Après deux éditions plutôt fermées ayant consacré un vainqueur opportuniste et un chasseur polyvalent, l’« Enfer du Nord » a renoué avec son essence magique, produisant le plus beau Monument de ces cinq dernières années. Le spectacle offert par les 198 coureurs au départ de Compiègne valait assurément le détour, et parmi les premiers attaquants du jour, un Australien, Mathew Hayman. Passé au fil des kilomètres du statut de faire-valoir à celui de bourreau de la légende Boonen, analyse d’une performance sensationnelle, une semaine après avoir repris la compétition suite à une fracture du radius.
Digne successeur de Stuart O’Grady
Deuxième « Kangourou » à inscrire son nom au palmarès de Paris-Roubaix, on aurait bien tort de déconsidérer Mathew Hayman en raison de sa faible notoriété, conséquence d’un palmarès guère fourni. Âgé de 37 ans, l’homme en question fait partie des plus grands gregario du peloton actuel, au même titre que l’était Luca Paolini, ou encore Yaroslav Popovych, nouveau retraité à partir de ce soir. Pour remonter plus loin, c’est même du côté de Stuart O’Grady qu’une filiation peut être trouvée. Spécialiste des longues échappées, rapide au sprint et très à l’aise sur les pavés du Nord, l’ancien capitaine de route de la CSC fut le dernier rescapé d’une échappée de 31 en 2007, réalisant un magnifique exploit quand on connaît la concurrence de l’époque. Point de repère pour les nouveaux venus d’Orica-GreenEDGE lors de la création de cette structure, O’Grady à toujours été un modèle pour les professionnels « aussies », et cela semble assez difficile d’imaginer que Mathew Hayman n’ait pas été inspiré par l’épopée de son aîné. Pour sa toute première victoire, le natif de Campbelldown s’était illustré par une fugue victorieuse de 177 kilomètres au Challenge de Majorque. Très endurant, c’est un homme des longues distances qui à fait parler son volumineux bagage professionnel, après dix ans chez Rabobank et quatre chez Sky.
Car même si Hayman a passé l’intégralité de son enfance sur le sol océanien, c’est bel et bien aux Pays-Bas que sa carrière professionnelle s’est forgée. Détenteur d’une licence néerlandaise, il devenait ainsi champion des Pays-Bas sur route dans la catégorie espoirs en 1999, avant d’être promu comme nouvel équipier de choc d’Oscar Freire ou Juan Antonio Flecha. Pour son quinzième Paris-Roubaix, le voici donc récompensé de ses efforts dans le rôle toujours ingrat de lieutenant. Auteur de deux tops 10 sur Gand-Wevelgem, dixième puis sixième dans la banlieue lilloise en 2011 et 2012, ses aptitudes n’étaient plus à démontrer, et sa présence parmi les seize ayant pris la poudre d’escampette avant le premier des 27 secteurs pavés aurait logiquement due en interpeller certains. Secondé par Magnus Cort Nielsen dans un premier temps, Hayman a rapidement décidé de fausser compagnie aux autres fuyards après la Trouée d’Arenberg, se lançant dans un premier raid à 78 kilomètres de l’arrivée. Et l’anticipation a payé puisque parmi les premiers poursuivants à le reprendre figuraient Tom Boonen, Edvald Boasson Hagen et Sep Vanmarcke, grands gagnants du coup tactique initié par Tony Martin à plus de cent bornes de l’arrivée, condamnant Sagan et Cancellara à avaler la poussière et la boue pour recoller.
Une démonstration magistrale
À ce moment précis de la course, toutes les attentions étaient focalisées sur le duel à distance que se livraient Tom Boonen et Fabian Cancellara. Dès que le premier prenait la tête de son groupe pour créer des écarts, le second se dépensait sans compter pour espérer faire la jonction avec la tête de course. Hayman, lui, n’avait plus guère intérêt à repartir à l’assaut, d’autant plus qu’une heureuse surprise collective l’attendait. Luke Durbridge et Jens Keukeleire avaient accroché le bon wagon. Vraisemblablement dans le jour de sa vie, Hayman a donc tranquillement reconstitué ses forces, échappé aux chutes en série à Auchy-les-Orchies, pour finalement revêtir le costume de l’homme invincible dans la dernière heure de course. Au fur et à mesure que l’écrémage se produisit, Hayman ne fit que remonter un à un ses concurrents en file indienne, avant de résister aux estocades brutales de Sep Vanmarcke, lui aussi dans un très grand jour. Sous-estimé par ses prestigieux adversaires, Hayman commençait à faire mentir les observateurs qui ne s’attendaient pas à ce qu’un coureur échappé depuis la première moitié de course puisse tenir la dragée haute à des fous furieux ayant lancé la bataille de très loin. Mais pourtant, dans le Carrefour de l’Arbre, c’est bien lui qui va effectuer le gros du boulot – avec un Tom Boonen épatant – pour aller rattraper un entrepenant Vanmarcke désireux de prendre les devants.
Son aisance, nullement diminuée, se fait encore plus sentir quand le filou Ian Stannard attaque à deux reprises sur des portions asphaltées à moins de dix kilomètres de l’arrivée. Boasson Hagen, cinquième larron et souffrant dans les dernières portions pavées, mais aussi Vanmarcke, se résignent à laisser partir quelqu’un que rien ne semble pouvoir arrêter. Même Tom Boonen, sans doute jamais aussi fort que depuis sa dernière campagne de classiques victorieuse en 2012, ne peut le décrocher, et vacille sur un relais plus appuyé d’Hayman dans l’avenue pavée du vieux Roubaix. Une performance déjà assez déconcertante, avant que l’étape finale ne se profile, celle du sprint sur le vélodrome. Se marquant dès leur entrée sur la piste, les deux hommes permettent à l’inépuisable Vanmarcke de revenir avec Boasson Hagen et Stannard. Réputé pour sa pointe de vitesse correcte en cas d’arrivée groupée, Hayman partait néanmoins perdant sur le papier face à Boonen et Boasson Hagen. Mais face au quadruple vainqueur du mythe nordiste, celui qui n’avait plus gagné depuis Paris-Bourges 2011 a créé l’incroyable surprise. Terrassé par plus fort que lui, Boonen, l’icône flamande, avouait aux micros de France Télévisions que la victoire était promise à celui qui prendra le dernier virage en tête. Lui s’est fait enfermer, et a perdu. Au-delà la sympathie naturelle émanant du public pour un champion loupant de peu la possibilité de détrôner Roger de Vlaeminck dans les livres d’histoire et les applaudissements répétés pour le tour d’honneur de Fabian Cancellara, c’est donc bien Mathew Hayman qui a accompli la plus grande performance de sa carrière. En toute inconscience.
Je crois que c’est la plus belle course que j’ai pu voir depuis que je suis le cyclisme… On ne s’est jamais ennuyé, du tout début jusqu’à la fin qui se joue pour quelques centimètres !
Dommage pour Sagan et Cancellara, j’aurais vraiment aimé les voir dans ce final. Et bien sur bravo à Boonen et Hayman pour ce finish de folie !
Ce fût une course passionnante , intense , palpitante . Il n’y a pas eu un moment de répit . Bravo à Hayman pour cette victoire inattendue . Déception pour Boonen qui loupe de peu le record de victoire . Mais il a fait une super course et le revoir a un tel niveau cela fait plaisir . L’australien est le vainqueur de cette édition 2016 mais ses rivaux ont tout donné et se sont battus comme des lions . Hayman réalise la plus belle perf de sa carrière mais était inconnu ou presque d’une grande partie du public . Cancellara et Boonen font partie des légendes de cette course l’un s’en va , l’autre est passé tout près de l’exploit le public ne pouvait pas rester indifférent à cela .
Effectivement, une superbe course avec des coureurs qui ne calculaient pas leurs points World Tour dans le final. Notons tout de même la très belle 10e place de Adrien Petit, qui je trouve a vraiment passé un cap cette saison. On espérait peut-être mieux des Français, mais le vent n’était malheureusement pas toujours de leur côté, et puis il faut admettre qu’ils n’ont pas encore les qualités pour être présents dans ce genre de final. N’oublions pas aussi la troisième place de Tanguy Turgis dans la catégorie des juniors, porteuse d’espoirs pour l’avenir.
C’est l’une des plus belles courses que j’ai vu depuis que je suis le cyclisme mais j’ai quand même beaucoup de mal à y croire, qu’un homme dont la plus belle victoire était Paris Bourges et qui n’a repris la compétition il n’y a qu’une semaine fasse la nique à Boonen et autre Stannard, surtout qu’il a quand même gaspillé deux trois cartouches en attaquant en vain dans le final
Course magnifique grâce en grande partie aux Ettix qui ont assassiné Cancellara une nouvelle fois surpris et, plus étonnant, Sagan. A 100 km de l’arrivée, on était déjà en pleine bagarre.Les Jumbo boys de Vanmarcke ont montré que l’équipe n’avait plus rien à voir avec celle frileuse et maladroite de l’an dernier. Boonen, Boasson Hagen, Stannard,Vanmarcke, je ne savais pas lequel j’aurais aimé voir gagner et c’est Hayman, sur qui personne n’aurait mis un centime, qui gagne. Consolation: son âge permet aux battus de se dire qu’il n’est pas encore trop tard pour bien faire.
Quelle course folle! Les Etixx ont peut-être fait preuve de trop d’audace en embrayant aussi loin de l’arrivée et alors qu’ils se sont vite retrouvés en sous-nombre par rapport à Lotto-Jumbo et Sky. Boonen a trop souvent dû rouler en personne et a perdu des forces qui, peut-être, auraient été celles qui lui auraient permis de partir seul dans le Carrefour de l’Arbre… Les Sky ont parfaitement jouer le coup avant de chuter en pagaille, mais la 3e place de Stannard récompense la démonstration collective. (et le jeune Gianni Moscon apparaît comme un futur client sur les pavés flandriens, à n’en pas douter!) Sagan et Cancellara ont pâti de la relative faiblesse de leur équipe. Sans Degenkolb, Giant n’a pas eu de chance mais ses forces étaient réelles avec le double top 20 du régulier De Backer et de l’ancien espoir Sinkeldam. Je reste très déçu pour Vanmarcke, celui qui aura tenté de forcer l’issue de ce Paris-Roubaix grâce à ses chers pavés finit au pied du podium… Il fallait une sacrée chance pour se retrouver à l’avant ce dimanche. Et de l’audace de la part des échappés. On voit tout de même que certains gros moteurs flandriens vieillissent mieux… Lire la suite »
Comment Hayman a pu être Champion des Pays-Bas espoir en étant Australien ?
Mathew Hayman, rapidement pris en charge par les structures de détection de l’équipe Rabobank, possédait une licence néerlandaise qui lui octroyait le droit de participer à cette compétition.
Après concernant Sagan, Cancellara et Etixx, c’est la grosse chute collective qui a entraîné ce scénario. Les Etixx étaient obligés de rouler avec les deux favoris ralentis par cette chute, donc en même temps ça a permis d’éliminer Sagan et Cancellara mais ça les a forcé à rouler et à se dévoiler très tôt dans la course.
Finalement, les Sky étaient ceux dont la chute a été la plus prolifique. Mais les 2 chutes consécutives ont eu raison de la cohésion de l’équipe (Avec Rowe qui perd beaucoup d’énergie, alors qu’il avait l’air plutôt bien)
J’etais juste degouté que Bonnen fasse 2eme, après cette course de folie il méritait tellement son record. Un peu comme quand chavanel a finit 2eme du tour des flandres. Ils doivent sentir tout un peuple derriere et la pression est trop grande