Tout devient déraisonnable lorsqu’il s’agit de Giro et des Italiens. Alors imaginez lorsqu’il est question de la centième édition. Depuis des mois, on y annonce un plateau gargantuesque, avec Nibali, Quintana, Pinot, Thomas et une flopée d’outsiders. Sauf que cette semaine, un homme a annoncé qu’il ne serait pas au rendez-vous car blessé : Fabio Aru. Celui que toute l’Italie voulait justement voir au départ d’Alghero.

De mal en pis

Cette saison, on n’avait quasiment pas vu Fabio Aru. Tout au plus l’avait-on aperçu, rapidement, à Oman et Abu Dhabi. Seul le Giro comptait. Il s’y préparait depuis trois mois, pour honorer cette centième édition qui en plus, partait de chez lui. « Je rêvais de partir de Sardaigne », confiait-il dans un communiqué cette semaine, en même temps qu’il officialisait sa non-participation. A moins d’un mois du grand objectif, une chute lors d’un entraînement en Espagne a ruiné ses chances. Un déchirement de l’autre côté des Alpes. Les tifosi espéraient tant voir le duo Nibali-Aru, plus équipiers mais quand même compatriotes, truster le podium devant les étrangers venus lorgner sur la course rose. Il n’en sera rien, à priori. « La jambe gauche ne fléchit plus, confiait le Dr Franco Combi, qui s’est occupé d’Aru ces derniers jours, à La Nuova Sardegna. Son genou est touché. C’est comme si on lui enfonçait un tournevis dans la chair. Il faudrait un miracle (pour qu’il soit au départ du Giro). »

Doit-il faire le choix de la raison ?

Le principal intéressé, lui, ne cesse de s’excuser. Sur Twitter, via les communiqués de son équipe, il clame sa tristesse. En confirmant qu’il ne pourra pas répondre présent, dans maintenant trois semaines. Son équipe, en tout cas, est catégorique : « Si seulement nous avions une chance sur mille… Mais non », assure-t-on en interne, chez Astana. Pourtant, toute l’Italie espère qu’il tentera, coûte que coûte, d’être au départ. Même Vincenzo Nibali, qui a quitté la formation kazakhe dans un climat tendu, notamment à cause de ses relations avec Aru, lui a adressé une lettre, publiée ce mercredi dans la Gazzetta dello Sport. « Fabio, ne perds pas espoir, lui demande-t-il. Même si ça semble difficile et peut-être même impossible. (…) Toi et moi sommes les deux grands coureurs italiens de grands tours et tu manqueras à tout le monde si tu ne peux pas être en Sardaigne. (…) Fabio, ne perds pas espoir même si tout semble perdu, les miracles arrivent. »

Les mots sont touchants. La réalité pourrait être plus complexe. Le cartilage du genou gauche de Fabio Aru est touché. Depuis le diagnostic, il est au repos forcé pour dix jours. Un nouvel examen interviendra le 20 avril. Mais si l’équipe Astana a d’ores et déjà annoncé le forfait de son leader, c’est que rien ne peut vraisemblablement le remettre sur pied. Chez lui en Sardaigne, on continuera malgré tout d’y croire jusqu’au bout. Les journaux locaux parlent du « fort caractère de Fabio Aru » qui pourrait presque se substituer à un « miracle ». Puis, dans un élan de lucidité, La Nuova Sardegna se rend compte qu’il faut peut-être se faire une raison. Vient alors le moment de trouver le positif dans ce forfait de dernière minute. « Beaucoup se souviendront qu’en 1995, Marco Pantani avait déjà dû renoncer au Giro deux jours avant le départ, écrit le journaliste transalpin Mario Carta. Il avait ensuite terminé troisième du Tour de France. (Ce qui est faux, Pantani avait remporté deux étapes mais terminé 13e, ndlr) » L’objectif changerait. L’espoir, lui, perdurerait.

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