Peu souvent vernie en stars, l’épreuve polonaise du World Tour était ornée d’une ambiance quasi festive et rare au vu des dernières éditions souvent marquées par des conditions météorologiques affreuses. Et pour cause, c’est au départ de Cracovie que le double champion du monde en titre, Peter Sagan, avait planifié sa rentrée après une fâcheuse exclusion sur les routes du Tour de France. Son équipe, Bora-Hansgrohe, a fait le show presque tous les jours, au risque de voir le général lui filer sous le nez pour quelques secondes, aux dépens de Dylan Teuns.

La folie des grandeurs

Habituellement, le calendrier de course de Peter Sagan après la parade des Champs-Elysées alterne entre une participation à la Vuelta et un détour par les courses à étapes nord-américaines ou encore les classiques du mois d’août. Mais cela faisait près de six ans que le géant slovaque n’était plus retourné de l’autre côté des Carpates. À l’époque, celui qui arborait encore le maillot vert de la Liquigas s’était livré à un duel avec Dan Martin, profitant de l’attentisme général lors des étapes accidentées. Empochant les bonifications au sprint de la dernière étape, il avait ravi le trophée final sur le fil à l’Irlandais. Cette fois, sa venue en compagnie de Rafal Majka, héros national et autre malchanceux de la Grande Boucle, a stimulé bon nombre d’outsiders de la future Vuelta à venir s’échauffer en Pologne. Mais même sur les circuits vallonnés de Zakopane et de Bukowina, il aura fallu s’employer pour lâcher l’imprévisible maillot arc-en-ciel, à l’apparence détendue, comme en atteste sa nouvelle composition capillaire.

Vainqueur d’un sprint massif, résistant sur un mur à 17 %, et même attaquant dans l’étape-reine, offrant une image inédite des côtes de la région envahies par des hordes de supporters frontaliers, presque toutes les caméras étaient focalisées sur lui. On en oublierait presque le classement général final et les enseignements secondaires de la semaine. Deuxième à deux secondes du Belge Dylan Teuns, Rafal Majka aurait très bien pu remporter une deuxième fois son Tour national si l’ogre de Zilina n’était pas venu lui chiper les bonifications de la deuxième place en haut du mur de Szczyrk. Les deux compères de la formation allemande, bien accrochés à la roue du puncheur de BMC, avaient distancé les autres prétendants à la gagne dans cette nouvelle difficulté qui devrait rapidement devenir un classique. Résultat, Sagan n’a rien perdu de sa superbe, et le voici revenu plus affamé que jamais. Le péché d’individualisme, propre à tout grand champion, le démontre bien assez. Même au pays de Majka, Sagan était le roi, et rien ne pouvait s’ériger contre sa volonté.

Bergen, J-50

Un costume royal qui lui sied toujours à ravir, mais qui ne s’attache annuellement à ses épaules qu’à l’issue d’une journée épique de cyclisme, et non en dépit des fulgurances journalières, semestrielles et mensuelles d’un inclassable garçon. Après avoir triomphé des pavés de Richmond en 2015, et battu les spécialistes de la dernière ligne droite à Doha en 2016, Sagan vise ni plus ni moins que le triplé à Bergen, le 24 septembre prochain. Une performance qui lui permettrait d’égaler dans la légende Freire, Merckx, Binda et van Steenbergen avec trois sacres, et surtout de devenir le premier des mortels à en aligner trois consécutivement. Une telle prouesse qui semble dans ses cordes, surtout que le tracé de Bergen semble du même acabit que la boucle de Ponferrada, qui avait vu Michal Kwiatkowski l’emporter.

Sur ce qu’il vient de montrer dans les Monts du Tatras, Sagan marque déjà psychologiquement les esprits. Sa journée cauchemardesque à Vittel oubliée, bien du courage souhaite t-on à qui peut aujourd’hui affirmer être capable de décrocher Sagan aux Mondiaux. Ce que l’on peut interpréter comme le plus grand faux pas d’une carrière pourrait bien se transformer en redoutable avantage pour aborder plein de fraîcheur la dernière partie de saison. Aligné sur le BinckBank Tour dès lundi aux Pays-Bas, Sagan devrait en toute logique gonfler un peu plus son total de victoires depuis janvier, resté bloqué à huit, pour 14 au terme de l’exercice 2016. Pas de Vuelta au programme, donc, mais une nouvelle montée en puissance sur des terrains où ses facilités peuvent aisément faire la différence. Difficilement oublié tout au long du mois de juillet, anormalement absent des fêtes publiques parisiennes, Sagan est bel et bien de retour, sans avoir changé. En totale conformité avec les attentes des observateurs et des fans, qui voient la mécanique réparée.

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