Il fut un temps où le sprint italien régnait en maître dans le peloton. Une période où des champions du nom de Mario Cipollini ou Alessandro Petacchi étaient intouchables dans la dernière ligne droite. Epoque révolue aujourd’hui tant les sprinteurs transalpins sont habitués à regarder la roue arrière de leurs adversaires dans les derniers hectomètres.
Un trou générationnel
Les sprinteurs italiens se nomment aujourd’hui Elia Viviani, Giacomo Nizzolo, Sacha Modolo ou encore Sonny Colbrelli. Pas tout à fait des peintres. Les deux premiers cités sont même souvent placés et gagnent parfois sur des courses de seconde zone. Mais pour Gianni Savio, manager de l’équipe Androni, ils n’arrivent pas à la cheville des meilleurs. “Aucun Italien ne fait partie du gratin mondial. Il y a Cavendish, les Allemands Greipel et Kittel ou encore les Français qui ont trois bons sprinteurs avec Démare, Bouhanni et Coquard. Il y a même la Colombie, pourtant nation de grimpeurs, qui entre dans la danse avec Gaviria.” Et quand l’un devient champion olympique sur piste, l’autre se perd dans les sprints et cherche toujours sa première victoire sur le Tour d’Italie. Il n’y a qu’à regarder la façon dont il a négocié – très mal – le final de la troisième étape dimanche dernier. Le champion d’Italie a encore du chemin à parcourir. “Nizzolo est aussi très bon même si sa condition n’est pas optimale sur ce Giro”, note malgré tout Savio.
Mais le constat reste sans appel : le sprint italien vit une période creuse. “Aujourd’hui on a des bons sprinteurs, mais il y a un tel écart avec Cipollini et Petacchi”, concède le manager transalpin. Il est vrai que pour arriver à concurrencer les deux ténors des années 1990 et 2000 et leurs 105 victoires à eux deux sur les Grands Tours, il y a du boulot. Gianni Savio ne croit pas à de grands succès avec les sprinteurs italiens d’aujourd’hui. “Viviani et Nizzolo peuvent progresser mais ils auront du mal à atteindre le haut de panier. Ce ne sont pas des phénomènes comme Mario l’a été. Lui, de toute façon, il venait d’une autre planète !” Et des coureurs comme Colbrelli ou Modolo n’ont pas tout à fait le même profil. “Ce ne sont pas des purs sprinteurs. Ils ne sont pas faits pour les arrivées massives, quand le peloton est compact. Ils sont très rapides, mais surtout capables de gagner quand il y a déjà eu un peu de sélections.” Des coureurs complets et rapides, mais pas assez pour battre tout le monde.
Un effet cyclique
Plus qu’une véritable faille du cyclisme italien, Gianni Savio voit une explication cyclique. Un peu comme chaque nation en a connu depuis plusieurs décennies. “Ce sont des cycles. La Belgique, qui fut longtemps la nation du sprint, n’a plus non plus de vrai grand sprinteur.” L’Italie, pas dotée en stars de la dernière ligne droite, se rassure donc en se disant que d’autres pays ont le même problème. “Il y a des moments dans la vie d’une nation où naissent de grands champions, et parfois il y a des trous générationnels. En Espagne par exemple, sur les courses par étapes, ils ont eu Indurain, puis Contador. Et maintenant ils ont ce trou.” Il n’y a qu’à voir, pour illustrer ses propos, le sprint français. Il se porte bien en ce moment mais il y a dix ans, l’histoire n’était pas la même.
Gianni Savio va encore plus loin en mettant en avant le profil des courses italiennes, qui peuvent jouer, selon lui, un rôle dans cette pénurie. “En dehors du Giro et de Tirreno, il n’y a pas de courses pour les purs sprinteurs. Il y a toujours des petites côtes pour faire la sélection. Ce n’est jamais tout plat et le peloton n’arrive pas souvent groupé.” Il faut donc s’adapter et les sprinteurs du pays apprennent à passer les bosses. Au détriment de leurs qualités de vitesse. Alors quelle solution pour avoir des sprinteurs compétitifs au haut niveau ? Organiser davantage de courses plates comme la main ? On entend déjà les amoureux du cyclisme offensif crier au scandale et se désintéresser de la chose. Le risque de perdre en intérêt et de laisser moins de chance aux puncheurs de s’exprimer est grand. Mais le jeu en vaut peut-être la chandelle.
L’étape d’aujourd’hui a peut-être montré la relève avec Marezcko. C’est un pur sprinteur qui peut rivaliser avec les meilleurs en vitesse pure. Son problème pour le moment c’est qu’il manque un peu de caisse et de régularité (mais ce giro dans les jambes va lui faire du bien à ces niveaux là), mais surtout il n’a pas l’équipe pour l’emmener dans les sprints en WT.
Ouais enfin il a un ans de plus que Gaviria et Ewan et force de constater qu’il est bien en dessous.
Certes, mais la maturation des coureurs varie beaucoup de l’un à l’autre. Petacchi, par exemple, n’est vraiment devenu un sprinter remarqué qu’à 26 ans, après 4 premières saisons assez discrètes.
Difficile d’imaginer dans un pays aussi montagneux que l’Italie qu’on s’interdise des arrivées en côte, d’autant plus que beaucoup de villes moyennes, villes étapes par excellence, sont établies en hauteur par rapport aux vallées. Les grands sprinteurs italiens ont émergé malgré ces caractéristiques peu favorables, alors je ne pense pas qu’elles bloquent aujourd’hui plus qu’hier la progression des sprinteurs. C’est peut-être tout simplement parce que l’Italie attend son tour pour voir émerger un grand du sprint. Le cyclisme transalpin a vécu dans l’opulence pendant 20 ans, mais c’était une situation exceptionnelle, même pour une des meilleures nations du vélo. Un peu comme la France attend un successeur à nos Thevenet, Fignon, Hinault…