En annonçant officiellement le transfert de Leopold König, dans les tuyaux depuis un moment, l’équipe Sky prouve qu’elle souhaite se renforcer encore et toujours après les signatures de Poels et Roche. Le Tchèque, septième sur les Champs-Elysées à l’arrivée du dernier Tour de France, s’est progressivement fait un nom parmi les nouveaux spécialites du genre, et arrivait en fin de contrat chez NetApp-Endura, dont la belle aventure se termine. Deux choix s’offraient alors à lui, rejoindre le World Tour ou poursuivre avec le repreneur allemand Bora. Verdict ? Cap Outre-Manche, pour une carrière à coup sûr changée !
Plus qu’un saut, un bond
Très rapidement, la formation dirigée par Ralph Denk a refusé de se cantonner au statut de petite équipe de division Continentale Pro. Réalisant son premier coup d’éclat en décrochant – et coulant de manière indirecte l’équipe Acqua Sapone – une wild-card pour le Tour d’Italie 2012, personne ne l’avait vraiment vu venir. Et déjà en interne, beaucoup misaient sur une révélation à venir aux yeux du grand public. Un jeune espoir venu tout droit de République tchèque, nommé Leopold König. Deuxième du Tour d’Autriche en 2011, il n’y participera finalement pas, pour cause de blessure, mais la suite, on la connait. Levant les bras au Tour de Grande-Bretagne cette même année, avant de remporter l’étape reine du Tour de Californie en 2013, il fait sensation sur sa première épreuve de trois semaines, la Vuelta. Vainqueur en haut de Penas Blancas, son nom ne peut plus passer inaperçu, et NetApp devient logiquement un tube des invitations World Tour. Plus besoin d’attendre une confirmation d’un coureur discret, modeste lorsque la Chronique du Vélo l’avait rencontré l’an passé, mais enchaînant désormais des performances régulières au sein de formations “familiales” : PSK-Whirlpool en formation continue, puis NetApp jusqu’à aujourd’hui. Avant que, naturellement, les équipes World Tour se soient battus sur le front du marché des transferts pour attirer dans leurs filets le septième du Tour, auteur d’une fantastique remontée au général dans les Alpes, après avoir perdu gros en première semaine. Le signe que le travail a payé.
Une densité à ne pas sous-estimer
En choisissant Sky, c’est pour König la consécration d’un parcours rondement mené, lui permettant de frapper aux portes des plus grandes équipes mondiales et de valider sa sélection sur les courses les plus renommées. Toutefois, cette décision n’est pas totalement évidente si l’on essaye de se mettre à la place d’un coureur de sa trempe. Valait-il mieux rester dans la maison mère, ou se risquer à l’aventure lointaine ? Le leader qui avait une équipe totalement acquise à sa cause depuis deux bonnes années dans sa future ex-structure, devra être soumis aux besoins d’un mastodonte des grands tours, cherchant à former le meilleur neuf autour de Chris Froome, vainqueur à Paris en 2013, avec une stratégie désormais bien connue, d’attribuer aux différents grimpeurs des rôles de lieutenants de l’extrême. Alors, König est-il prêt à faire des sacrifices, en disputant par exemple deux épreuves de trois semaines dans l’année, avec comme travail d’ouvrir la porte à son patron à un stade bien défini d’une montée finale, mais aussi de rouler en tant que capitaine de route pour cadenasser des scenarii auxquels il a contribué avec son tempérament offensif ? Ce qui a fait pencher la balance est sans doute à chercher du côté des coulisses, où les ultimes détails des prestations salariales semblent avoir joué un rôle non négligeable dans ce transfert. Il est clair que la nouvelle Bora n’était pas en mesure de satisfaire entièrement les volontés d’un coureur qu’ils ont vu grandir sous les couleurs bleues de NetApp, mais qui désormais peut légitimement viser plus haut.
Espérer à moyen terme un retour d’ascenseur
S’il est à priori impossible de le voir prendre le leadership sur le Tour de France, la course de ses rêves, voire d’un Giro ou d’une Vuelta, où figureront tout de mêmes les Porte, Henao, Nieve et consorts, sa chance repose surtout sur sa capacité à tirer son épingle du jeu sur quelques courses d’une semaine, qui pourraient correspondre à son profil. Onzième du Dauphiné avec un jour sans, les recruteurs britanniques n’ont probablement pas été insensibles aux promesses entrevues dans le contre-la-montre. Avec vingt jours de Tour dans les jambes, le « Roi » Leopold terminait cinquième des 54 kilomètres entre Bergerac et Périgueux, solidifiant son top 10 final. De même au Tour de Bavière, une course de l’Europe Tour souvent figée par ce type d’exercice, signant une performance encourageante. N’étant cependant pas un champion du monde du chrono en devenir, il pourrait se rapprocher d’un profil à la Rigoberto Uran, dont les progrès lui ont permis de s’élever dans la hiérarchie. Le parallèle avec le Colombien est certes osé, en raison des traits physiologiques opposés des deux hommes, mais n’est pas dénue d’intérêt pour la suite d’une carrière promise depuis longtemps à un avenir doré. En chipant un statut de lieutenant de luxe asservi sur quelques épreuves qui lui tiennent à cœur, König pourrait légitimement espérer quitter la Sky à la fin de son nouveau contrat, pour rejoindre une autre grosse écurie lui faisant confiance en le considérant comme une valeur sûre. Voici les enjeux principaux d’un coureur qui aurait pu choisir la facilité en restant au chaud là ou on lui tendait les bras, et qui ne manquaient pas d’offres sur son bureau -certaines sources tchèques l’envoyaient avec insistance chez Garmin. Il lui reste donc à bien négocier son premier grand tournant, afin d’entretenir les espoirs qui reposent sur lui…