Le revoilà ! 434 jours sans courir, soit 62 semaines hors compétition plus tard, Taylor Phinney avait déjà réalisé un come-back remarqué sur les routes du Tour de l’Utah. Porté par un public acquis à sa cause sur sa terre natale, le coureur de BMC n’aura eu besoin que de huit jours de course en 2015 pour renouer avec la victoire, à sa manière, sur le Tour du Colorado. Des temps de passages inespérés, pour finir l’année en trombe.

Parfaitement réintégré à un collectif bien huilé

Après une si longue absence, se refaire une place dans son équipe n’avait rien de très aisé. Ayant évolué, fait confiance à d’autres hommes, l’équipe BMC réalise surtout sa meilleure saison depuis sa création en terme de victoires. Trente-et-un succès, dont seize obtenus depuis le début du Tour de France, ce n’est ni plus ni moins qu’un total supérieur aux trente victoires de l’année passée, alors qu’il reste encore deux gros mois de course. Menée sur une spirale positive par des hommes en forme comme Rohan Dennis, Greg van Avermaet, Philippe Gilbert, Brent Bookwalter et Silvan Dillier, la formation américaine est tout simplement irrésistible cet été. Pour Taylor Phinney, un tel contexte pouvait aussi bien faciliter que compliquer la tâche quant à son nouveau départ. En choisissant les courses par étapes du mois d’août aux États-Unis, le natif de Boulder avait décidé de choisir un programme plus décontracté, profitant de l’atmosphère du pays, sûr des libertés qu’il pouvait avoir. Ainsi, dès la première étape en Utah, Phinney a décidé de se montrer, en accompagnant les attaquants du dernier tour de circuit. Encore un peu juste, il fut battu par Reijnen et Howes au sprint, mais monta tout de même déjà sur le podium protocolaire.

De quoi prouver que sa chute terrible survenue sur ses championnats nationaux, en mai 2014, est bien derrière lui, et que son tempérament n’en fut pas moins altéré. Salué pour son goût prononcé envers l’offensive, Phinney a remis ça sur l’étape inaugurale de l’USA Pro Challenge, rejoignant au forceps l’échappée matinale, avant de fausser compagnie aux derniers rescapés sous la flamme rouge. Mille mètres à fond plus loin, le garçon âgé de 25 ans pouvait lever les bras et savourer une victoire qui restera longtemps dans ses mémoires, après avoir connu plus d’un an de galère. “Je savais que je n’avais pas le jump pour battre les meilleurs sprinteurs du peloton, j’ai donc pensé que je pouvais la jouer diesel en faisant l’effort de loin puis en accélérant progressivement. […] J’ai baissé la tête et j’ai tout donné sur huit ou neuf secondes. J’ai eu quinze mois pour penser à lever les bras au ciel. C’est tout ce que j’espérais.” , réagissait-il par la suite. Le prix de la rédemption pour l’un des grands talents de la fameuse génération 90′, vainqueur d’un Paris-Roubaix espoirs, et surtout reconnu pour ses immenses qualités de rouleur. Doté d’une sacré résistance, Phinney avait entre autre réalisé un formidable numéro sur un Tour de Pologne, attaquant en solo à huit kilomètres de l’arrivée, et résistant à une meute de sprinteurs dans un style de poursuiteur, à plus de 50 à l’heure. Souvent en forme à cette période de l’année, il n’était donc pas question de perdre du temps en route.

Les objectifs ne manquent pas

Bien qu’il s’estime encore un peu «nerveux» à l’approche des finals d’étapes, l’ancien maillot rose du Giro 2012 vient de réussir une rentrée des plus convaincantes, et peut se projeter désormais sur les prochaines échéances. Son staff s’attendait-il même à le revoir aussi en jambes pour sa reprise ? En tout cas, BMC doit se frotter les mains de pouvoir compter sur un renfort de poids pour la fin de la période estivale, là où les classicmans auront de belles prétentions. Plouay, mais également les courses d’un jour canadiennes pourraient figurer à son programme, avec en ligne de mire des Mondiaux à domicile, fin septembre. D’abord pour le compte du collectif, avec un titre de champion du monde du contre-la-montre par équipes à défendre, puis en individuel, avec l’exercice solitaire le plus important d’une saison. Dauphin de Tony Martin à Valkenburg, cinquième à Florence, il pourrait être un client si la condition s’améliore encore, avant de revenir au top pour de bon début 2016.

Bien que spécialiste du prologue, Phinney rêve du record de l’heure, et ne s’en cachait pas l’hiver dernier, alors qu’il n’avait pas encore totalement récupéré sur son genou gauche. Au magazine ProCycling, il avait confié vouloir s’y atteler avant que les grosses pointures s’y mettent, mais son retour fut à plusieurs fois ajourné, et du coup, la marque mondiale fut elle aussi repoussée. Qui peut aujourd’hui détrôner Bradley Wiggins, actuel détenteur avec 54,526 kilomètres parcourus ? Si on attend toujours les essais de Fabian Cancellara et Tony Martin, Taylor Phinney sait que cela s’annonce ardu, et serait toujours hésitant entre un objectif nécessitant une préparation spécifique sur plusieurs mois, ou une remontée progressive sur le devant de la scène. Alex Dowsett, un temps détenteur de la meilleure marque mondiale, avait sacrifié les quatre premiers mois de l’année pour le vélodrome et des essais en soufflerie. Bien que double médaillé d’or aux Mondiaux sur piste de poursuite, est-il prêt à s’éloigner encore un petit peu du monde de la route et des classiques de printemps, ou une place lui est réservée en tant que capitaine de route ? Ce qui est certain, c’est que celui qu’on ne voyait presque jamais remonter sur un vélo a largement rassuré ses fans et les observateurs, et possède tous les atouts pour récupérer sa place parmi les meilleurs. C’est tout ce qu’on lui souhaite.

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