Invitée sur le Tour puis sur la Vuelta, l’équipe MTN-Qhubeka ne se fait pas prier pour briller. Cummings en juillet et Sbaragli en août ont accroché deux étapes de prestige, et surtout, le jeune Louis Meintjes, 23 ans, s’apprête à décrocher un bel accessit au général de l’épreuve espagnole. Le Sud-Africain est solidement ancré dans le top 10 à cinq jours de l’arrivée, et on voit mal ce qui pourrait l’empêcher d’être le premier africain à finir un grand tour aussi haut dans le classement.

Des débuts entre Afrique et Europe

Parmi les nombreux espoirs embauchés par la formation MTN, Louis Meintjes a toujours été le plus prometteur. Champion national en ligne et en contre-la-montre chez les juniors, alors qu’il venait à peine d’avoir 18 ans, ce coureur au gabarit d’adolescent a rapidement suscité l’intérêt des recruteurs européens, désireux d’explorer un nouveau marché à l’heure où le cyclisme se mondialise. Bingo. Taillé comme un grimpeur et aux limites encore inconnues, Meintjes possède le profil parfait pour intégrer les rangs des clubs espoirs de l’autre côté de la Méditerranée. En 2011, il est accueilli par l’UC Seraing, petite structure située dans la ceinture sidérurgique liégeoise, ce qui lui offre l’avantage de courir quelques belles courses du calendrier U23, et d’acquérir une science de la course qui lui servira plus tard.

Il ne se fait alors pas prier pour montrer l’étendue de ses capacités, et remporte notamment une étape du Triptyque Ardennais, autrefois remporté par des figures du cyclisme Ivan Basso, Philippe Gilbert ou encore Vladimir Malakhov. Cependant, ses premiers programmes de courses sont partagés entre la découverte des courses belges et les joutes les plus prestigieuses sur ses terres. Ainsi, il décroche deux médailles d’argent aux championnats d’Afrique élites, dont une en contre-la-montre. Son profil, quelque peu atypique, mais également attachant, séduit, et après avoir côtoyé un environnement restreint à Seraing, Meintjes est signé par la grande réserve d’une équipe World Tour, la Lotto-Belisol.

Un tremplin rêvé, puisqu’en cas de poursuite des bons résultats, Meintjes était comme tous ses coéquipiers en position légitime pour obtenir son premier contrat professionnel douze mois plus tard. Et comme on pouvait s’y attendre, c’est en montagne que le natif de Pretoria tire son épingle du jeu, contrastant avec la fascination presque normale que portent ses collègues pour les pavés des Flandres ou les côtes de la Doyenne. Sixième du Tour des Pays de Savoie mais aussi deuxième au sommet du Markstein sur le Tour d’Alsace -derrière Tiernan-Locke mais devant Zakarin et Barguil – Meintjes parcourt alors les différents rendez-vous des moins de 23 ans et participe logiquement à ses premiers Mondiaux espoirs.

Une progression constante

A Valkenburg, la victoire se joue toutefois au sprint, ce qui ne l’arrange pas : il termine 67e. Mais ça ne l’empêche pas d’être pisté par de grosses écuries. Et comme pour mieux faire fructifier son apprentissage européen, Meintjes décide de revenir au bercail en s’engageant pour le team MTN-Qhubeka. Aguerri, celui qui est alors âgé de 21 ans frappe fort en début de saison, et réédite le même doublé qu’en 2011 sur ses championnats nationaux, course en ligne et chrono, cette fois dans la catégorie espoirs. Prêt à saisir ses premières libertés sur des épreuves mineures, il se prépare en toute discrétion pour les Mondiaux espoirs de Florence, où le circuit difficile le motive. Il y fait mouche, et se livre à un mano à mano somptueux avec le Slovène Mohoric. Bilan, une belle médaille d’argent à l’arrivée, et la révélation de son caractère bien trempé. Désormais, le voici fin prêt pour faire le grand saut.

Depuis ses premiers coups de pédales, Meintjes a pris l’habitude de s’améliorer course après course. Pour la première fois champion d’Afrique du Sud sur route élite en 2014, il termine onzième au Tour du Langkawi, et se fait remarquer sur le Tour du Trentin. Cinquième à l’arrivée et meilleur jeune, il impressionne par son aisance sur les forts pourcentages italiens, et valide son billet pour disputer son premier Liège-Bastogne-Liège, après avoir déjà goûté au Tour de Lombardie et à Milan-Sanremo. « Le Trentin est une course qui me convient très bien. Et lors de la dernière étape (où il termina 2e, ndlr), je sentais que j’étais dans un bon jour. Alors j’étais très content du résultat, mais aussi déçu car la victoire était si proche… », racontera plus tard le Sud-Africain, signe qu’il ne se satisfait pas de peu.

Quelques mois plus tard, il prend donc la direction direction de l’Espagne afin de disputer le premier grand tour de sa jeune carrière. Impatient d’en découdre, ce compétiteur né prend les échappées, et lutte pour une victoire d’étape au sommet de la Camperona avec Ryder Hesjedal. « Une de mes journées les plus difficiles sur un vélo », confiera-t-il. Il n’en reste pas moins que le bilan de sa première expérience est très positif, puisqu’en plus de son goût pour l’attaque, Meintjes montre qu’il sait récupérer, terminant 18e de la vingtième étape au Puerto de Ancares, quand les leaders s’expliquaient entre eux. Avec ses amis Grmay, Kudus et Teklehaimanot, il incarne le nouveau visage des grimpeurs qui émergent, et bénéficie déjà d’une forte côte de sympathie dans le peloton. Il ne lui reste donc qu’à passer la vitesse supérieure en 2015.

Une montée en puissance jusqu’à la Vuelta

Sur la Semaine Coppi et Bartali, il signe enfin sa première victoire professionnelle en dehors de tout championnat. Sonnant la charge le dernier jour, il réalise un raid en solitaire, dans la lignée de sa sixième place au Tour d’Oman, et fait coup double sur le gong. Huitième au Trentin sur une course qui lui réussit bien, il se livre corps et âme sur les routes de Liège-Bastogne-Liège, et prend la onzième place sous une pluie battante. Très souriant, son style sur le vélo ressemble à celui de Warren Barguil, combatif et culotté. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si les deux hommes partagent les mêmes courses de prédilection, et une trajectoire similaire.

Et l’année de l’éclosion, pour le Sud-Africain, est incontestablement 2015. Sur le Dauphiné, on entrevoit régulièrement sa silhouette à l’avant de la course, notamment lors de l’ascension de Pra Loup (sixième) et vers Saint-Germain Mont-Blanc (troisième), où il fut le dernier rescapé de l’échappée à s’accrocher aux basques des leaders et de son modèle, Chris Froome. « Quand j’ai commencé le vélo, je suivais de près Chris Froome. En voyant sa progression, je me suis alors dit que s’il avait pu devenir professionnel et progresser comme il l’a fait, je pouvais faire pareil. Froome est une très grande source d’inspiration pour moi. »

Après un Tour de France compliqué, où il abandonne à quelques jours de l’arrivée, Meintjes a donc fait de la Vuelta une pierre fondatrice de son futur édifice, et s’est décidé à y jouer le classement général. Dixième à 5’22 de Rodriguez au soir de la seizième étape, cela fait depuis l’étape reine en Andorre qu’il truste le top 10. Et il semble en être indéboulonnable. En grande forme, il arrive à supporter les allures soutenues imposées par les trains des différentes équipes, et n’a pas tant à craindre de l’exercice chronométré qui arrive. Sur les 36 kilomètres des Mondiaux U23 de Ponferrada, il s’était classé huitième à 48 secondes de Flakemore, tandis qu’aux Pays-Bas en 2012, il n’avait concédé que deux minutes à Tom Dumoulin, aujourd’hui en lice pour le maillot rouge. Alors pour la troisième semaine, on se prend même à l’imaginer dépasser des Movistar à la dérive. En tout cas, le concernant, il ne faut désormais plus rien exclure.

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