piégeux par l’humidité. Dan Martin est tombé une nouvelle fois après le cataclysme de Liège-Bastogne-Liège, et y laisse cette fois-ci sa clavicule, à domicile. Le jour d’un grand départ qui devait signifier pour lui une grande fête, il ne pouvait rien y avoir de pire… Celui qui visait le classement général a pris la direction de l’hôpital, et on ne peut pas dire que le sort de son coéquipier et ancien vainqueur du Giro Ryder Hesjedal soit enviable. L’autre Canadien a lui aussi chuté, et laissé des plumes en route. Dernière à plus de trois minutes, la formation américaine ne laisse pas beaucoup d’espoirs à son leader pour le général. Mais il n’y a pas que chez Garmin qu’on a de quoi faire la tête, car la situation de Joaquim Rodriguez est tout aussi inconfortable. Les hommes de Katusha se sont tout bonnement loupés pour leur entrée en scène, et Purito accuse déjà 1 minute 33 secondes de retard sur Sven Tuft, mais surtout 38” sur Nairo Quintana, dont l’équipe Movistar a pris la huitième position.

Au rayon des favoris, c’est le dauphin de l’année passée Rigoberto Uran qui part avec une infime longueur d’avance sur ses concurrents, puisqu’à la faveur d’un finish époustouflant, la troupe OPQS a échoué pour seulement cinq secondes derrière leurs rivaux australiens. Cadel Evans, vainqueur du Tour du Trentin, n’est que deux secondes plus loin grâce à un très bon chrono des BMC. Suivent alors le duo Majka/Roche 18 secondes derrière le Colombien, Scarponi à 33”, Basso à 48”, Quintana à 55”, Pozzovivo à 53”, les Lampre à 1’15, Rodriguez à 1’28” et enfin Monfort à 1’29” d’Omega Pharma, qui a vraiment fait la grosse opération du jour. Côté français, Europcar n’a pu faire mieux qu’éviter le bonnet d’âne suite aux malheurs des Garmin, et la FDJ.fr n’a terminé qu’au seizième rang. Clairement, rien d’insurmontable, mais déjà des tendances qui devront être effacées au plus vite du côté de certains, déjà dans des postures désagréables les obligeant à prendre leurs responsabilités très rapidement pour ne pas passer trois semaines à rattraper le temps perdu ce vendredi soir.

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