Il y avait de l’espoir, sans doute un peu trop, sur les épaules d’Arnaud Démare et Nacer Bouhanni. Tant de monde espérait les voir batailler pour le maillot arc-en-ciel, au milieu des Sagan, Cavendish et Boonen. Mais rapidement, on a compris que ce ne serait pas le cas. Que les Français s’étaient plantés. Et qu’amener à Doha deux sprinteurs incapables de travailler ensemble n’était pas le meilleur choix.

La division à son paroxysme

Forcément, c’est plus facile à dire après coup. D’ailleurs, il y a encore quelques jours, nous-mêmes voulions croire en les chances du duo tricolore. Mais force est de constater que c’était trop illusoire. Perdu d’avance. Qu’emmener au Qatar deux équipes de France aussi distinctes ne pouvait pas fonctionner. « On a été mauvais, c’est sûr, notait avec lucidité Arnaud Démare après avoir abandonné. On a été piégés par les grosses nations, on a peut-être manqué de solidarité. » Chez les Bleus, il y avait en effet deux groupes : un autour de Démare (Bonnet, Offredo, Sarreau), l’autre autour de Bouhanni (Soupe, Laporte, Lemoine). Et au milieu, Adrien Petit. Ou comment éclater en morceaux une sélection de neufs coureurs, qui unie aurait pu faire autant de dégâts que leurs homologues belges et italiens. Parce qu’on ne peut s’enlever de l’esprit que cette division a coûté à l’équipe de France un bien meilleur résultat.

La déception est pourtant basée sur des suppositions. Avec huit coureurs autour d’un seul homme, rien ne dit que le scénario aurait été différent. Les Français n’avaient peut-être pas les jambes, tout simplement. C’est d’ailleurs en partie ce qu’a concédé Démare à l’arrivée. Mais comment ne pas imaginer qu’avec un groupe construit plus logiquement, le ou les leaders auraient été mieux accompagnés et auraient su éviter d’être pris dans cette fameuse bordure ? Hasard ou non, seules deux grosses sélections ont tout perdu à ce moment de la course : la France et l’Allemagne, celles qui n’avaient pas su faire de choix clair quant à leur stratégie et à leur leader. A des milliers de kilomètres de là, un certain Bryan Coquard a donc de quoi se triturer l’esprit. Oui, s’il avait été du voyage au Qatar, la France aurait couru autrement. Et aurait peut-être été capable d’au moins amener son leader jusqu’au sprint final. Sauf qu’il faudra se contenter de refaire la course avec des « si » et se torturer un peu en se souvenant combien les éditions pour sprinteurs sont rares.

L’excuse de la jeunesse ?

Si la déception est si grande, c’est malgré tout parce que les espoirs étaient fondés. La valeur des deux sprinteurs français ne fait plus aucun doute. Ils ne sont pas encore les patrons du peloton, mais des outsiders qui méritent d’être considérés. En vue des Mondiaux, ils faisaient peur. La victoire de Démare sur Milan-Sanremo, en mars dernier, l’a fait passer dans une autre dimension. Comme les succès toujours nombreux d’un Bouhanni qui ne bloque désormais plus que sur le Tour de France. Mais tout s’est écroulé en quelques minutes seulement. Il aura suffi d’un virage à droite pour que leur rêve s’envole. Après l’arrivée, le sélectionneur Bernard Bourreau regrettait justement que ses ouailles aient trop pensé au sprint final ces derniers jours, sans prendre en considération que la course pouvait se jouer avant. Un des vices de la jeunesse, sans doute. Mais l’excuse risque de ne pas tenir longtemps, car le vainqueur, Peter Sagan, n’a que 26 ans. Autant que Bouhanni, et seulement un an de plus que Démare. Sauf que lui ne s’est pas rêvé trop beau avant même le départ.

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