Propulsé sous le feux des projecteurs après son excellent Tour d’Espagne, Tom Dumoulin arrive au départ de Paris-Nice avec un nouveau statut à défendre. S’il a peu couru depuis le début de saison – la chute collective des Giant et le contexte pesant ayant joué -, la prochaine semaine devrait nous donner plus d’indications concernant son comportement face aux meilleurs lorsque la pression est sur ses épaules. Prendre du retard ne lui est pas permis.

Un miraculé au vu des événements

Quand le 23 janvier dernier, une partie de l’équipe Giant-Alpecin s’entraîne près de Calpe en Espagne, Tom Dumoulin ne savait pas encore qu’il venait d’échapper à un effroyable accident impliquant une voiture anglaise à contre-sens et six de ses coéquipiers. Passé sur les lieux du drame dix minutes avant tout le monde, aucune blessure n’est à signaler de son côté. Chad Haga, John Degenkolb, Warren Barguil, Max Walscheid, Ramon Sinkeldam et Fredrik Ludvigsson ne peuvent pas en dire autant. Les deux premiers cités sont les plus durement touchés, et l’on craint même une indisponibilité totale pendant la période des classiques pour l’Allemand. Pas de quoi se réjouir, donc, du côté de l’équipe germanique, qui avait pourtant annoncé la couleur début janvier. Si elle a bien voulu se séparer de Marcel Kittel, l’homme qui a porté cette structure au rang des meilleures équipes du World Tour, ce n’est pas sans contrepartie dans d’autres domaines, en particulier celui des courses par étapes. Début janvier, le manager Iwan Spekenberink était conscient de posséder en Tom Dumoulin l’un des nouveaux phénomènes du peloton. « Désormais, on a de nouvelles occasions dans les grands tours et les classiques, cela fait partie de l’évolution de l’équipe. » Dumoulin, lui, a d’ores et déjà annoncé vouloir cibler le Tour d’Italie ainsi que le chrono des Jeux Olympiques à Rio, en août.

Dans ce sens, son programme de courses ira de pair avec les grandes courses sur lesquelles son équipe joue gros. Ca commence par la Course au Soleil, qui s’élance dimanche des Yvelines. Quinzième du général à une minute seulement de Michal Kwiatkowski au soir de la cinquième étape en 2015, le Batave avait dû abandonner au cours de l’ultime étape vers Nice. Mais avec l’expérience emmagasinée, Dumoulin devrait pouvoir postuler à une place parmi les dix premiers du général final, voire pour un petit peu mieux. Quatrième pour sa rentrée en Oman, c’est au même rang que s’est classé le Hollandais en haut de la Green Mountain, derrière Nibali, Bardet, Fuglsang, mais devant Costa, Pozzovivo, ou encore Porte, peu en vue jusqu’ici. Évoluant dans son style personnel, Dumoulin a gravi les 7 kilomètres de montée à 11,3 % de pente moyenne au train, sans tomber dans les piège de vouloir suivre les accélérations brutales des purs grimpeurs. Une force qu’il a su développer sur la dernière Vuelta en résistant jusqu’à l’avant-dernière journée aux assauts d’Aru et Rodriguez. La Madonne d’Utelle, 5 % de moyenne sur 12 kilomètres, semble alors loin d’être insurmontable.

Des visées différentes, à court et long terme

Bien aidé par un prologue pour costauds d’entrée de jeu, celui qui s’est classé troisième du Tour de Suisse sera mandaté pour offrir aux siens le premier bouquet d’une saison 2016 bien mal commencée. Dépourvue de son atout numéro un pour les sprints et les courses d’un jour, Giant a dû s’en remettre à Soren Kragh à Andersen ainsi qu’au Belge Zico Waeytens pour décrocher quelques accessits en février. Il n’empêche que pour son quatrième jour de course, Dumoulin était déjà dans le tempo, et c’est ce qu’il a voulu retenir. Plein de confiance pour la suite des hostilités, il se rendra sur Milan-Sanremo et  le Tour de Catalogne avant une dernière ligne droite comportant l’Amstel Gold Race et le Tour de Romandie. Après quoi il s’envolera pour Apeldoorn, temple des pistards du royaume orange, où sera donné le grand départ du 99ème Giro. Un coup d’envoi à domicile qui pourrait transcender Dumoulin afin de décrocher le maillot rose, un an après avoir échoué aux portes du maillot jaune dans les rues d’Utrecht. Les observateurs l’attendront certainement au tournant en mai, sur un parcours plus qu’équilibré, limitant en conséquence les arrivées au sommet parfois très raides dans le massif des Dolomites.

Mais alors, doit-on s’attendre à voir Tom Dumoulin jouer les poils à gratter au classement général ? « Nous verrons bien ça se décantera après neuf jours, et à quel endroit j’y figurerai. Je ne pars pas au Giro dans l’idée de faire un gros résultat à l’arrivée, mais si je suis bien placé après une semaine, pourquoi pas ? Il y a des similitudes avec l’approche de la dernière Vuelta », détaille-t-il sur son blog dans un post qui illustre son hésitation entre se diriger entièrement vers un profil de spécialistes de grands tours ou consolider ses qualités de rouleur pour être médaillé d’or au Brésil. Le lot des coureurs polyvalents… Mais derrière le favori Nibali et le challenger Valverde, la course rose est ouverte. Et avec les trois chronos très variés qui jalonneront le tracé, le leader de Giant a de quoi rêver. En attendant, sur Paris-Nice, les possibilités de succès semblent aussi importantes que celles de déconvenues. Il n’en reste pas moins que la semaine prochaine va offrir à Dumoulin l’opportunité de tester son répondant face à une grosse adversité. Et par conséquent, d’y voir un peu plus clair sur la trajectoire à suivre.

 

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