Ça y est, à 24 ans, Fabio Aru va démarrer un grand tour avec l’ambition légitime de décrocher la victoire. Certes, il aura face à lui de très gros concurrents, mais il a prouvé l’an dernier, sur le Giro et surtout sur la Vuelta, qu’il avait tout d’un grand. A domicile, celui qui représente les seules chances de victoire italienne au général a donc des raisons d’y croire, même si la polémique autour de ses maux d’estomac ces dernières semaines ne lui permet pas de prendre le départ dans les meilleures conditions.

Pourquoi il gagnera le Giro

Son Tour national lui tend les bras. Troisième l’an passé à la surprise générale, Fabio Aru est un fin connaisseur des routes de son pays. Vainqueur du Tour de la Vallée d’Aoste chez les espoirs et deuxième du Girobio, la course dont rêve chaque italien est désormais à sa portée. L’an dernier, son panache avait ébloui la course au cours d’une troisième semaine où les adversaires de Nairo Quintana paraissaient déjà résignés. À 24 ans, ce pur grimpeur a déjà brûlé bien des étapes, et il ne lui reste plus que la dernière marche à gravir, à savoir la victoire finale sur un grand tour. Et bien que cela puisse paraître prématuré, mais il n’aura pas chaque année l’occasion de jouer sa carte sur la course rose, et il faut saisir l’opportunité. En effet, le doublé Giro-Tour dont rêve son coéquipier Nibali sera probablement reporté à 2016, et Aru devra s’adapter. Tel les très grands, il doit donc relever le défi en triomphant en haute montagne pour sa première participation en tant que leader annoncé. Et avec des limites qu’on ne lui connaît pas encore, les rêves sont possibles.

Le parcours est tracé pour les attaquants. Bien qu’un peu moins montagneux que par le passé, le tracé de ce 98ème Tour d’Italie est fait pour favoriser les offensives, en lieu et en place d’un cyclisme d’attente qui a lui aussi fini par contaminer la planète Giro. Les dernières difficultés ne sont pas toujours des arrivées au sommet, et plus subtil encore, elles ne sont pas forcément les plus difficiles des étapes en question. Déchaîné dans la montée du Montecampione l’an passé, le Sarde ne doit pas se brider pour permettre de croire en ses chances de victoire finale à Milan. Pourquoi même ne pas voir celui qui suit les conseils d’un vainqueur des trois grands tours surprendre ses adversaires dès les Cinque Terre, ou bien dans la traversée des Appenins ? En tout cas, il lui faudra anticiper le chrono, et on l’imagine mal rester caché dans le peloton.

Il a déjà battu Contador. Contrairement à Rigoberto Uran ou Domenico Pozzovivo, Fabio Aru peut se targuer d’avoir déjà battu à deux reprises le Pistolero sur des arrivées au sommet. C’était pendant le dernier Tour d’Espagne, où le transalpin avait distancé le Madrilène en haut de San Miguel de Aralar, et au pentu Monte Castrove. Très à l’aise qui plus est en récupération, Aru pourrait coiffer ses rivaux au poteau, lui qui ne compte d’ailleurs que quinze jours de course au compteur. Très clairement, rien ne lui fait peur, et sa force réside sans doute dans sa capacité à rééditer les grosses performances sur trois semaines. Pour son premier enchaînement de grands tours en une seule année, en 2014, il n’a pas connu un seul jour sans, contrairement à certains de ses rivaux annoncés sur ce Giro. Costaud.

Pourquoi il ne gagnera pas le Giro

Lui même ne sait pas très bien où il en est. Si Alberto Contador est bien l’un des seuls à viser le doublé Giro-Tour avec l’espoir de décrocher la première place à chaque fois, Aru part lui aussi dans l’inconnue avec un calendrier chargé puisqu’il se mettra à la planche pour Nibali en juillet. Mais surtout, son état physique inquiète à 48 heures  des premiers coups de pédale. Victime de maux gastriques à répétition, et donc forfait pour toutes ses courses préparatoires depuis le Tour de Catalogne, sa seule référence est une sixième place en Espagne, derrière Porte, Valverde, Pozzovivo, Contador et Uran. Le tout accompagné d’une maigre onzième place sur l’arrivée au sommet. Enfin, son travail hivernal en soufflerie en vue d’améliorer ses aptitudes contre-la-montre n’a pas pu être validé. Peu rassurant.

Il n’est plus inconnu du grand public. Quand on brille, il faut toujours s’attendre aux retombées. Et par ses résultats remarquables en 2014, Fabio Aru s’est fait un nom parmi les spécialistes de courses par étapes. Le fait qu’il soit considéré comme un favori pour ce Giro 2015 illustre parfaitement cette exposition nouvelle. Car en mai dernier, à Belfast, il demeurait encore dans l’anonymat médiatique le plus total, et prenait le départ dans un rôle d’équipier pour Scarponi. C’est peut-être justement grâce à cette absence de pression que le tempérament bouillant du coureur d’Astana s’était révélé. Désormais observé, Aru devra composer avec une partie tactique qu’il ne maîtrise en théorie pas complètement, et des attentes bien plus élevées. D’autant que les tifosi ne pourront compter que sur lui pour une victoire finale d’un Italien…

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