Maillot rouge à Milan l’an passé, le sprinteur italien Giacomo Nizzolo en est déjà à son cinquième Giro consécutif. Véloce, le Lombard l’est assurément, mais pêche toujours dans le domaine de la finition. Détenteur de seulement treize victoires à 27 ans, la plus haute marche du podium semble très souvent inaccessible pour celui qui s’était fait remarquer au Grand Prix de Plouay pour sa première saison professionnelle. Y a t-il gâchis pour autant ?

Toujours intrinsèquement inférieur à ses adversaires

La donne n’a toujours pas changé à l’entame de ce Giro. Bien moins puissant que l’ogre Marcel Kittel, Giacomo Nizzolo n’a pu faire mieux que deux tops 10 sur les étapes néerlandaises, sa marque de fabrique. Tout en ayant été auteur de solides cent derniers mètres, ce qui le caractérise également. Des places parmi les dix premiers, le coureur de l’équipe Trek en a déjà collectionné cinq depuis le Tour Down Under, auxquelles il faut principalement ajouter huit podiums. Pour seulement deux victoires, dans un périlleux Tour de Croatie, face à Mark Cavendish, deux tons en-dessous de son niveau d’antan. Et pourtant, avec ses deux succès, le Transalpin a déjà doublé son ratio de 2015, où il avait simplement levé les bras qu’à l’occasion du Grand Prix Nobili, si l’on excepte le classement par points du Giro. Son grand tour national lui a toujours porté chance, puisque c’est sur ses terres qu’il s’emploie à signer ses meilleurs résultats. Mais même quand les grands ténors abandonnent où désertent l’épreuve, la malédiction reprend son cours, et jamais Nizzolo n’a eu le privilège de sabrer le champagne au terme d’une étape de la course rose. Défait logiquement par le Manx Express ou Kittel, Nizzolo a aussi systématiquement perdu ses moyens face à Goss, Mezgec, Bouhanni, Matthews, Modolo, Viviani, Hofland. Ou plus cruel encore, lorsque des échappées tirent le gros lot durant les étapes de transition, et qu’il règle malgré lui le sprint du peloton.

Un bien malheureux tableau, qui occulterait presque son incroyable régularité. Depuis 2013, parmi tous les sprints massifs sur terrain plat du Giro, il n’a jamais quitté le cercle des dix premiers. Alors les explications peuvent être nombreuses. Son déficit de puissance et son manque de lucidité sont des éléments évidents. Mais d’autres arguments sont plus discutés. Serait-il au-dessus de ses moyens physiques durant le mois de mai, laissant aux spectateurs l’illusion qu’il pourrait faire mieux ? N’est-il pas tout simplement bien trop piètrement accompagné pour les sprints massifs ? Rarement entouré quand les trains d’Etixx, de la FDJ et de Lampre se mettent en marche, ses coéquipiers de Trek sont souvent transparents. Disputant pour la première fois le Giro avec Fabian Cancellara, l’aide du Suisse pourrait lui être précieuse. Ce serait un atout supérieur aux pauvres apports de Boy van Poppel ou Eugenio Alafaci, qui, sans leur faire offense, ne sont pas réputés pour être des poissons-pilotes d’exception. Car isolé et lâché dans la meute, Nizzolo part perdant.

Comment y remédier ?

Le fait que l’équipe soit problématique, Nizzolo ne s’en cache d’ailleurs pas, comme en témoignent ses déclarations du week-end dernier, après la deuxième étape. « Nous avons eu un problème de communication, nous étions beaucoup trop loin. J’ai fait un kilomètre à fond, mais ce n’était pas un sprint, juste un effort où le but était de dépasser le plus de gars possible. » Dans cette configuration, l’Italien se débrouille plutôt très bien. Mais ce n’est pas ce que l’on attend d’un sprinteur confirmé qui n’en est plus à ses débuts dans la galaxie professionnelle. Le placement est tout simplement essentiel, et bon nombre de coureurs ont progressivement gommé leurs lacunes tout en gardant le même acharnement. Arnaud Démare en est un exemple parmi d’autres. Nizzolo, lui, n’a rien d’un tueur capable de se faufiler entre les roues quitte à frôler les barrières pour faire parler son explosivité. Et pourtant, il reste l’un des grands favoris à sa propre succession au classement par points du premier grand tour de l’année. Endurant, correct lorsque la route s’élève, il a toujours terminé l’épreuve, lui permettant de rafler la mise en 2015, non sans faire les « traguardo volante », l’équivalent des sprints intermédiaires.

Sa polyvalence est de fait un autre de ses atouts, même s’il lui vaut parfois d’être enfermé dans une catégorie. Coureur de classiques à ses débuts, lui même ne se voyait pas immédiatement endosser des responsabilités sur les courses par étapes. Dans une interview d’avant-course, il semble également hésitant au sujet de ses priorités. Décrocher une victoire d’étape ou défendre son maillot ? On ne peut pas s’empêcher de dire que le garçon semble se satisfaire de peu et ne pas croire assez en ses capacités. Mais s’il voit juste, saluons au moins sa détermination et son engagement permanent pour tirer le maximum de ce que ses qualités peuvent le laisser espérer. Et en ce mois de mai, malgré une belle affiche promise entre Kittel et Greipel, la concurrence demeure moyenne. Kittel ne tiendra sûrement pas trois semaines, le Gorille de Rostock n’a rien montré, Caleb Ewan non plus, et des coureurs comme Amador ou Mohoric arrivent à s’intercaler dans les dix premiers d’une étape. Pour une édition où les probables sprints sont plus nombreux que d’habitude, ne pas voir Nizzolo lever les bras serait une nouvelle grosse déception. Mais Dieu sait qu’il est difficile de se défaire d’une étiquette d’éternel second…

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